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Les communes associées de Makemo veulent leur indépendance


Quelques élus frondeurs. De gauche à droite, Bruno Faatoa, Ana Flores et Teremihi Tohitika.
Quelques élus frondeurs. De gauche à droite, Bruno Faatoa, Ana Flores et Teremihi Tohitika.
MAKEMO, le 01/03/2016 - Cette histoire ne date pas d'hier puisque des anciens élus s'étaient déjà levés, il y a plusieurs années, pour dénoncer les irrégularités de traitement entre la commune centrale et ses communes associées. Aujourd'hui, les maires délégués de Raroia / Takume et de Taenga / Nihiru ainsi que des conseillers municipaux se lèvent pour dénoncer l'inaction du maire envers leurs projets. Ils demandent qu'un conseil municipal soit mis en place pour débattre de la défusion de ces atolls.

Pour accéder à leur demande, il va falloir qu'un tiers des élus au sein du conseil municipal de Makemo soumette ce sujet au maire, Félix Tokoragi. À savoir qu'au sein du conseil municipal de Makemo, on compte actuellement 18 élus depuis la démission en 2015, de Jean-Yves Mairoto, élu de Nihiru. Un tiers du conseil municipal représenterait six élus.

Ce mercredi matin, les maires délégués de Raroia / Takume, Ana Flores et de Taenga / Nihiru, Teremihi Tohitika ont tenu une conférence de presse à Papeete pour dénoncer l'inaction du maire de Makemo envers leurs atolls. Ils étaient accompagnés d'un élu de Takume, Bruno Faatoa. Ils avaient en leur possession, les documents nécessaires pour enclencher le processus. Même s'ils n'avaient recueilli que cinq signatures, ceux-ci assuraient qu'un élu de Katiu les suivrait, et il s'agirait de l'ancien tāvana de Makemo, Michel Yip.

"Je l'avais eu au téléphone dimanche dernier, et il m'a dit qu'il avait déjà lancé ce projet de défusion pour Katiu, les années passées. Je pense qu'il serait partant effectivement. Je le rencontrerai demain (aujourd'hui, ndlr) à mon retour", lance Bruno Faatoa, élu de Takume.

"Actuellement, nous faisons un retour en arrière", assure Michel Yip, élu de Katiu. "J'avais rencontré, à l'époque, l'administratrice en charge de nos atolls, et elle-même trouvait qu'il y avait des injustices. La répartition du budget entre Makemo et ses communes associées n'est pas correcte. Et c'est comme cela que j'ai été élu maire".

MAKEMO EST DIVISÉE EN CINQ COMMUNES ASSOCIÉES

En 2012, la commune de Makemo comptait plus de 1 500 habitants. L'atoll est composé de cinq communes associées : Raroia, Takume, Taenga, Nihiru et Katiu.

Mais aujourd'hui, selon les élus frondeurs au sein du conseil municipal, dix élus viendraient de Makemo et les huit autres seraient issus des communes associées. À première vue, le vote de ce projet de défusion ne passerait pas. Mais l'opposition est sereine puisque "deux voire trois élus de Makemo pourraient nous rejoindre", confie Bruno Faatoa. "C'est la raison pour laquelle, j'ai lancé le processus", rajoute-t-il.

COMMENT EN SONT-ILS ARRIVES LÀ ?

Comme dans la plupart des communes associées, le plus dur pour un maire est de satisfaire l'ensemble de ces élus, et Makemo n'echappe pas à la règle. "Nos demandes d'aide n'aboutissent jamais, on ne reçoit rien du maire et nous sommes obligés de passer par la secrétaire générale. Nous sommes arrivés à un stade où nous devons prendre une décision. Nous avons été élus par une population et nous avons des comptes à lui rendre", explique Ana Flores, tāvana déléguée de Raroia / Takume.

Le maire délégué de Taenga / Nihiru, Teremihi Tohitika va même plus loin. "J'ai l'impression qu'il faut que je le suive politiquement parlant pour obtenir quelque chose en retour. Moi, je reste sur les affaires de la commune. Il faut que ce soit clair. Lorsque Michel Yip était le maire, nous n'avions pas de problèmes comme aujourd'hui."

Une union des communes associées des Tuamotu Gambier a même été créée, réunissant en son sein les élus frondeurs du conseil municipal de Makemo.

Même s'ils savent que le chemin sera long, ces élus assurent que leur combat ira jusqu'au bout. "On demande au Haut-commissaire ou au maire de Makemo de suivre cette voie. De nous laisser notre indépendance, comme cela, on ne l'embêtera plus", conclut Bruno Faatoa.

Malgré nos multiples tentatives, nous n'avons pas réussi à joindre le maire de Makemo, Félix Tokoragi.

Ana Flores
Maire déléguée de Raroia / Takume

"Le tāvana ne nous appelle plus"


"Au début, les relations entre notre tāvana et moi étaient au beau fixe. Mais depuis qu'il a embauché la nouvelle secrétaire de Makemo, il a commencé à changer. Aujourd'hui, c'est elle qui décide pour nous. J'en ai fait part à l'administrateur, je lui ai demandé ce que nous valons aujourd'hui. Nous sommes des élus ou nous sommes des employés par rapport à la secrétaire générale ? Aujourd'hui, il est temps pour nous de montrer que nous avons été élus par un peuple. Il faut que tout cela s'arrête. Le tāvana de Makemo ne nous appelle plus, il ne répond pas à son téléphone. Nous sommes obligés de passer par la secrétaire. Je ne comprends pas. Ce n'est pas avec la secrétaire que nous voulons discuter, mais avec lui, c'est lui le maire. Il est comme un père de famille."

Teremihi Tohitika
Maire délégué de Taenga et Nihiru

"Ça me révolte de voir que la politique soit mise en avant"


"Ça me révolte de voir que la politique est mise en avant. Cela concerne même les embauches au sein de la commune. Voilà ce qu'il se passe chez nous et je trouve que ce n'est pas juste, parce que les gens sont libres de voter pour qui ils veulent. Nous n'avons aucune aide venant de la commune. Maintenant, nous aimerions demander l'indépendance de nos communes associées, comme cela s'est fait pour Hitiaa o te ra. Si on n'arrive pas à atteindre cet objectif et bien tant pis, au moins nous aurons essayé."

Michel Yip
Élu de Katiu

"Je me battrai parce que cela a été mon combat"


"Si les maires délégués se lèvent aujourd'hui, c'est parce que leurs attentes ne sont pas prises en compte, c'est la principale raison qui les pousse à demander la défusion. Ce qui est certain sur le plan du budget, c'est que la plupart des projets qui ont été approuvés concernent uniquement l'île de Makemo. Quand j'étais aux commandes de la commune, c'était différent. Je prenais en compte les demandes des maires délégués, c'est la raison pour laquelle nous vivions bien ensemble. Je me battrai parce que cela a été mon combat durant les années passées, et c'est moi qui suis allé voir l'État. Si tu gères ta commune comme un père le fait pour sa famille, et bien tu n'auras pas de problèmes. Par contre, si tu n'en fais qu'à ta tête, c'est là que tu auras des soucis."

Bruno Faatoa
Élu de Takume

"Je pense qu'on va avoir la majorité"


"J'ai pris connaissance du dossier de Hitiaa o te ra, et j'ai été me renseigner auprès des maires de cette commune associée pour savoir comment monter un dossier de défusion. On m'a dit qu'il y avait deux voies. Et la voie que nous avons choisie est celle d'interpeller le maire de la commune, en lui demandant d'organiser un conseil municipal spécial. Je pense qu'on va avoir la majorité parce que même les représentants de Makemo sont issus de Raroia et de Takume. Nous sommes une grande famille. Donc, nous aurons un travail de proximité avec les élus afin de discuter sur ce sujet. Pour suivre des formations pour assurer au mieux notre rôle d'élu, le maire nous refuse cela. Donc, nous sommes tributaires par ses décisions et par la loi organique. Donc, on demande au Haut-commissaire ou au maire de Makemo de suivre cette voie. De nous laisser notre indépendance, comme cela, on ne l'embêtera plus."


le Mercredi 1 Mars 2017 à 17:28 | Lu 2795 fois