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Les Hine Va'a déçues et en colère


L'équipage Hine Va'a visait une médaille sur la course de 1500 mètres V6, mais se retrouve éliminé pour une faute technique qu'elles contestent. Le processus d'arbitrage vidéo n'a fait que renforcer leurs doutes et les laissent "dégoutées".
L'équipage Hine Va'a visait une médaille sur la course de 1500 mètres V6, mais se retrouve éliminé pour une faute technique qu'elles contestent. Le processus d'arbitrage vidéo n'a fait que renforcer leurs doutes et les laissent "dégoutées".
PAPEETE, le 20 juillet 2018 - (MàJ : Le COL nous a contactés pour corriger cet article : contrairement à ce qui a été dit à l'équipe Hine Va'a, devant les journalistes, le règlement de la compétition prévoit que la procédure d'appel des décisions arbitrales ne coûte que 15 000 francs, au lieu des 1500 dollars, soit 150 000 francs, annoncés à l'équipe et mentionnés dans cet article) La première expérience d'arbitrage vidéo aux championnats du monde de vitesse n'a pas laissé un bon souvenir aux filles de l'équipage Hine Va'a, composé de Tahitiennes et Métropolitaines s'entraînant dans l'hexagone. Témoignage.

L'équipe Hine Va'a représente la France aux courses féminines. Cette équipe regroupe des rameuses polynésiennes ou métropolitaines de tout l'hexagone, unies spécifiquement pour l'aventure de ces championnats du monde.

Hine Va'a participait à deux courses V6 féminines. La première sur 500 mètres ce jeudi, où elles ont terminé septième. Leur deuxième et dernière course de ces championnats du monde était donc la course de 1500 mètres de ce vendredi matin. Une course plus longue et plus technique, avec pas moins de cinq demi-tours à gérer sans dépasser les bouées, alors que le vent se déchaînait sur le lagon de Taaone. Mais justement leur spécialité est la longue distance et elles ont passé une semaine à l'entraîner à ces virages techniques sur le parcours. Et elles ont effectivement réalisé une belle course qui leur aurait permis d'avancer en finale… Mais le glas sonne quand les résultats tombent : élimination pour être sorties du couloir.

Il faut dire que le vent violent sur le plan d'eau avait déjà provoqué une hécatombe chez les pirogues, entre l'équipe du Brésil éliminée, le Canada et l'Australie qui en sont passé prêt et même une casse sur la pirogue de Wallis et Futuna (qui aura eu une deuxième chance). Mais l'équipage du Hine Va'a a été très attentif aux conditions météo et n'a pas vu le dépassement de sa propre pirogue. Les rameuses demandent un arbitrage vidéo, le premier de la compétition. La décision des juges, trente minutes avant la dernière chance de réintégrer l'équipage, confirmera leur élimination. Mais sans accès à la vidéo, l'équipe n'est toujours pas convaincue. Sauf que la procédure d'appel de la décision arbitrale se révèle impossible à lancer à cause du coût imposé (150 000 francs à payer en espèces). L'expérience les a laissées furieuses et très déçues, comme elles le racontent dans leur témoignage. Au final elles ne pourront constater leur faute (ou innocence) que lorsque les replays des courses seront publiés.




Anne-Caroline et Sandrine, rameuses de Hine Va'a ; Stéphanie, manager de l'équipe

"(Il faut) au moins nous montrer la vidéo de la faute, là ce n'est pas correct"

Que vous est-il arrivé pendant la course de ce matin ?
Anne-Caroline : En fait la première faute qui nous a été reprochée, c'était que l'arrière de la pirogue serait sorti du couloir et que le balancier aurait passé une bouée orange. Vu que personne de l'équipage n'a vu ça, on a dit "pourquoi pas, mais on fait quand même appel pour être sûres". Les deux juges ont regardé la vidéo et au final maintenant on nous reproche d'être entièrement sorties du couloir, tout le bateau serait passé à l'extérieur de la bouée blanche. Et là, on est toutes les six convaincues de ne jamais avoir ramé sur une bouée ! C'est pour ça que la tension a commencé à monter…

Pouviez-vous faire appel de la décision des arbitres ?
Anne-Caroline :
Oui, mais toutes les réclamations sont payantes. Donc là, aux championnats du monde, on a déjà dû payer 10 000 francs pour la contestation, et un appel coûterait 150 000 francs de plus. Du coup, ce qui nous bloque vraiment pour faire appel c'est l'aspect financier, c'était impossible pour nous de trouver 150 000 francs en vingt minutes, surtout en cash. C'est vraiment dommage.

Et vous n'avez pas pu voir la vidéo ?
Stéphanie :
J'ai demandé à voir la vidéo, parce que je ne connais pas ces juges, même si je suis sûre qu'elles font très bien leur travail. Mais elles ont refusé et il n'y a rien à faire. Si j'avais vu la faute de mes propres yeux, j'aurais dit "c'est bon les filles, on s'arrête là", mais là elles sont sûres d'elles et on ne peux rien faire...

Anne-Caroline : C'est ça, on n'a aucun moyen de vérifier en catastrophe si ce qu'on nous reproche est fondé ou pas. Dans tout sport moderne, normalement, on a accès au replay. Et là non, ils refusent. Mais les sportifs éliminés sur une faute technique devraient avoir le droit de voir la vidéo, pour être sûrs d'avoir fait la faute ! C'est plus équitable, surtout qu'on paye déjà 10 000 francs pour faire la réclamation, donc ce n'est pas comme si tout le monde allait demander à voir la vidéo.

Et là c'est votre dernière course du championnat donc une fin très décevante.
Stéphanie :
C'est ça, surtout qu'elles avaient fait une très belle course, elles avaient réussi tous leurs virages, elles avaient bossé comme des malades la semaine dernière pour cette course en particulier. Elles font beaucoup de longue distance en France, donc la course de 500 mètres c'était difficile, mais celle de 1500 mètres on s'était dit "c'est bon, on peut l'avoir", et elles étaient bien parties. Donc je suis dégoutée pour elles, en tant que manager et supporteur… Elles se sont battues en France pour être là, pour être acceptées en élite, elles ont su qu'elles venaient au dernier moment possible et elles étaient heureuses. Mais là… Espérons que ça s'améliorera par la suite, pour notre équipe mais aussi pour les autres. Parce qu'avec toutes les heures qu'on y a mis, la force, les investissements nécessaires, on ne peut pas partir comme ça. Au moins nous montrer la vidéo de la faute, là ce n'est pas correct.

Sandrine : Voilà, on est déçues, mais ce n'est pas grave.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 20 Juillet 2018 à 15:50 | Lu 9168 fois