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Le trafic d'ice érigé en “entreprise”


Tahiti, le 12 août 2025 - Le tribunal correctionnel a condamné mardi un récidiviste de 39 ans poursuivi pour avoir organisé un trafic d'ice par voie postale qui aura permis l'importation de quatre kilos. L'individu a écopé de six ans de prison ferme et d'une amende de 117 millions de francs.

 Ce n'est pas une nouveauté : le trafic d'ice est de plus en plus structuré et les trafiquants innovent sans cesse pour tenter de s'anonymiser. Le tribunal correctionnel s'est ainsi penché mardi sur le cas d'un homme de 39 ans, déjà interpellé aux États-Unis en 2017 avec 317 grammes d'ice, qui était poursuivi pour avoir, de janvier 2022 à novembre 2023, procédé à l'importation d'environ quatre kilos de méthamphétamine sur le territoire. L'homme, garagiste à ses heures perdues, était jugé aux côtés d'une prothésiste ongulaire, elle aussi déjà condamnée pour trafic d'ice, et d'un père de famille sans emploi.

L'affaire avait commencé en octobre 2023 lorsque les douaniers français, avisés par les autorités américaines qu'un colis contenant 970 grammes d'ice cachés dans des skateboards avait été intercepté aux États-Unis à destination de la Polynésie. Les douaniers avaient alors décidé de mettre en place une livraison surveillée. Le 9 octobre, un individu s'était présenté pour récupérer le fameux colis et avait donc été interpellé.

Pièces d'identité volées

Dans le cadre de l'enquête ouverte suite à cette saisie, il était apparu que l'intéressé avait instauré un système de trafic par voie postale basé sur l'utilisation de pièces d'identité volées appartenant à des tiers. Le trentenaire fournissait ces identités pour se faire adresser le colis et ne pas apparaître comme étant l'auteur de l'envoi. L'homme utilisait également ces identités pour créer des comptes bancaires Revolut ou Wize qu'il utilisait pour blanchir l'argent issu du trafic. Entre janvier 2022 et novembre 2023, les enquêteurs avaient établi l'envoi d'au moins huit colis comportant aussi bien des robes, des tortues en faïence – saisies par la police mexicaine – ou des pots de sauce dans lesquels se trouvait la drogue.

Les investigations avaient par ailleurs permis d'établir que l'homme, sous le coup d'une interdiction d'entrer sur le territoire américain, avait donné 1,5 million de francs à une jeune femme afin qu'elle s'y rende pour qu'elle donne 4,8 millions aux fournisseurs mexicains. Cette même jeune femme revendait également l'ice pour le récidiviste. Dans le cadre de l'enquête, un troisième individu avait également été mis en cause pour avoir lui aussi pris part au trafic.

Cartels mexicains

Interrogé jeudi, le trentenaire suspecté d'être le commanditaire du trafic a expliqué au tribunal qu'il avait pris contact avec les cartels mexicains via “un blog” avant de communiquer avec eux “sur Whatsapp”, le tout en utilisant Google Traduction puisqu'il ne parle pas espagnol. Il a ensuite soutenu que lors des premiers envois, les Mexicains lui avaient envoyé la drogue et qu'il les avait payés après l'avoir revendue. Une confiance qui laisse perplexe et que l'on voit rarement dans les relations entre trafiquants polynésiens et cartels mexicains.

Alors que le prévenu évoquait son addiction à l'ice, le président du tribunal lui a fait remarquer qu’il avait monté une réelle “entreprise”. Un constat partagé par le procureur de la République pour lequel le trentenaire a agi comme un “businessman”. Lors de ses réquisitions, le représentant du ministère public a lui aussi insisté sur le fait que le prévenu n'était pas juste un “gros consommateur” mais quelqu'un qui voulait se faire de l'argent. Il a ensuite évoqué des mis en cause “pas désagréables” à la barre qui représentent pourtant une certaine “toxicité pour le tissu social”. Six ans de prison ferme ont été requis contre le trentenaire, quatre ans ferme contre sa coprévenue et 30 mois contre le dernier prévenu.

Après en avoir délibéré, le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public à la lettre. Tel que l'avait demandé le représentant des douanes, le trentenaire et sa coprévenue devront payer une amende douanière de 117 millions de francs avec une solidarité limitée à cinq millions pour cette dernière.


Rédigé par Garance Colbert le Mardi 12 Août 2025 à 15:53 | Lu 4878 fois