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"Le tourisme sera mon obsession", assure Michel Monvoisin (interview)


Michel Monvoisin, Pdg d'Air Tahiti Nui
Michel Monvoisin, Pdg d'Air Tahiti Nui
PAPEETE, vendredi 11 octobre 2013 – Le Conseil d’administration de la compagnie aérienne qui s’est tenu dans la matinée a choisi de confier les rênes d’Air Tahiti Nui à Michel Monvoisin. A 51 ans, celui qui assurait jusqu'à présent la direction générale de l’OSB, une filiale de la banque Socrédo spécialisée dans la monétique, remplace Etienne Howan, PDG d’ATN depuis décembre 2011.

Dans le même mouvement de changement à la tête de la compagnie aérienne, Mathieu Béchonnet est promu directeur général délégué d’Air Tahiti Nui. Ce technicien de l’aérien, membre du staff d’ATN depuis la création de la compagnie, était le "directeur programmes, alliances, revenu management et pricing" d'Etienne Howan.

Créée en 1998 et détenue à 84,5% par le Pays, ATN gère une flotte de 5 Airbus A340-300, emploie 750 personnes et a réalisé un chiffre d’affaires proche de 30 milliards Fcfp en 2012 pour un résultat excédentaire de 230 millions Fcfp.

Interview du nouveau PDG de la compagnie au "tiare" :

Votre expérience de la monétique est-elle une compétence profitable dans le cadre de vos nouvelles fonctions à la tête d’ATN ?

Michel Monvoisin : Ma première mission est de travailler à faire revenir des touristes. Aujourd’hui, ce qui m’intéresse dans les réseaux de cartes c’est que les opérateurs des principaux "scheme" sont en partenariat fort avec les professionnels du voyage : les touristes voyagent avec leur carte de crédit. JCB a une joint venture avec la Japan Travel Bureau, qui est le principal "tour operator" (T.O.) japonais ; American express est un des plus gros T.O. au monde ; les chinois se positionnent avec UnionPay : ces gens-là gagnent leur vie lorsque les porteurs de carte voyagent et dépensent, où que ce soit sur terre. Nouer des partenariats dans ce cadre-là peut intéresser une compagnie comme ATN. Mais il faudra savoir se rendre attractif.
Maintenant, c’est un axe. Il y a d’autres enjeux sur ATN. Mais mon expérience de la banque, du marketing et des métiers de la finance doit pouvoir être utile.


Gaston Flosse a déploré un manque de dynamisme dans l’action marketing de l’ancienne direction d’ATN.

Michel Monvoisin : Je ne me permettrai pas de juger mes prédécesseurs. La gouvernance d’ATN est un pari compliqué, mais c’est aussi un challenge passionnant. Professionnellement, je suis un "frequent flyer" et je peux vous dire que le personnel d’ATN est très professionnel. Je pense aussi que c’est une société qui a un bel avenir : si je n’y croyais pas, je ne serais pas là.

En 13 ans la compagnie perd un peu plus de 11 milliards Fcfp. Perdre de l’argent, est-ce une fatalité économique pour Air Tahiti Nui ?

Michel Monvoisin : Il me semble que dans l’aérien, il y a 5 ou 6 compagnies qui gagnent de l’argent dans le monde. Maintenant est-ce une fatalité d’en perdre pour ATN ? Non. Mais il y a une question que l’on devra clarifier tôt ou tard : notre métier est-il de gagner de l’argent ou de faire venir des touristes et éventuellement d’en perdre ? A mon sens une société a pour vocation première de gagner de l’argent, mais la question du financement de la route aérienne se pose. D’autant qu’il faudra très bientôt renouveler la flotte d’ATN. Et le tourisme c’est notre première industrie. Elle devrait être l’obsession de tous les acteurs économiques de ce pays. C’en sera une pour moi. Des discussions que j’ai pu avoir avec le président Flosse et le ministre Geffry Salmon, je vous assure qu’il ressort que, pour eux, le tourisme est une véritable obsession. Une fois que l’on assume cela, il faut décliner toutes les actions susceptibles d’attirer les touristes chez nous. Faut-il baisser le prix des billets d’avion ? Lesquels, combien, sur quelle route, à quelle condition ? Je vais avoir une réflexion sur ce thème dès que possible avec les cadres de la compagnie. Personne n’a jamais prétendu que les billets allaient globalement baisser de 15 ou 20% ! La destination Tahiti et ses îles a la particularité d’être en bout de ligne, avec un fort effet de saisonnalité. Y a-t-il du potentiel exploitable sur les invendus en basse saison ? Quels types de promotions peut-on faire ? Tout cela, c’est du marketing. Je ne peux pas me prononcer aujourd’hui, mais nous présenterons une stratégie à l’actionnaire principal avant la fin de l’année.

Justement, concernant la venue de touristes, on parle beaucoup de cette nouvelle route transversale Shanghai-Sao Paulo avec escale à Tahiti. Comment percevez-vous ce projet ?

Michel Monvoisin : C’est une excellente idée. Je connais l’appétence des chinois pour cette route. Il y a beaucoup d’échanges commerciaux entre la Chine et le Brésil. Pour ATN, l’ouverture d’une nouvelle route vers Shanghai par exemple coûterait beaucoup d’argent et la compagnie est encore traumatisée par l’expérience New-York. A contrario je pense qu’il y a moyen de tirer profit de cette nouvelle route, par le biais d’accords commerciaux avec la compagnie qui la desservira.

Vous héritez d’une compagnie qui vient de faire l’objet d’une compression de 10% de son personnel en l’espace de 2 ans. Vous êtes attendu sur le dossier de la refonte des accords d’entreprise. Dans quel état d’esprit vous rendez-vous à la table des négociations ?

Michel Monvoisin : Avec beaucoup d’optimisme et dans un esprit de dialogue. Ce dossier je vais le prendre en cours de route avec la conviction que, s’il y a des efforts à faire, il faut qu’ils soient équitablement partagés. Je n’ai pas d’avis tranché sur ce dossier. Je vais d’abord discuter, prendre connaissance, écouter. Je vais commencer par rencontrer tout le monde, puis les partenaires individuellement, avec la volonté du consensus : l’affrontement social est toujours l’ultime recours, parce qu’il n’est bon pour personne, ni pour l’entreprise. Mais je ferai mon travail : s’il faut dire non, je dirai non. Ceux qui me connaissent, je veux dire mes anciens collaborateurs, les partenaires sociaux et les syndicats à qui j’ai eu affaire, savent qu’avec moi la discussion est toujours ouverte mais que je privilégie systématiquement l’intérêt général.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 11 Octobre 2013 à 14:44 | Lu 5464 fois