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Le ministère de la Justice veut installer un téléphone fixe par cellule en prison


Paris, France | AFP | mardi 02/01/2018 - Un téléphone fixe par cellule en prison: cette initiative inédite du ministère de la Justice vise à aider les détenus à maintenir un lien avec leurs proches, et aussi à mieux lutter contre le trafic de portables.

L'objectif, a expliqué la Chancellerie à l'AFP, est d'avoir "un téléphone par cellule", en dehors des quartiers disciplinaires. Plus de 50.000 cellules de 178 établissements pénitentiaires seront concernées, selon Le Monde, qui a révélé l'information.

Les détenus pourront appeler entre cinq et vingt numéros préalablement autorisés, selon la nature et la durée de leur incarcération, a précisé l'Administration pénitentiaire (AP).

Un appel d'offres pour une concession de 10 ans a été lancé par la Chancellerie.

Ce dispositif était expérimenté depuis juillet 2016 dans la prison de Montmédy (Meuse). Une expérimentation concluante, qui a "permis d'apaiser les tensions" dans cet établissement, selon le ministère. "Cela favorise la réinsertion, en maintenant les liens familiaux", a-t-on expliqué.

Actuellement, les détenus ont accès à des cabines téléphoniques situées notamment sur les coursives. "Mais les personnels doivent (les) accompagner, ce qui demande du temps et de la disponibilité", a mis en avant la Chancellerie.

"Parfois, un détenu a quatre personnes avant lui pour accéder au téléphone sur la coursive. Et quand c'est son tour, il faut retourner en cellule. Cela crée de la tension", raconte Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT Pénitentiaire.

Le contrat devrait être signé au printemps et, "compte tenu de l'ampleur des travaux à réaliser, ce déploiement ambitieux devrait s'opérer sur une période d'environ 30 mois", selon l'AP. L'entreprise financera l'intégralité de l'investissement et se rémunérera par le prix des communications payées par les détenus.

Le dispositif vise également à "diminuer les trafics de téléphones portables". A Montmédy, "les saisies de portables ont baissé de 20% en 2017 par rapport à 2016 et, dans le même temps, le volume des communications filaires a été multiplié par quatre", a indiqué à l'AFP Philippe Godefroy, le directeur de l'établissement, qui salue une expérientation "très positive".

Au premier semestre 2017, 19.339 téléphones portables et accessoires ont été découverts dans les prisons françaises, qui comptaient au 1er juillet quelque 70.000 personnes, condamnées ou en attente de leur procès.

- 'Brouillage' des portables -
"Bonne nouvelle pour les personnes détenues", a salué, dans un tweet, l'Observatoire international des prisons, une ONG française qui défend les droits des prisonniers.

"Un téléphone par cellule, cela permet de maintenir l'intimité quand on parle à sa famille. Plus encore, le fait de pouvoir appeler quand on le veut va permettre de parler à ses enfants après leur retour de l'école", a expliqué à l'AFP François Bes, de l'OIP.

"Le problème, tempère-t-il, c'est le coût trop élevé des communications. Actuellement, l'appel, facturé à la minute, coûte entre 60 et 80 centimes. C'est beaucoup trop cher pour la plupart des détenus".

A la prison de Réau (Seine-et-Marne), un détenu avait ainsi calculé que téléphoner quelques minutes par jour à sa famille lui coûtait près de 150 euros par mois, une somme dont il ne dispose pas en détention, même s'il effectue quelques travaux rémunérés.

Pour François Korber, de l'association de défense des détenus Robin des Lois, cette initiative "positive" arrive "presque trop tard", tellement "l'usage du portable est enraciné". "Il faudrait aller plus loin, au moins installer un internet bridé comme en Belgique".

Mais l'Ufap-Unsa Justice, syndicat majoritaire parmi les surveillants, a mis en garde contre la gestion du dispositif: "Avec plusieurs détenus par cellule, comment va-t-on gérer les conflits d'accès au téléphone?". Son secrétaire général Jean-François Forget s'inquiète du manque de personnel et de la "faiblesse du brouillage" des portables.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: 804 brouilleurs en prison, dont seuls 10% sont effectifs.

Pour faire face, un second appel d'offres a été lancé fin 2017: la Chancellerie met sur la table une enveloppe de 15 millions d'euros pour payer un prestataire qui sera chargé de "garantir un brouillage effectif", quelle que soit la technologie, selon l'administration pénitentiaire.

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Rédigé par () le Mardi 2 Janvier 2018 à 09:28 | Lu 216 fois