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Le Sénat unanime pour faciliter l'intervention des communes


crédit photo Facebook Teva Rohfritsch
crédit photo Facebook Teva Rohfritsch
Tahiti, le 14 mai 2025 – C'est fait. Ce mercredi à Paris, 326 sénateurs ont adopté la proposition de loi portée par Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch pour faciliter l'intervention des communes dans certains domaines relevant normalement du champ de compétence du Pays. Un texte qui avait provoqué la division au sein de la majorité indépendantiste lors de son examen à Tarahoi le 24 avril dernier.
 

Je suis dans la majorité [au Sénat, NDLR]. Que vous le vouliez ou non, la modification va passer le 14 mai”, prédisait Lana Tetuanui le 24 avril dernier dans l'hémicycle de l'assemblée de Polynésie qui était saisie pour avis sur la proposition de loi qu'elle porte avec Teva Rohfritsch. Le vote unanime des 326 sénateurs et le soutien du ministre des Outre-mer Manuel Valls, ce mercredi 14 mai, lui ont donné raison. Ce texte vise à modifier l'article 43 de notre loi organique afin de permettre aux maires des 48 communes et des 98 communes associées de Polynésie, d'intervenir, s'ils le souhaitent et sans solliciter les moyens du Pays, dans certains domaines qui ne relèvent pas de leur compétence (actions sociales, développement économique, culture par exemple).
 
Autrement dit, il vient mettre le droit en conformité avec la réalité puisque comme l'ont souligné les deux sénateurs polynésiens, mais aussi le ministre des Outre-mer, les tāvana exercent déjà de facto depuis le statut de 2004 des compétences qui sont pourtant dévolues au Pays. “L'exercice des compétences doit parfois être partagé”, a d'ailleurs souligné Manuel Valls.
 
“Il aura fallu de la volonté, de la détermination et de l'audace pour faire bouger les lignes pour clarifier et légitimer les actions de nos tāvana”, a lancé Lana Tetuanui au pupitre du Sénat, martelant qu'il ne s'agissait pas d'un “transfert de compétences” mais d'une “volonté légitime d'avancer en bonne intelligence ensemble, le Pays, l'État et les communes”.
 
Jusqu'ici, le statut prévoyait en effet que pour intervenir dans des domaines entrant dans le champ de compétence du Pays, les communes devaient obligatoirement être habilitées préalablement par une loi de Pays. “Un mécanisme lourd qui n'a été utilisé que trois fois en 20 ans”, a souligné Teva Rofritsch.
 
La division de la majorité Tavini exposée au Sénat
 
Le texte adopté mercredi au Sénat vient ainsi assouplir le dispositif initialement prévu en supprimant cette obligation préalable, et les tāvana pourront désormais passer par une simple convention avec le Pays pour aider leurs administrés en toute légalité. “Cette modification est largement soutenue par 47 des 48 maires polynésiens. Cherchez l'erreur...”, a rappelé Lana Tetuanui au pupitre du Sénat, sans citer Oscar Temaru qui est le seul maire à ne pas soutenir ce texte. Comme Teva Rohfritsch elle a souligné que la commission des institutions de Tarahoi avait approuvé cette proposition de loi à l'unanimité, le 16 avril dernier. “C'était sans compter avec les manœuvres du leader indépendantiste qui, au demeurant, en dehors de la décolonisation et de l'indépendance de la Polynésie, n'a pas d'autre sujet d'intérêt”, a-t-elle tancé.
 
 

crédit photo Facebook Teva Rofritsch
crédit photo Facebook Teva Rofritsch

Rappelons en effet que lors de l’examen de ce texte en séance plénière, quelques jours plus tard, on avait constaté un changement de braquet de la majorité Tavini qui est apparue plus que divisée, le président du Pays étant opposé à cet élargissement des compétences en faveur des communes au motif que les dispositions statutaires actuelles fonctionnaient très bien. Ils n'ont été que 29 (sur 57 élus) à s'y opposer, 25 élus (Tapura, Ahip et six du Tavini) ayant voté pour. Un avis négatif de la majorité Tavini à Tarahoi qu'a tenu à rappeler le sénateur de Nouvelle-Calédonie, Robert Wienie Xowie, préconisant de “faire confiance en la capacité du Pays à porter lui-même cette évolution”“Ceux qui ont renié leur parole ce sont ceux qui ont voté unanimement (en commission à l'assemblée) une semaine avant la séance publique (...). On ne peut pas sacrifier le quotidien des Polynésiens pour assouvir peut-être les ambitions d'une seule personne”, lui a rétorqué Lana Tetuanui tandis que Teva Rohfritsch insistait sur la nécessité de ne pas entrer dans “la polémique politicienne” qui se joue à Tahiti mais d'avoir une démarche “trans-partisane” dans l'intérêt des tāvana et de leur population.

 
Un amendement qui répond aux demandes du président du Pays
 
“Nous avons entendu les préoccupations du Pays, mais considérant qu'il y avait urgence à agir, je me suis efforcé de présenter un amendement qui permet d'établir un dialogue entre les communes et le Pays”, a souligné de son côté le rapporteur de ce texte en commission des lois, Mathieu Darnaud, président du groupe LR au Sénat. Un amendement qui répond “aux demandes formulées par le gouvernement de monsieur Brotherson”, a appuyé Teva Rohfritsch, puisqu'il oblige donc les communes à informer les autorités du pays et de l'État.
 
“J'insiste”, a encore dit Teva Rofritsch : “Notre texte ne crée pas de rupture et ne vient en aucun cas réduire ou limiter le champ d'intervention des autres institutions de la Polynésie française. Il s'agit bien d'habilitation à agir pour nos communes au plus près de nos populations dans un cadre qui respecte la règlementation édictée par l'État et le Pays auquel les communes ne sauraient se substituer.”
 
Cette proposition de loi de modification statutaire a été adoptée à l'unanimité des 326 votants, ce mercredi, au Sénat. Même par le groupe communiste où siège le sénateur de Nouvelle-Calédonie, Robert Wienie Xowie. Reste maintenant à faire également adopter ce texte au Palais Bourbon. La balle est donc maintenant dans le camp des députés.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 14 Mai 2025 à 14:29 | Lu 2031 fois