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Le Pays renforce la protection de la ZEE


Tahiti, le 6 juin 2025 – C'est depuis Nice, où il assiste à la Conférence des Nations Unies sur l'Océan, que le président du Pays a annoncé des réformes visant à renforcer la protection de notre domaine maritime en instaurant de nouveaux espaces protégés et des zones de pêche règlementées, couvrant 20% de notre ZEE. Un parc territorial de 220 000 km2 réservé à la pêche traditionnelle sera aussi créé à l'ouest des îles de la Société, un autre de 650 000 km2 aux Gambier en tant que “sanctuaire pour la vie marine”.
 
 
C'est depuis Nice, en visioconférence, que le président Moetai Brotherson a tenu un conseil des ministres extraordinaire et décentralisé ce vendredi matin. Un format un peu particulier où la presse et les acteurs de la pêche étaient invités pour écouter les annonces du gouvernement sur la manière dont il souhaite faire évoluer la gestion de notre Zone économique exclusive. Une ZEE qui, comme il l'a rappelé, représente la moitié de la surface maritime française avec ses plus de 5 millions de km2.
 
En préambule, Moetai Brotherson a également rappelé la création, en 2018, d'une Aire marine gérée (AMG) Tainui Ātea faisant de la Polynésie une pionnière en matière de protection de son environnement marin. Un “modèle ambitieux et inspirant” qui a néanmoins trouvé ses “limites” pour une reconnaissance au plan international. Il a notamment pointé du doigt “l'absence de règles juridiques précises interdisant certaines pratiques” ou encore un “écart entre les objectifs du classement et ceux du plan de gestion adopté en 2023”. Un manque de cadre juridique qui “nuit à la crédibilité du modèle polynésien” et qu'il entend donc corriger.
 
Interdire l'exploitation minière des fonds marins
 
C'est pourquoi le gouvernement a décidé de réviser cet arrêté de classement de Tainui Ātea en introduisant de nouvelles règles “en conformité avec notre mode de vie et nos pratiques”, avec en tout premier lieu, l'interdiction de l'exploitation minière des fonds marins pourtant si chère à Oscar Temaru. Mais aussi l'interdiction des dispositifs de concentration de poissons dérivants, la transmission obligatoire des données bathymétriques et géophysiques, l'interdiction de l'introduction d'espèces exogènes en dehors des cadres biosécuritaires, le renforcement des règles de biosécurité maritime et de lutte contre la pollution, et enfin, la reconnaissance formelle de la pêche durable palangrière avec un plan de gestion spécifique.
 
Une réforme qui a reçu le soutien du cluster maritime, dont son président, Stéphane Perez (présent en visio depuis Nice) a salué “l'excellente dynamique”, de même que des armateurs de la pêche hauturière qui seront intégrés dans le conseil de gestion avec les pêcheurs côtiers. Le président de l'association des armateurs de pêche de Polynésie, Yann Ching a pris la parole pour louer le “bon sens” et le “pragmatisme” du président du Pays pour concilier développement économique, cohésion sociale et préservation de notre environnement. “C'est une très bonne nouvelle”, a quant à lui réagi Winiki Sage, président de la fédération des associations de protection de l'environnement, face à la volonté du Pays de faire entrer dans la modernité les pratiques ancestrales héritées de nos tupuna.
 
Inscrire nos pratiques ancestrales dans la modernité
 
Moetai Brotherson a par ailleurs annoncé la création de zones de pêche règlementées de 15 nautiques autour des îles Marquises, des Gambier et des Australes, et de 30 nautiques aux îles de la Société, où cette activité sera réservée aux navires de moins de 12 mètres. Objectif : “Privilégier la pêche artisanale et vivrière côtière et limiter les conflits d'usage avec les acteurs de la pêche hauturière.” Ce que conteste de son côté Ralph Van Cam, le président du syndicat des pêcheurs côtiers Rava'āi Mau. “Je ne peux pas dire à mon syndicat qu'on est d'accord sur les 30 nautiques. Ça fait trois ans qu'on attend et ça traîne”, a-t-il lancé au président, plaidant pour une autorisation à 50 nautiques. “Ce serait déraisonnable et cela nous mettrait en porte à faux avec la règlementation, mais tout ça va évoluer pas à pas”, lui a répondu Moetai Brotherson. “C'est mieux que rien”, a fini par concéder Ralph Van Cam, pointant également du doigt l'impact sur la pêche des Dispositifs de concentration de poisson (DCP) dérivants. “On ne retrouve plus les anciens bans de poissons qu'on avait pendant période de novembre-décembre qui représentaient une manne pour nous”, a-t-il expliqué, soulignant que “personne ne bouge le petit doigt”".
 
En parallèle, le Pays va créer à l'ouest des îles de la Société un grand parc territorial de près de 220 000 km2 où seules les pratiques traditionnelles, les activités scientifiques et le tourisme durable seront autorisés. Un “espace d'intérêt biologique majeur, notamment pour les requins, les raies et les tortues”. Dans la même veine, le président du Pays a annoncé la création d'un immense parc territorial de 650 000 km2 aux Gambier “connu localement pour la richesse de sa biodiversité mais ignorée par les scientifiques et les écotouristes”.
 
 
Des concertations à poursuivre
 
Il deviendra ainsi l'“un des plus grands espaces protégés du monde, un sanctuaire pour la vie marine et une opportunité de développement durable” au bénéfice des habitants de l'archipel.
 
Dans la globalité, les espaces naturels protégés et les zones de pêches règlementées annoncés vendredi prévoient de couvrir une surface d'un peu plus d'un million de km2, “soit environ 20% de notre ZEE”. Enfin, le président Botherson a précisé que le gouvernement avait déjà entamé des “concertations approfondies” aux Marquises et aux Australes où les populations ont exprimé le souhait de créer des zones de pêche artisanale.
 
Un consensus local qui n'est pas partagé par les représentants de la pêche hauturière qui ont “exprimé des réticences vis-à-vis de zones de protection s'étendant au-delà des 40 nautiques”. C'est pourquoi le gouvernement a choisi de se donner “un délai supplémentaire avant d'acter ces aires marines futures”.
 
En renforçant le statut de Tainui Ātea et en posant les bases de ces futurs espaces protégés aux Marquises, Australes, Gambier, et îles de la Société, Moetai Brotherson veut faire de la Polynésie française un “acteur central de la gouvernance océanique mondiale”. Il va donc soumettre à l'avis des élus de l'assemblée de Polynésie ces réformes, même si, comme il l'a précisé, “la décision de classement de la ZEE est prononcée par arrêté en conseil des ministres et après consultation de la commission des sites et des monuments naturels”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Vendredi 6 Juin 2025 à 15:56 | Lu 2129 fois