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Le Maroc scrute les cieux, inquiet face au risque de sécheresse


Rabat, Maroc | AFP | jeudi 23/11/2017 - Les agriculteurs marocains scrutent le ciel obstinément bleu et toutes les mosquées feront vendredi la "prière de la pluie": le risque de sécheresse suscite une grande inquiétude au Maroc, pays qui dépend fortement du secteur agricole.

"Le retard des pluies se fait déjà sentir dans la région du Souss" (sud), se lamente Houcine Aderdour, président d'une fédération de producteurs.
"L'eau se fait de plus en plus rare et il faut creuser toujours plus pour en trouver", jure ce producteur d'oranges joint par téléphone par l'AFP.
Depuis la fin de l'été, le Maroc enregistre un sévère déficit pluviométrique et il n'y a toujours pas de pluie en perspective, selon la météorologie nationale. Plus au nord, l'Espagne et le Portugal affrontent déjà une sècheresse intense et prolongée.
Les relevés menés depuis les années 1960 au Maroc montrent un phénomène de réchauffement --jusqu'à quatre degrés-- conjugué à une baisse du niveau des précipitations annuelles, selon différentes études publiées par des universitaires marocains.
Cette saison, la culture céréalière, qui occupe une place prépondérante dans la production agricole marocaine, est la plus menacée. La sècheresse pourrait contraindre ce pays de 35 millions d'habitants à importer massivement des céréales.
Pour conjurer ce risque, le roi Mohammed VI, en sa qualité de "commandeur des croyants", a ordonné d'accomplir des "prières rogatoires vendredi dans l'ensemble des mosquées du royaume (...) en vue d'implorer le Tout-Puissant de répandre ses pluies bienfaitrices sur la terre", selon un communiqué du ministère des Habous et des affaires islamiques.
La prière "Salat Al Istisqaâ" pour "implorer la pluie" se réfère à un verset du Coran et à des paroles du Prophète recommandant une prière rogatoire "chaque fois que la pluie se fait rare".
 

- Ensemencer les nuages -

 
Vu l'enjeu, les prévisions météos sont désormais un des grands sujets de conversation dans tout le Maroc, dans les cafés comme dans les cercles économiques.
Le ministre de l'Agriculture, le milliardaire Aziz Akhannouch, a été interpellé par des parlementaires en début de semaine. "Même si le retard des précipitations persiste d'ici le mois de décembre, il n'affectera pas la campagne agricole", a-t-il assuré, promettant "plusieurs mesures" et des "programmes pour accompagner les agriculteurs". 
"Il est prématuré de parler de sécheresse. Mais s'il n'y a toujours pas de précipitations d'ici mi-décembre, la situation deviendra critique", a nuancé un cadre du ministère ayant requis l'anonymat.  
Selon les médias locaux, des avions de la Gendarmerie royale vont être sollicités pour l'ensemencement des nuages, méthode destinée à provoquer artificiellement la pluie par injection de cristaux de sel.
L'agriculture fait vivre près de 40% de la population du royaume et reste de loin le premier contributeur au Produit intérieur brut (PIB, plus de 15%), devant le tourisme et l'industrie.
"Le PIB du pays est corrélé au PIB de l'agriculture, moteur de l'économie marocaine. Les populations rurales dépendent économiquement des activités agricoles", explique à l'AFP Abdellatif Khattabi, universitaire spécialiste en agronomie. 
Théodore Steeg, résident général à la fin des années 1920, du temps du protectorat français, avait résumé cette corrélation d'une formule devenue célèbre: "Au Maroc, gouverner c'est pleuvoir".
Des décennies plus tard, même si le royaume s'efforce de diversifier son économie, la croissance oscille toujours au gré des précipitations: 4,5% en 2015 puis 1,6% en 2016, du fait d'une intense sécheresse lors de la saison agricole--. En 2017, le taux de croissance devrait à nouveau dépasser 4%, grâce à une campagne jugée "exceptionnelle".
Pour 2018, le risque d'une nouvelle baisse plane désormais.
Le Maroc a adopté en 2008 une ambitieuse stratégie agricole, le Plan Maroc Vert (PMV), destinée à améliorer les moyens de production et les revenus des petits agriculteurs. 
Mais rien ne permet de pondérer les caprices du climat, auxquels s'ajoute une raréfaction des ressources en eau aggravée par la surexploitation des nappes phréatiques.

le Vendredi 24 Novembre 2017 à 06:19 | Lu 306 fois