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Le Cesec dit oui aux soins palliatifs, non à l'aide à mourir


Tahiti, le 7 août 2025 - Le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a émis un avis favorable à l'unanimité sur l'extension du texte national en Polynésie concernant l'égal accès aux soins palliatifs. En revanche, il a émis un avis défavorable concernant le droit à l'aide à mourir, estimant qu'un “débat éthique” et une “concertation locale approfondie” sont nécessaires en amont. L'institution prend ainsi le contre-pied du résultat de la consultation citoyenne qu'elle a elle-même lancée et qui a recueilli 84 % d'opinion favorable.

 
C'est un avis de 12 pages qu'a rendu le Cesec ce jeudi matin concernant les deux propositions de loi nationales qui doivent être étendues en Polynésie française par voie d'ordonnance : la première afin de garantir l'égal accès de tous à l'accompagnement et aux soins palliatifs, et la seconde relative au droit à l'aide à mourir. L'institution avait lancé parallèlement une consultation citoyenne en ligne, sur ce dernier sujet qui divise afin de “nourrir” son regard dans le cadre des travaux de sa commission. 780 internautes y ont répondu et 84 % d'entre eux se disent favorables au principe de ce droit à l'aide à mourir. Mais cette large adhésion n'a pas empêché le Cesec d'émettre un avis défavorable à ce texte (30 ont voté pour cet avis et 14 contre). D'abord parce que les conseillers estiment que ces “résultats mériteraient d'être complétés par une enquête auprès des patients”, mais surtout, parce qu'ils pensent que ce sondage “est influencé”, les internautes ne disposant pas de toutes les informations concernant les soins palliatifs.
 
“Un soin palliatif peut amener à une sédation profonde qui correspond à une anesthésie, et donc on ne souffre plus. C'est ce qui nous a interpellés au fur et à mesure des auditions. Comme nous au départ de la commission, les personnes qui ont répondu à l'enquête n'avaient pas cette information et c'est là-dessus que nous avons basé notre avis. Auraient-ils répondu la même chose ? C'est pour ça qu'on demande une consultation approfondie”, a ainsi expliqué Maiana Bambridge.
 
En effet, les professionnels de santé de l'équipe mobile en soins palliatifs (EMSP) et de l'établissement Hospitalisation à domicile (HAD) Nati ea, auditionnés par les membres de la commission santé du Cesec, ont exprimé de “fortes réserves”. Ils soulignent le manque d'information sur les droits existants en Polynésie, et notamment cette possibilité de recourir à la “sédation profonde et continue jusqu'au décès”.
 
“C'est hypocrite”
 
"C'est hypocrite. Avec ces soins palliatifs, on t'aide à mourir petit à petit. Pour moi, l'aide à mourir, c'est le choix de chacun. On nous donne au moins ce droit. Tu le prends ou tu ne le prends pas. C'est comme l'avortement. Tu veux avorter, tu le fais ; tu ne veux pas, tu ne le fais pas”, a lancé Henriette Kamia, précisant s'exprimer à “titre personnel” et pas au nom des “handicapés”.
 
Marguerite Lai, “à moitié bretonne”, y est pour sa part farouchement opposée : “Si cette loi est votée par le peuple français, qu'il se la garde ! Demandons au peuple polynésien. Quel est le vrai problème au fond ? L'argent ! c'est toujours l'argent. On n'en a pas pour les soins palliatifs mais on en a pour construire des bombes atomiques”, s'est-elle agacée. Thierry Buttaud, de son côté, a souhaité “remettre l'église au milieu du village” en rappelant que ce texte concernait “des gens qui souffrent au plus profond de leur être”. Il s'interroge en outre de la différence entre la sédation profonde et l'aide à mourir : “La sédation profonde continue jusqu'au décès consiste à débrancher. La seule différence que je vois, c'est qu'avec la sédation, c'est la maladie qui gagne, alors qu'avec l'aide à mourir, c'est le malade qui gagne car c'est lui qui décide”.
 
Renforcer d'abord le droit aux soins palliatifs
 
Rappelons que la proposition de loi nationale prévoit en effet des conditions cumulatives pour recourir à ce droit à l'aide à mourir, comme notamment le fait d'être atteint d'une affection “grave et incurable qui engage le pronostic vital”, et de présenter “une souffrance physique ou psychologique réfractaire aux traitements et insupportable”. Cette demande doit par ailleurs être personnelle, réitérée par écrit et formulée sans pression, dans un contexte de discernement confirmé. Il faut aussi qu'elle soit évaluée par une équipe collégiale (médecin référent, médecin indépendant, soignant) dans un délai de 15 jours. Si l'avis est favorable, un délai de réflexion de deux jours est encore imposé au malade avant qu'il ne confirme sa demande par écrit. C'est à ce moment-là qu'il peut s'administrer par voie orale ou en intraveineuse la substance létale, ou faire appel à un professionnel s'il n'en est physiquement pas capable. Le texte prévoit aussi une “clause de conscience” pour le soignant lui permettant de refuser d'administrer ce produit.
 
Malgré ces garde-fous, le Cesec considère que la Polynésie n'est pas prête pour appliquer de facto ce texte “en l'état” au regard de “ses spécificités culturelles, religieuses, sociales et sanitaires”. Et qu'il faut d'abord “renforcer la culture palliative” avec un accompagnement financier de l'État. Avant toute évolution législative sur ce droit à mourir, les représentants de la société civile réclament ainsi un “débat éthique” et “une concertation locale approfondie”.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 7 Août 2025 à 15:47 | Lu 2844 fois