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Le Centre hospitalier du Taaone au bord de la crise de nerfs


L'hôpital du Taaone déjà en ébullition en décembre 2011 pour des raisons de budget. (Photo d'archives)
L'hôpital du Taaone déjà en ébullition en décembre 2011 pour des raisons de budget. (Photo d'archives)
PAPEETE, mercredi 31 octobre 2012. Difficultés financières incurables, anorexie forcée de la représentation au sein du Conseil d’administration de l’établissement, longue maladie du RSPF, asthénie annoncée des financements venant de la CPS, coup de froid depuis des mois avec les praticiens libéraux… Dans tous les secteurs, qu’ils soient comptables, sociaux ou médicaux, le Centre hospitalier du Taaone, magnifique bâtiment flambant neuf côté rue, apparaît, coté cour, comme un géant aux pieds d’argile, atteint de poly-pathologies pour lesquelles il n’existe ni vaccin, ni traitement. Le CHPF atteint de sous-financement chronique paraît bien mal en point. Partout ça craque, ça se fissure et ça grogne. Dernier épisode en date, symptomatique de cet établissement à bout de forces, le changement de gouvernance inopiné au sein du Conseil d’administration de l’hôpital. Sans concertation, ni avertissement, un arrêté ministériel en date du 15 octobre dernier, fait passer le C.A de 22 à 17 membres, à partir du 1er novembre 2012, «en supprimant plus de la moitié des représentants élus de l'hôpital» note l’intersyndicale du CHPF.

Il n’en fallait pas plus pour que le personnel de l’hôpital, qui broie du noir depuis de longs mois, voit rouge
. Pour autant, il n’est pas question d’une grève, pas encore. «Nous sommes très inquiets. Quand on voit l’état de financement du Pays, la baisse générale de l’économie et de l’emploi et la fonte des recettes fiscales, on peut se demander ce qu’il adviendra du budget de l’établissement en 2013. En tout cas, ce que nous on prévoit sera forcément trop lourd pour le Pays» explique Gilles Soubiran, représentant de l’intersyndicale. Le problème principal du Centre hospitalier du Taaone est d’être un établissement moderne, fait pour répondre à de nouvelles normes sanitaires, à de nouvelles missions médicales plus pointues et plus onéreuses, mais qui a conservé le montant du budget 2009 de l’ancien hôpital de Mamao. Structurellement, dès l’installation en novembre 2010 dans ses nouveaux locaux, cet outil majeur de la santé en Polynésie française, était en souffrance de sous-financement. «Le nouvel hôpital est beaucoup plus grand, reçoit plus de patients et opère sur de nouvelles missions, très techniques, comme la radiothérapie. Or au moment même où l’on met en place un outil plus cher, les dotations ont été réduites» détaille Gilles Soubiran.

Les difficultés financières de l’établissement (3 milliards de déficit annoncé en 2013, dont deux dus au sous-financement) sont telles désormais
, que des situations ubuesques se produisent. En raison des défauts de paiement à certains fournisseurs, des malades cancéreux sont évasanés hors du territoire, car l’hôpital n’est plus en mesure de pouvoir disposer de leur traitement, sur place à Tahiti. De ce fait, le coût du patient ne plombe plus le budget du Centre hospitalier, mais impacte directement les finances de la CPS ! Autre bizarrerie : le nombre de lits ayant été réduits dans certains services, des patients se retrouvent parfois dans des couloirs, sur des brancards, comme au vieux temps de Mamao, alors que des chambres à deux lits sont devenues des chambres individuelles, faute de personnel… «Ce sont des situations que l’intersyndicale du CHPF veut faire connaître à la population, pour lui faire comprendre que sa santé est en danger».

L’intersyndicale du CHPF attend d’en savoir plus sur ce qui va se passer en 2013. Elle espère que sur les nouveaux financements débloqués pour la Polynésie française, en début de semaine à Paris, une partie viendra abonder le besoin vital d’argent pour l’hôpital. «Cela donnera un peu de mou à la trésorerie, mais on sait que cela ne réglera pas le déficit». Au mieux, de petites sociétés prestataires du Taaone, impayées depuis des mois, au point d’être en situation de liquidation judiciaire, pourront tirer leur épingle du jeu, in extremis. Mais ce ne sera sans doute qu’un bandage sur une jambe de bois. Pour assainir la situation financière de l’hôpital, il faudrait s’attaquer à son imposante facture d’énergie : près d’un milliard de Fcfp par an, mais le système de refroidissement par eau de mer est pour l’instant «bloqué par des groupes d’intérêts». Il faudrait aussi s’attaquer à certains monopoles locaux, très onéreux : «le coût de l’oxygène est à Tahiti 20 fois plus cher qu’ailleurs». Des anomalies qui devront tôt ou tard être évoquées. Le président de la Commission médicale de l’établissement sera en tout cas reçu lundi prochain, le 5 novembre, par Oscar Temaru, le président du Pays. «On espère qu’il va pouvoir donner des informations, des réponses» avertit Gilles Soubiran

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 31 Octobre 2012 à 10:24 | Lu 3487 fois