Le CHPF enregistre pour la première fois deux exercices consécutifs excédentaires : +644 millions de francs en 2023, puis +370 millions en 2024. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 20 juin 2025 - Le Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) affiche pour la première fois deux exercices consécutifs excédentaires. Un redressement financier notamment permis par un soutien massif du Pays, validé ce vendredi par le conseil d’administration. Désormais le Taaone "sort la tête de l'eau" et veut "repartir sur de bonnes bases".
C’est une première historique pour le Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF). Après des années de déficits chroniques, l’établissement enregistre pour la première fois deux exercices consécutifs excédentaires : +644 millions de francs en 2023, puis +370 millions en 2024. Le conseil d’administration réuni vendredi matin a validé ces résultats, qui marquent un tournant dans la gestion financière de l'hôpital du Fenua. Le budget global du CHPF est, lui, de 35 milliards de francs depuis 2 ans. Mais derrière ces chiffres flatteurs, c’est un effort massif de la puissance publique qui a permis de colmater les brèches.
“On est dans une phase de reconstruction et de refinancement. Ce résultat positif est avant tout comptable, il s’explique par un investissement massif du Pays depuis deux ans pour remettre à flot le CHPF et l’accompagner dans une démarche vertueuse”, a déclaré le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, à l’issue du conseil. Le Pays a ainsi sorti massivement le chéquier pour solder les créances qui s’étaient accumulées depuis 2009. En tout, 1,3 milliard de francs de dettes ont été apurés.
Ces créances, laissées aussi bien par des patients que par des entreprises, faisaient depuis des années partie du paysage quotidien de l’hôpital. “Ce sont des dettes inévitables, car nous facturons au jour le jour. Aujourd’hui, nous conservons 600 millions de francs en réserve pour continuer à éponger ce que nous appelons les dettes historiques”, a précisé Marc Pissot, directeur financier de l’établissement.
“Sortir la tête de l'eau”
Pour la direction de l’hôpital, ce retour à l’équilibre est à la fois un soulagement et un point de départ. “On va repartir sur de bonnes bases. Cela nous sort la tête de l’eau”, reconnaît Hani Teriipaia, directrice générale du CHPF. Car si la situation actuelle est moins alarmante qu’il y a quelques mois, elle reste suspendue à des injections budgétaires exceptionnelles plutôt qu’à un modèle économique pérenne. Bien que tous s'accordent sur le fait que l'équilibre financier pour un hôpital public n'est “pas une fin en soi”.
Et l’exécutif ne s’y trompe pas. Cédric Mercadal a confirmé la volonté d’engager désormais une politique d’investissement planifiée, “pour éviter les financements au coup par coup”, et a précisé que “tous les investissements lourds seront désormais à la charge du Pays”.
Ce changement d’approche vise à restaurer la capacité de projection du CHPF, tant sur le plan technique qu’infrastructurel. Mais pour cela, il faudra combler des années de sous-investissements, dans les outils comme dans les hommes.
L’urgence de l’attractivité
Car c’est un autre défi, peut-être plus épineux encore, qui attend l’établissement : redonner de l’attrait à l’hôpital pour y retenir ses soignants. L’audit rendu public en novembre dernier l’avait souligné : les conditions de travail au Taaone sont un facteur majeur de désaffection du personnel soignant.
“On est entré dans une mondialisation du marché du soin, qu’il soit médical ou paramédical. Et si on ne s’aligne pas, on va continuer à perdre nos ressources humaines. C’est déjà le cas. On commence même à perdre nos enfants du Pays. J’en fais partie. Quand est-ce qu’on jugulera cette hémorragie ?”, interroge Tony Tekuataoa, chef des urgences et coprésident de la Commission médicale d’établissement du CHPF.
Son collègue, Philippe-Emmanuel Dupire, pharmacien en chef et également coprésident de la CME, abonde dans le même sens : “L’équilibre financier repose sur des subventions, qui ne sont pas forcément présentes en matière de ressources humaines.” Il explique également que dans les hôpitaux de référence en métropole, les dépenses de personnel représentent entre 65 et 70% du budget. Au CHPF, cette part plafonne à 55%. “L’attractivité passe bien sûr par les salaires, mais aussi par la qualité de vie au travail et le temps de travail. Et là aussi, nous sommes en-deçà des standards de la métropole et d’autres territoires ultramarins, comme la Nouvelle-Calédonie, qui sont plus attractifs”, poursuit le pharmacien.
Rattraper le retard
À cette crise des vocations s’ajoute une dette technique criante : outils numériques obsolètes, système d’information vétuste, gestion RH défaillante… En clair, le CHPF accuse un retard d’une décennie sur les standards actuels.
“On n’a pas pu suivre la modernité et la progression mondiale, faute de stabilité dans les équipes de direction, tant administratives que médicales. On a des outils aujourd'hui qui sont anciens. On a une dette technique dans nos outils technologique, en gestion humaine, financière et comptable. Aujourd’hui, nous devons rattraper ce retard, car c’est l’un des leviers essentiels de notre attractivité”, insiste Hani Teriipaia.
Une victoire tout de même
Malgré tout, le ministre de la Santé savoure cette éclaircie budgétaire, rare dans le ciel souvent plombé de la santé publique. “Ces résultats montrent que nous allons dans le bon sens et qu’une dynamique collective est en marche, entre le Pays, la CPS et le CHPF”, s’est-il réjoui.
Reste à savoir si cette embellie sera durable, ou si elle masquera que temporairement les fissures plus profondes du système hospitalier polynésien. Car derrière l’équilibre comptable, c’est bien un projet de transformation structurelle qui est apparait nécessaire, sans quoi le CHPF pourrait replonger, demain, dans les affres de ses déséquilibres passés.
C’est une première historique pour le Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF). Après des années de déficits chroniques, l’établissement enregistre pour la première fois deux exercices consécutifs excédentaires : +644 millions de francs en 2023, puis +370 millions en 2024. Le conseil d’administration réuni vendredi matin a validé ces résultats, qui marquent un tournant dans la gestion financière de l'hôpital du Fenua. Le budget global du CHPF est, lui, de 35 milliards de francs depuis 2 ans. Mais derrière ces chiffres flatteurs, c’est un effort massif de la puissance publique qui a permis de colmater les brèches.
“On est dans une phase de reconstruction et de refinancement. Ce résultat positif est avant tout comptable, il s’explique par un investissement massif du Pays depuis deux ans pour remettre à flot le CHPF et l’accompagner dans une démarche vertueuse”, a déclaré le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, à l’issue du conseil. Le Pays a ainsi sorti massivement le chéquier pour solder les créances qui s’étaient accumulées depuis 2009. En tout, 1,3 milliard de francs de dettes ont été apurés.
Ces créances, laissées aussi bien par des patients que par des entreprises, faisaient depuis des années partie du paysage quotidien de l’hôpital. “Ce sont des dettes inévitables, car nous facturons au jour le jour. Aujourd’hui, nous conservons 600 millions de francs en réserve pour continuer à éponger ce que nous appelons les dettes historiques”, a précisé Marc Pissot, directeur financier de l’établissement.
“Sortir la tête de l'eau”
Pour la direction de l’hôpital, ce retour à l’équilibre est à la fois un soulagement et un point de départ. “On va repartir sur de bonnes bases. Cela nous sort la tête de l’eau”, reconnaît Hani Teriipaia, directrice générale du CHPF. Car si la situation actuelle est moins alarmante qu’il y a quelques mois, elle reste suspendue à des injections budgétaires exceptionnelles plutôt qu’à un modèle économique pérenne. Bien que tous s'accordent sur le fait que l'équilibre financier pour un hôpital public n'est “pas une fin en soi”.
Et l’exécutif ne s’y trompe pas. Cédric Mercadal a confirmé la volonté d’engager désormais une politique d’investissement planifiée, “pour éviter les financements au coup par coup”, et a précisé que “tous les investissements lourds seront désormais à la charge du Pays”.
Ce changement d’approche vise à restaurer la capacité de projection du CHPF, tant sur le plan technique qu’infrastructurel. Mais pour cela, il faudra combler des années de sous-investissements, dans les outils comme dans les hommes.
L’urgence de l’attractivité
Car c’est un autre défi, peut-être plus épineux encore, qui attend l’établissement : redonner de l’attrait à l’hôpital pour y retenir ses soignants. L’audit rendu public en novembre dernier l’avait souligné : les conditions de travail au Taaone sont un facteur majeur de désaffection du personnel soignant.
“On est entré dans une mondialisation du marché du soin, qu’il soit médical ou paramédical. Et si on ne s’aligne pas, on va continuer à perdre nos ressources humaines. C’est déjà le cas. On commence même à perdre nos enfants du Pays. J’en fais partie. Quand est-ce qu’on jugulera cette hémorragie ?”, interroge Tony Tekuataoa, chef des urgences et coprésident de la Commission médicale d’établissement du CHPF.
Son collègue, Philippe-Emmanuel Dupire, pharmacien en chef et également coprésident de la CME, abonde dans le même sens : “L’équilibre financier repose sur des subventions, qui ne sont pas forcément présentes en matière de ressources humaines.” Il explique également que dans les hôpitaux de référence en métropole, les dépenses de personnel représentent entre 65 et 70% du budget. Au CHPF, cette part plafonne à 55%. “L’attractivité passe bien sûr par les salaires, mais aussi par la qualité de vie au travail et le temps de travail. Et là aussi, nous sommes en-deçà des standards de la métropole et d’autres territoires ultramarins, comme la Nouvelle-Calédonie, qui sont plus attractifs”, poursuit le pharmacien.
Rattraper le retard
À cette crise des vocations s’ajoute une dette technique criante : outils numériques obsolètes, système d’information vétuste, gestion RH défaillante… En clair, le CHPF accuse un retard d’une décennie sur les standards actuels.
“On n’a pas pu suivre la modernité et la progression mondiale, faute de stabilité dans les équipes de direction, tant administratives que médicales. On a des outils aujourd'hui qui sont anciens. On a une dette technique dans nos outils technologique, en gestion humaine, financière et comptable. Aujourd’hui, nous devons rattraper ce retard, car c’est l’un des leviers essentiels de notre attractivité”, insiste Hani Teriipaia.
Une victoire tout de même
Malgré tout, le ministre de la Santé savoure cette éclaircie budgétaire, rare dans le ciel souvent plombé de la santé publique. “Ces résultats montrent que nous allons dans le bon sens et qu’une dynamique collective est en marche, entre le Pays, la CPS et le CHPF”, s’est-il réjoui.
Reste à savoir si cette embellie sera durable, ou si elle masquera que temporairement les fissures plus profondes du système hospitalier polynésien. Car derrière l’équilibre comptable, c’est bien un projet de transformation structurelle qui est apparait nécessaire, sans quoi le CHPF pourrait replonger, demain, dans les affres de ses déséquilibres passés.




































