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Le Bélarus entame des poursuites contre le "conseil" de l'opposition


Minsk, Belarus | AFP | jeudi 20/08/2020 - Les autorités bélarusses ont entamé jeudi des poursuites pour "atteinte à la sécurité nationale" à l'encontre du "Conseil de coordination" formé par l'opposition, un organe destiné à promouvoir la transition politique après l'élection présidentielle du 9 août.

Constitué dans la continuité du mouvement de protestation historique qui demande le départ d'Alexandre Loukachenko depuis le scrutin, ce "Conseil" a déjà été dénoncé avec vigueur par le président bélarusse qui y voit une tentative de "s'emparer du pouvoir" et a menacé de "refroidir certaines têtes brûlées" en son sein.

"La création et l'activité d'un tel conseil sont destinées à la prise du pouvoir et à porter atteinte à la sécurité nationale du Bélarus", a renchéri dans une vidéo diffusée jeudi sur le réseau social Telegram le Procureur général, Alexandre Koniouk.

Il a annoncé l'ouverture d'une enquête pour "appel à des actions visant à porter atteinte à la sécurité nationale", passible de peines allant de trois à cinq ans de prison.

Ivan Noskevitch, le directeur du Comité d'enquête bélarusse, l'organisme chargé des principales affaires criminelles, a précisé qu'un "groupe d'enquête" avait été créé et qu'il avait "commencé le travail".

L'opposition a rejeté ces accusations, dénonçant la "pression et la répression à l'encontre de citoyens pacifiques".

Le "Conseil de coordination" de l'opposition s'est réuni pour la première fois mercredi et a appelé à l'organisation d'une nouvelle élection "en conformité avec les normes internationales" et à l'"ouverture immédiate des négociations" avec les autorités.

Il comprend notamment dans son présidium la lauréate du prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch et Pavel Latouchko, un ancien ministre et ambassadeur et un des plus responsables bélarusses ayant pour l'instant rejoint les protestataires.

"Pas de révolutions" 

Alexandre Loukachenko fait face à des manifestations quotidiennes et à un mouvement de grève déclenché à l'appel de l'opposition. Celle-ci rejette les résultats de la présidentielle du 9 août qui le donnent gagnant avec 80% des voix.

L'Union européenne s'est dite mercredi "aux côtés des Bélarusses" et a rejeté les résultats du scrutin, à l'issue d'un sommet extraordinaire des 27 qui ont également promis des sanctions supplémentaires contre des responsables bélarusses responsables de "violences, de répressions et de fraudes électorales".

Avant ce sommet, la figure de proue de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie, avait appelé les Européens à rejeter le résultat "falsifié" de la présidentielle, jugeant que M. Loukachenko avait "perdu toute légitimité".

Sa porte-parole Anna Krassoulina s'est dite jeudi auprès de l'AFP "très reconnaissante" du soutien des Européens et a appelé les hauts responsables du régime à ouvrir un dialogue avec l'opposition pour une "transition pacifique du pouvoir".

"Nous nous engagerons dans ces négociations après un signe de bonne volonté de leur part et la libération de tous les prisonniers politiques", a-t-elle dit, promettant que les manifestations allaient continuer.

Alexandre Loukachenko, 65 ans, a rejeté à de nombreuses reprises l'idée d'un départ. Il a ordonné mercredi de renforcer les contrôles aux frontières et de faire en sorte qu'il n'y ait "plus aucun trouble à Minsk".

Il a nommé son gouvernement, dans lequel le Premier ministre Roman Golovtchenko, le ministre de l'Intérieur Iouri Karaïev et le ministre des Affaires étrangères Vladimir Makeï ont gardé leurs postes.

M. Makeï, considéré comme un modéré, a reconnu jeudi dans une déclaration publiée sur le site internet de son ministère que des "changements" étaient "nécessaires" au Bélarus, mais "pas au prix d'affrontements civils ou de révolutions".

L'armée a annoncé jeudi de nouvelles manoeuvres militaires aux frontières polonaise et lituanienne.

Après l'élection du 9 août, quatre soirées de manifestations avaient été matées par la police, faisant au moins trois morts, des dizaines de blessés et plus de 6.700 personnes arrêtées, dont beaucoup ont rapporté des passages à tabac et des tortures en détention.

L'attitude de la Russie, plus proche allié et partenaire économique du Bélarus, sera essentiel à l'issue de la crise. Moscou a jusqu'à présent surtout mis en garde contre toute "ingérence étrangère" dans les "affaires internes" de son voisin.

Le Premier ministre bélarusse Roman Golovtchenko s'est entretenu jeudi pour la deuxième fois en deux jours avec son homologue russe Mikhaïl Michoustine.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a pour sa part une nouvelle fois appelé Vladimir Poutine à promouvoir un "dialogue politique inclusif" au Bélarus.

le Jeudi 20 Août 2020 à 05:22 | Lu 161 fois