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La transition énergétique polynésienne en préparation


La centrale thermique "Emile Martin", navire amiral du groupe Electricité de Tahiti, vallée de la Punaruu à Punaauia
La centrale thermique "Emile Martin", navire amiral du groupe Electricité de Tahiti, vallée de la Punaruu à Punaauia
PAPEETE, 6 novembre 2014 - Ce n'est qu'en début d'année prochaine que le gouvernement polynésien présentera son plan de transition énergétique qui doit permettre au territoire de se désengager progressivement de l'énergie fossile. Mais l'analyse du rapport des orientations budgétaires 2015 trace déjà les pistes prioritaires envisagées.

La polémique lancée il y a une quinzaine de jours, avec la révélation du courrier qu'EDT a envoyé aux maires en leur proposant de lever un impôt communal sur les installations d'autoproduction d'électricité, n'est pas près de s'éteindre. Et ce d'autant moins que le gouvernement polynésien prépare un plan de transition énergétique où l'opérateur historique de l'électricité en Polynésie se retrouve un peu bousculé. Ce plan sera proposé dès janvier 2015 par le ministre en charge des énergies, Nuihau Laurey, et son premier axe de travail concerne justement l'électricité. C'est ce qui ressort en tout cas de l'analyse des documents fournis aux représentants de l'assemblée de Polynésie pour le débat d'orientation budgétaire du 30 octobre dernier.

Les objectifs de cette transition énergétique sont connus : à moyen terme -à l'horizon 2020-, "atteindre 50% de production d'énergie électrique issue de source endogène et renouvelable". Un objectif écrit depuis décembre 2012 dans la Loi du Pays sur les principes directeurs de la politique énergétique polynésienne. A long terme, pour 2030, l'objectif est plus ambitieux encore : "atteindre 70% d'autonomie énergétique au moindre coût" avec une réduction de "la consommation d'énergie fossile de 30% en 2030 par rapport à 2012".

Ayant pris conscience des enjeux qui lient nécessairement la relance économique du Pays à sa transition énergétique, le gouvernement a lancé il y a quelques mois des audits qui "ont conduit le gouvernement à opter pour une réforme du système avec une meilleure définition des fonctions de chacun des intervenants dans la chaîne, une transparence dans les coûts et les rémunérations des acteurs".

EDT en surchauffe

En mars 2014, la Polynésie française a mandaté un cabinet d'audit spécialisé dans les concessions de service public, la société SP 2000 avec comme objectif la refonte de sa politique énergétique. La mission d'une durée de sept mois consiste notamment en l’étude et la mise en place d’une réforme institutionnelle du secteur électrique (production, transport, distribution), la rédaction d’un nouveau cadre législatif et réglementaire, l’appui à la réalisation d’un schéma directeur énergies renouvelables enfin l’étude et la négociation auprès des opérateurs du secteur du coût de revient kWh et de la grille tarifaire. La mission dont les conclusions définitives devraient être connues prochainement, arrive à son terme.

Mais on sait déjà où se situent les priorités et EDT, l'opérateur historique de l'électricité en Polynésie est visé directement. Un paragraphe du rapport du gouvernement sur le débat d'orientations budgétaires est lumineux. "La Polynésie française a délégué en 1960 à la société Electricité de Tahiti (EDT), le service public de la distribution de l'énergie électrique sur l'île de Tahiti (…) Depuis lors, la société EDT est arrivée à obtenir un monopole de fait sur la plupart des îles de Polynésie ". Le message est encore plus clair lorsque le rapport du gouvernement aborde la question du coût de l'électricité : "le coût du service de l'énergie électrique n'est aujourd'hui pas assez transparent et représente une charge importante tant pour les budgets des ménages, que pour les acteurs économiques, alors même que la collectivité de la Polynésie française accompagne financièrement le prix de l'électricité : prise en charge des surcoûts des hydrocarbures à l'entrée, prise en charge du coût des transports inter-îles des hydrocarbures, faible taxation du kWh électrique, au regard de ce qui se pratique ailleurs, diverses défiscalisations accordées pour des investissements des moyens de production".

Le rapport conclut même que la situation de monopole d'EDT alimente sa propre position dominante. "L'absence de règles claires et équitables dans le domaine de l'énergie électrique ne permet pas l'émergence de nouveaux acteurs majeurs. Car si le marché n'est pas fermé, les faits attestent d'une certaine difficulté pour les porteurs de projets, de s'insérer dans un marché sur lequel l'opérateur historique est verticalement intégré".

Cette situation s'est vérifiée encore, il y a quelques jours à peine, lorsque le syndicat pour l'électrification des communes du sud de Tahiti (Secosud) a déclaré infructueux son appel d'offres pour le marché de distribution de l'électricité sur la Presqu'île de Tahiti.

Energies renouvelables : un développement exponentiel

Pour réduire sa dépendance aux importations d'hydrocarbures, la Polynésie française entend lancer un vaste programme de développement des énergies renouvelables. "Des investissements de plusieurs milliards de Fcfp par an sont à réaliser dans les 15 prochaines années pour atteindre un objectif de 70% d'énergie renouvelable en Polynésie à l'horizon 2030. Certaines îles, offrant un mix-énergétique pourraient même atteindre les 100%" précise le rapport gouvernemental sur l'énergie. Il faut dire que le territoire a la chance de pouvoir bénéficier des principales sources d'énergies renouvelables. Le solaire photovoltaïque partout ; l'hydroélectricité à Tahiti (où la puissance d'équipement peut être doublée) et aux Marquises ; l'éolien avec les alizés constants sur les atolls et certaines îles hautes (Îles du Vent et Marquises) ; la bio-méthanisation issue du centre d'enfouissement des déchets de Tahiti ; l'énergie des courants marins (hydrolienne).

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 6 Novembre 2014 à 16:57 | Lu 1610 fois