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La "suspicion légitime" autorisée pour l'autorité polynésienne de la concurrence


Tahiti, le 10 juin 2020 – Dans le bras de fer juridique entre le groupe Wane et l'autorité polynésienne de la concurrence (APC) sur le dossier des boissons réfrigérées, la Cour de cassation vient d'autoriser le principe du renvoi pour "suspicion légitime" pour la jeune APC, contre la position soutenue par le premier président de la cour d'appel de Paris jusqu'ici.
 
C'est une évolution notable dans le dossier "d'abus de position dominante" qui a valu en 2019 une amende de 235 millions de Fcfp, prononcée par l'autorité polynésienne de la concurrence (APC) à l'encontre du groupe Wane dans l'affaire des boissons réfrigérées. Mais plus généralement, c'est une jurisprudence nouvelle pour le fonctionnement de la jeune APC qui vient d'être rendue par la Cour de cassation. La semaine dernière, le 4 juin, la plus haute juridiction judiciaire a considéré qu'il était finalement possible de recourir au principe du "renvoi pour suspicion légitime" à l'encontre de l'autorité polynésienne de la concurrence, annulant ainsi l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris qui estimait l'inverse en mars 2019.
 
Plus concrètement, le groupe de grande distribution reproche depuis des mois au président de l'APC, Jacques Mérot, d'avoir produit une attestation contre le groupe Wane dans une autre procédure prud'homale. Le groupe estime donc que le président de l'autorité pourrait faire preuve d'inimitié à son égard et demande le dessaisissement de l'APC : c'est la demande de "renvoi pour suspicion légitime". Mais le 1er mars 2019, le premier président de la cour d'appel de Paris a refusé cette demande, estimant "qu'aucun des textes relatifs à l'autorité polynésienne de la concurrence ne prévoit une procédure spécifique de récusation ou de demande de renvoi pour cause de suspicion légitime". Or pour la Cour de cassation : "l’APC est une juridiction (…) de sorte que, même en l’absence de disposition spécifique, toute personne poursuivie devant elle doit pouvoir demander le renvoi pour cause de suspicion légitime".
 
Le dossier a donc été renvoyé au premier président de la cour d'appel de Paris et devant les parties "dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt". Ce qui n'est pas sans poser d'autres questions, puisque l'APC a rendu depuis une décision et une amende, elles mêmes contestées… devant la cour d'appel de Paris.

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 10 Juin 2020 à 16:35 | Lu 2640 fois