Tahiti, le 27 février 2025 - La dernière enquête de la Direction de la santé, Ea Piahi, pointe du doigt une dégradation significative de la santé mentale des jeunes polynésiens. Perturbations du sommeil, de l'alimentation, sentiment de solitude ou même envies suicidaires, l'étude soulève des questions et, indirectement, exhorte les parents à (re)prendre leurs responsabilités. En effet, en 2016, 56% des parents étaient régulièrement informés des activités de leurs enfants, contre seulement 39% en 2024.
Nous en parlions déjà la semaine dernière dans nos colonnes, l'enquête Ea Piahi - Santé Jeune 2024 se précise. Pour rappel, l'étude a pour mission d'actualiser les connaissances sur la santé et les comportements des jeunes scolarisés, afin de mieux orienter les politiques publiques à venir. Et pour l'occasion, du 24 février au 17 avril 2024, 3 906 élèves, issus de 32 établissements différents et répartis dans toute la Polynésie, ont été mobilisés. Un travail de longue haleine qui a le mérite aujourd'hui de poser des bases plus solides d'une réflexion encore en chantier. Et si le bilan de l'enquête fait par la Direction de la santé se veut encourageant et nuancé – par souci de communication, on s'en doute bien – la lecture du document et ses conclusions suscitent de plus vives réactions. Des chiffres éloquents, voire alarmants, qui invitent certes les politiques, mais aussi et surtout les parents, à la prise de conscience. En témoignent notamment les données recueillies sur la santé mentale des jeunes polynésiens et le contexte familial dans lequel ces derniers évoluent.
De la solitude au suicide
Selon l'enquête Ea Piahi, au cours des 12 derniers mois – au moment de l'enquête donc – 58,3% des élèves interrogés assurent ne jamais, ou rarement, s'être sentis seuls. 24% nuancent et disent qu'ils l'ont été “parfois”. Et enfin, 17,7% d'entre eux affirment l'avoir été la plupart du temps, ou toujours. Un chiffre non négligeable et qui gagne en poids à mesure que l'on s'y intéresse. En effet, on constate que le sentiment de solitude s'amplifie avec l'âge. Chez les moins de 12 ans, si 39% des enfants scolarisés assurent ne jamais s'être sentis seuls, ces derniers ne sont plus que 23% lorsqu'ils passent les 16 ans. Concernant les enfants estimant s'être régulièrement ou toujours sentis seuls, ils passent de 15 à 22% arrivés à 16 ans. De plus, l'enquête souligne la proportion plus importante des filles à s'être senties seules “la plupart du temps” ou “toujours” (22% contre 14% seulement pour les garçons). Une solitude accentuée par des inquiétudes sévères, au point d'en perdre le sommeil, de perturber l'alimentation ou de vouloir consommer de l'alcool ou de la drogue : “Au cours des 12 derniers mois, un jeune sur cinq (20,4%) déclare s'être fait du souci au point de ne pas pouvoir en dormir la nuit (15,1% “la plupart du temps”, 5,3% “toujours”)”, révèle explicitement l'enquête.
Des inquiétudes, des problèmes, que cette jeunesse semble garder pour elle, volontairement... ou pas. “Au cours des 30 derniers jours, as-tu pu parler à quelqu'un de tes problèmes et/ou de tes préoccupations ?”, se sont permis de demander les enquêteurs aux élèves. Un jeune sur trois déclare n'avoir jamais pu parler à quelqu'un de ses problèmes au cours de cette période. Deux sur cinq estiment n'avoir eu que trop rarement cette chance, tandis que seulement 12,4% ont en eu la possibilité “la plupart du temps”, et que 15,7% d'entre eux l'ont “toujours” eue. Un manque de soutien flagrant qui mène parfois à des réactions extrêmes. Et dans le pire des cas, au suicide.
En 2024, parmi les élèves interrogés, un adolescent sur cinq (20,3%) déclare s'être infligé des blessures volontaires de type scarification ou autres. 17,9% de ces mêmes élèves déclarent avoir sérieusement envisagé de se suicider, 22,1% affirment avoir réfléchi à la manière de le faire, et enfin un jeune sur cinq (19,1%) jure avoir essayé de passer à l'acte. Et une fois encore, les filles sont davantage concernées : “Elles sont deux fois plus nombreuses à déclarer avoir réfléchi à une manière de se suicider dans les 12 mois précédant l'enquête”, souligne l'enquête. “Et presque trois fois plus nombreuses à affirmer avoir sérieusement envisagé cette éventualité (26% contre 10% pour les garçons). Elles déclarent également deux fois plus souvent au moins une tentative dans l'année (26% contre 12% des garçons).” Des chiffres criants pour une problématique encore inaudible, semble-t-il.
Des parents de plus en plus absents
Si elle ne le dit pas ouvertement, l'enquête le fait bien comprendre : on observe, entre 2016 et 2024, un désintéressement des parents quant à la vie de leurs enfants. Et pour cause, en 2016, 56% des parents étaient régulièrement informés des activités de leurs enfants, contre seulement 39% en 2024. Une tendance qui se vérifie par un taux d'absentéisme important, voire grandissant : au moment de l'enquête, un tiers des enfants ont déclaré avoir manqué au moins un jour de cours sans permission dans les 30 derniers jours, dont 13,9% au-delà de deux jours. Plus inquiétant encore, 40% des élèves déclarent que leurs parents ne se sont jamais, ou rarement, intéressés à ce qu'ils faisaient vraiment de leur temps libre. Quant au suivi des devoirs, la majorité des parents s'en sont également détournés. Des données qui font écho à la prolifération des smartphones, des tablettes et autres écrans. Un phénomène dénoncé également par la Direction de la santé dans ce rapport : “Le temps d'écran est très élevé, reflétant une importante sédentarité. Cette tendance est un signal d'alarme sur les habitudes de vie des jeunes.” Si les parents ont pour habitude de blâmer les pouvoirs publics, les écoles, ou directement le corps enseignant, cette fois-ci, l'enquête leur rappelle leurs devoirs et les invite à la prise de conscience.
Nous en parlions déjà la semaine dernière dans nos colonnes, l'enquête Ea Piahi - Santé Jeune 2024 se précise. Pour rappel, l'étude a pour mission d'actualiser les connaissances sur la santé et les comportements des jeunes scolarisés, afin de mieux orienter les politiques publiques à venir. Et pour l'occasion, du 24 février au 17 avril 2024, 3 906 élèves, issus de 32 établissements différents et répartis dans toute la Polynésie, ont été mobilisés. Un travail de longue haleine qui a le mérite aujourd'hui de poser des bases plus solides d'une réflexion encore en chantier. Et si le bilan de l'enquête fait par la Direction de la santé se veut encourageant et nuancé – par souci de communication, on s'en doute bien – la lecture du document et ses conclusions suscitent de plus vives réactions. Des chiffres éloquents, voire alarmants, qui invitent certes les politiques, mais aussi et surtout les parents, à la prise de conscience. En témoignent notamment les données recueillies sur la santé mentale des jeunes polynésiens et le contexte familial dans lequel ces derniers évoluent.
De la solitude au suicide
Selon l'enquête Ea Piahi, au cours des 12 derniers mois – au moment de l'enquête donc – 58,3% des élèves interrogés assurent ne jamais, ou rarement, s'être sentis seuls. 24% nuancent et disent qu'ils l'ont été “parfois”. Et enfin, 17,7% d'entre eux affirment l'avoir été la plupart du temps, ou toujours. Un chiffre non négligeable et qui gagne en poids à mesure que l'on s'y intéresse. En effet, on constate que le sentiment de solitude s'amplifie avec l'âge. Chez les moins de 12 ans, si 39% des enfants scolarisés assurent ne jamais s'être sentis seuls, ces derniers ne sont plus que 23% lorsqu'ils passent les 16 ans. Concernant les enfants estimant s'être régulièrement ou toujours sentis seuls, ils passent de 15 à 22% arrivés à 16 ans. De plus, l'enquête souligne la proportion plus importante des filles à s'être senties seules “la plupart du temps” ou “toujours” (22% contre 14% seulement pour les garçons). Une solitude accentuée par des inquiétudes sévères, au point d'en perdre le sommeil, de perturber l'alimentation ou de vouloir consommer de l'alcool ou de la drogue : “Au cours des 12 derniers mois, un jeune sur cinq (20,4%) déclare s'être fait du souci au point de ne pas pouvoir en dormir la nuit (15,1% “la plupart du temps”, 5,3% “toujours”)”, révèle explicitement l'enquête.
Des inquiétudes, des problèmes, que cette jeunesse semble garder pour elle, volontairement... ou pas. “Au cours des 30 derniers jours, as-tu pu parler à quelqu'un de tes problèmes et/ou de tes préoccupations ?”, se sont permis de demander les enquêteurs aux élèves. Un jeune sur trois déclare n'avoir jamais pu parler à quelqu'un de ses problèmes au cours de cette période. Deux sur cinq estiment n'avoir eu que trop rarement cette chance, tandis que seulement 12,4% ont en eu la possibilité “la plupart du temps”, et que 15,7% d'entre eux l'ont “toujours” eue. Un manque de soutien flagrant qui mène parfois à des réactions extrêmes. Et dans le pire des cas, au suicide.
En 2024, parmi les élèves interrogés, un adolescent sur cinq (20,3%) déclare s'être infligé des blessures volontaires de type scarification ou autres. 17,9% de ces mêmes élèves déclarent avoir sérieusement envisagé de se suicider, 22,1% affirment avoir réfléchi à la manière de le faire, et enfin un jeune sur cinq (19,1%) jure avoir essayé de passer à l'acte. Et une fois encore, les filles sont davantage concernées : “Elles sont deux fois plus nombreuses à déclarer avoir réfléchi à une manière de se suicider dans les 12 mois précédant l'enquête”, souligne l'enquête. “Et presque trois fois plus nombreuses à affirmer avoir sérieusement envisagé cette éventualité (26% contre 10% pour les garçons). Elles déclarent également deux fois plus souvent au moins une tentative dans l'année (26% contre 12% des garçons).” Des chiffres criants pour une problématique encore inaudible, semble-t-il.
Des parents de plus en plus absents
Si elle ne le dit pas ouvertement, l'enquête le fait bien comprendre : on observe, entre 2016 et 2024, un désintéressement des parents quant à la vie de leurs enfants. Et pour cause, en 2016, 56% des parents étaient régulièrement informés des activités de leurs enfants, contre seulement 39% en 2024. Une tendance qui se vérifie par un taux d'absentéisme important, voire grandissant : au moment de l'enquête, un tiers des enfants ont déclaré avoir manqué au moins un jour de cours sans permission dans les 30 derniers jours, dont 13,9% au-delà de deux jours. Plus inquiétant encore, 40% des élèves déclarent que leurs parents ne se sont jamais, ou rarement, intéressés à ce qu'ils faisaient vraiment de leur temps libre. Quant au suivi des devoirs, la majorité des parents s'en sont également détournés. Des données qui font écho à la prolifération des smartphones, des tablettes et autres écrans. Un phénomène dénoncé également par la Direction de la santé dans ce rapport : “Le temps d'écran est très élevé, reflétant une importante sédentarité. Cette tendance est un signal d'alarme sur les habitudes de vie des jeunes.” Si les parents ont pour habitude de blâmer les pouvoirs publics, les écoles, ou directement le corps enseignant, cette fois-ci, l'enquête leur rappelle leurs devoirs et les invite à la prise de conscience.