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La gestion et les finances de Moorea épinglées


Tahiti, le 11 octobre 2020 – Le dernier rapport de la chambre territoriale des comptes consacré à la commune de Moorea-Maiao épingle sévèrement la gestion financière et administrative sous la dernière mandature du tāvana, Evans Haumani. Manque de visibilité et de stratégie, finances qui se dégradent, manque de cadres… avec des élus qui accusent près de 2,7 millions de Fcfp de retards de paiement de leurs redevances.
 
Le conseil municipal de Moorea-Maiao a examiné jeudi dernier le rapport d'observations définitives de la chambre territoriale des comptes portant sur la gestion de la municipalité de l'île sœur entre 2014 et 2020, comme rapporté par nos confrères de La Dépêche vendredi. Un rapport qui porte exclusivement sur la période de gestion correspondant à la première mandature du tāvana réélu cette année, Evans Haumani. Et le moins que l'on puisse dire est que le document d'une centaine de pages est loin de dresser un bilan très flatteur pour l'équipe de l'ex-élu Tahoeraa aujourd'hui passé dans le clan de la majorité.
 
Précarité et tourisme
 
C'est un aspect particulièrement intéressant du long rapport formulé par la juridiction, l'introduction du document dresse un état des lieux particulièrement exhaustif de la situation économique et sociale de l'île sœur. Quatrième commune la plus peuplée de Polynésie française (18 000 habitants), proche de Tahiti et en lien quotidien avec ses rotations maritimes, la juridiction estime que : "Sans stratégie clairement établie, Moorea apparaît subir davantage cette proximité qu'elle n'en tire profit". Mais surtout, la juridiction s'attarde sur "l'environnement socio-économique marqué par la précarité" de Moorea, avec un taux de chômage de 23,3% supérieur à la moyenne du fenua (21%) et allant même jusqu'à 42% pour les 20/29 ans. Moorea qui a néanmoins su profiter de l'embellie du tourisme ces dernières années par son "cadre de vie préservé". Et pour la chambre, la forte propension de l'île à accueillir des touristes résidents est une "particularité qui est un atout significatif dans une période de ralentissement du tourisme international lié à la crise sanitaire mondiale".
 
Finances mal embarquées
 
Le premier point noir du rapport concerne la situation financière "qui se dégrade" dans la commune. Sur la partie spécifiquement budgétaire tout d'abord, la chambre relève de nombreuses anomalies : documents d'orientation incomplets et non réglementaires ; investissements mal programmés et mal gérés dont les taux de réalisation "s'effondrent" ; pas d'inventaire du patrimoine communal pourtant officiellement chiffré à 9,5 milliards de Fcfp ; pas de provision pour les contentieux en cours…
 
Du point de vue financier, la chambre s'inquiète de la progression des charges de personnel qui progressent de +24% sur la période et qui représentent 64% des charges de fonctionnement (contre 58% en moyenne sur le reste de la Polynésie). Dans le même temps, signale la juridiction, les subventions destinées à équilibrer les budgets annexes de l'eau, de l'assainissement, des déchets ou des transports maritimes ne cessent de croître pour doubler en quatre ans… Seul point positif, la commune n'est pas endettée et dispose encore d'un bon niveau de réserves. Il est donc encore temps de freiner pour éviter l'accident.
 
Turn-over et manque de cadres
 
Deuxième point noir, la "gouvernance" et le "pilotage" de la commune. Comme de nombreuses municipalités au fenua, Moorea dispose d'un niveau d'encadrement très faible. Mais à la différence de ces dernières, la municipalité de l'île sœur n'a pas la même dimension. "Globalement, son niveau d'administration semble inadapté aux enjeux d'une commune de cette taille", tacle la chambre. La juridiction pointe d'ailleurs du doigt un problème spécifique de "turn-over incessant sur les postes stratégiques" : Sur cinq années, la chambre relève cinq mouvements pour les directeurs généraux des services, quatre pour les directeurs des ressources et des moyens, deux pour les responsables de la régie ou encore trois pour les directeurs des services techniques… Une "instabilité chronique" qui a "sans nul doute fragilisé la mise en œuvre d'actions structurantes".
 
Bonne volonté… affichée
 
Notons que le tāvana de Moorea-Maiao s'est fendu d'une réponse écrite d'une trentaine de pages annexée au rapport de la chambre territoriale des comptes. Dans ce courrier, Evans Haumani affirme "souscrire" à la quasi-totalité des recommandations de la juridiction financière pour son prochain mandat. Un effort à souligner, dont se passent généralement les tāvana épinglés par la chambre territoriale des comptes. Même s'il faut tout de même souligner que cet élan de bonne volonté a été intenté en pleine campagne des municipales. Et que plusieurs de ces recommandations aujourd'hui "partagées" par la commune figuraient déjà dans le précédent rapport de la juridiction datant… de 2013. Soit un an avant le premier mandat d'Evans Haumani.
 
 
 
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Détournements… et manquements
 
Le rapport de la chambre territoriale des comptes évoque une enquête préliminaire ouverte en 2016 pour des détournements de fonds publics de 1,8 million de Fcfp à la suite d'une plainte de la mairie contre deux régisseuses : Celle de la régie de recettes du budget principal et celle de la régie de recettes du budget de l'eau. Pour la partie administrative, la chambre explique que les deux agents ont procédé au remboursement intégral de la somme détournée, qu'elles ont été maintenues dans le personnel communal mais qu'elles ont été démises de leurs fonctions de régisseuses et sanctionnées par une exclusion temporaire de six mois.
 
Or le rapport explique que l'une des intéressées a réussi à faire annuler sa sanction devant le tribunal administratif. Le maire a donc dû conclure avec elle un accord transactionnel, signé sur la base de quatre mois de salaire. Sauf que le tāvana a validé seul cet accord en toute irrégularité, puisqu'il n'a pas été soumis à l'approbation du conseil municipal… La chambre met donc en garde la commune, en rappelant que de telles décisions "peuvent engager la responsabilité du maire".



Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 12 Octobre 2020 à 06:05 | Lu 2573 fois