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La comptable de Papeete responsable de 47 millions de francs de recettes impayées


La Cour des Comptes a jugé que la comptable de Papeete était personnellement responsable de 47 millions de francs de recettes communales non recouvrées, dont elle a laissé les délais de prescription filer. (Crédit photo : partagée par TouN sous la licence GNU Free Documentation)
La Cour des Comptes a jugé que la comptable de Papeete était personnellement responsable de 47 millions de francs de recettes communales non recouvrées, dont elle a laissé les délais de prescription filer. (Crédit photo : partagée par TouN sous la licence GNU Free Documentation)
PAPEETE, le 29 mars 2017 - La Cour des comptes a jugé l'ancienne comptable de la mairie de Papeete responsable de 47 579 192 francs de recettes municipales impayées en 2009. Elle n'a pas assuré sa diligence dans le recouvrement de ces créances, les laissant disparaître dans les limbes de la prescription.

La municipalité réclamait 667 millions d'impayés remontant à 1981, mais la plupart des créances ont été jugées trop anciennes par la Cour.

C'était le procès de 30 ans de mauvaise gestion comptable dans les communes de Polynésie, et il risque d'y en avoir beaucoup d'autres. La Cour des comptes devait ainsi juger si la comptable de Papeete était responsable de 667 millions de francs de recettes communales non recouvrées de 1981 à 2009, dues sur plus de 20 500 titres de recettes.

Et le jugement, prononcé le 23 mars dernier, confirme que la comptable n'a pas assuré sa diligence car elle n'a pas entamé les procédures nécessaires pour que ces créances ne tombent pas sous le coup de la prescription. Cependant elle n'aura pas à payer la totalité du "debet" (quand le comptable doit payer de sa poche des créances qu'il a laissé s'échapper), contrairement à ce qu'avait jugé en première instance la Chambre territoriale des comptes (CTC).

En appel, la quatrième chambre de la Cour des comptes s'est en effet rangée en partie aux arguments de la défense, qui avait pris la précaution de faire signer un document écrit listant ses réserves lors de sa prise de fonctions en 2011 : "Pour les titres de recettes pris en charge au cours des exercices 1981 à 2008, leur nombre, leur ancienneté et les caractéristiques des débiteurs sont tels que les réserves de Mme E. sont justifiées, dans la mesure où il peut être considéré que le recouvrement de ces créances était manifestement compromis à la date de sa prise de fonctions ; qu'en revanche, pour ce qui concerne les titres de recettes pris en charge au cours de l'exercice 2009, la comptable entrante disposait au minimum de près de deux ans pour engager les diligences appropriées avant que la prescription quadriennale ne vienne paralyser l'action en recouvrement."

UN PROBLÈME GÉNÉRALISÉ : 6,8 MILLIARDS DE FRANCS ENVOLÉS POUR 40 COMMUNES

La procédure était intentée suite à un rapport de l’administrateur général des finances publiques, et elle est loin de ne concerner que la commune de Papeete, au contraire. Dans ce rapport de 2015, nous apprenions que de multiples dysfonctionnements dans le système de recouvrement des recettes des communes de Polynésie (hors îles Sous-le -Vent), ont conduit à accumuler les impayés pendant des décennies (voir notre papier de 2015). Sauf que la prescription trentenaire, argument facile pour repousser le problème à plus tard, est devenue quadriennale en 2008 avec le Code général des collectivités territoriales (CGCT). Il était devenu urgent d'entamer les procédures de recouvrement pour éviter que les créances ne deviennent caduques… Ce qui n'a pas toujours été fait. Au total, ces communes ont accumulé 8,9 milliards de francs de créances, dont 6,8 milliards ne seront jamais récupérés.

Une affaire dont nous vous parlions déjà il y a presque deux ans, quand tout a commencé. À l'époque, la recherche d'un responsable ne semblait pas être la piste privilégiée : "Concernant les dettes, l'auteur du rapport évoque plusieurs pistes pour "apurer" cette situation. La responsabilité personnelle du comptable peut être retenue par la Chambre territoriale des comptes mais, écrit-il, '"cette hypothèse ne consisterait-elle pas à en faire le bouc émissaire d’une faillite collective ?" De fait, il prône alors pour "un apurement global, collectif et concerté"." Un choix qui n'a pas été retenu par la CTC.

Du coup, la jurisprudence est faite et de nombreuses autres actions devraient être intentées pour les autres communes. Nos confrères de Radio 1 analysaient ainsi la décision de la Cour des comptes dans un article publié mardi : "La Chambre territoriale des comptes a lancé une procédure de "débet" contre le comptable public pour l’ensemble des recettes non recouvrées depuis ces 30 dernières années. S’agissant d’une décision assez inédite, la juridiction a préféré lancer la procédure sur la seule commune de Papeete et attendre d’avoir une jurisprudence de principe avant de mettre en débet les autres communes concernées en Polynésie. Soit les 40 communes de la Trésorerie des îles du Vent, des Australes et des archipels (Tivaa)."

La comptable et la commune ont deux mois pour faire appel.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 29 Mars 2017 à 18:13 | Lu 12148 fois