Tahiti, le 23 juillet 2025 - Après une semaine passée en Polynésie française, le ministre d’État et ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a arrêté sa course quelques minutes pour répondre aux questions qui n’ont pas été évoquées avec la presse pendant son séjour. Nucléaire, indépendance, lutte contre la vie chère, projet de loi de finances 2026… Un entretien au cours duquel il a confié sa vision d’une Polynésie qui sait “regarder vers l’avenir”.
Depuis votre nomination, vous avez eu à gérer des problématiques importantes en outre-mer à Mayotte, La Réunion ou encore la Nouvelle-Calédonie. Lorsque vous venez en Polynésie, n’avez-vous pas l’impression de visiter une collectivité en meilleure santé que le reste ?
“C’est toujours difficile de se risquer à des comparaisons. J’ai été nommé pour faire face à des urgences, mais il y a des dossiers qui touchent, sous des formes différentes, et en fonction des statuts, les collectivités. Je pense notamment à la vie chère ou la lutte contre les narcotrafics. C’est vrai que la Polynésie, en comparaison avec la situation dans laquelle se trouvent en général les territoires ultramarins, va bien… va mieux. Elle regarde l’avenir avec plus d’optimisme, même si je ne veux pas sous-estimer les défis et les problèmes qu’elle connaît. Il y a une forme d’apaisement que je ressens moins par rapport aux autres territoires que par rapport à l’Hexagone. Il y a une manière d’aborder les sujets, d’affronter les grands défis, comme la montée des océans et le changement climatique, qui est intéressante.”
La proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en outre-mer devrait être étudiée prochainement en conseil des ministres à Paris. Étant donné le statut d’autonomie, il y a assez peu de volets de cette proposition qui pourront intéresser la Polynésie française. Comment l’État peut-il venir en aide pour faire aussi baisser les prix au Fenua ?
“Le projet de loi passe en conseil des ministres la semaine prochaine. Il devrait être débattu cet automne au Sénat et à l’Assemblée nationale. J’ai déjà signé une circulaire pour les préfets et signé trois décrets qui vont renforcer le contrôle des prix, la transparence et favoriser la concurrence. C’est quand même autour de la concurrence que cela se joue, face à des grands groupes souvent monopolistiques qui font que la vie est chère. Oui, les statuts sont différents, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. C’est en renforçant les pouvoirs des Autorités de la concurrence, qu’elles soient sous régime du Pays ou de l’État, que nous pourrons avancer. C’est en mettant aussi l’accent sur l’autonomie alimentaire. Les territoires ont besoin de projets économiques forts dans leur environnement régional. De ce point de vue, la Polynésie ouvre le chemin. Enfin, nous verrons avec les cinq parlementaires polynésiens comment, avec le Pays, à l’occasion de cette loi, avec des amendements, il y a des éléments qui pourraient être intégrés. On peut évidemment travailler au quotidien sur des filières qui permettraient de réduire les prix.”
La circulaire aux préfets dont vous parlez s’applique-t-elle aussi ici ?
“C’est d’une manière générale l’instruction qui est donnée aux préfets et aux hauts-commissaires. Il faut mettre le paquet, avec les outils qui sont ceux de l’État ou dans la coopération avec les gouvernements polynésiens et calédoniens, pour examiner tous les dispositifs qui peuvent être utilisés selon les compétences pour faire baisser les prix.”
Sur ce sujet, il y a un domaine en particulier qui pourrait être engagé, c’est celui du prix de l’énergie. Un groupe de travail a été formé pour travailler à la proposition de Moerani Frébault qui consiste à intégrer la Polynésie française à la péréquation nationale sur l’électricité. Avez-vous déjà des pistes ?
(Le haut-commissaire prend la parole) “Il y a effectivement une possibilité de l’intégrer. Le sénateur Teva Rohfritsch en a fait un dossier prioritaire. Cela aurait un coût estimé environ à 80 millions d’euros, soit à peu près 9 milliards de francs. Les travaux sont effectivement en cours.” (Manuel Valls reprend la parole) “Pour le moment, il n’y a pas de conclusion. Ce sont des sujets à faire passer en loi de finances qu’il faut regarder à l’aune des problématiques financières et budgétaires qui sont posées. Il faut travailler dessus, avec la difficulté, dans des régimes d’autonomie, que ces sujets sont de la compétence du Pays. Il faut toujours regarder quelle est la limite de la reprise en main d’un certain nombre de dossiers par l’État. Mais comme l’État intervient dans des domaines qui ne sont pas nécessairement de sa compétence, il y a des partenariats possibles et il faut attendre les conclusions de ce groupe de travail.”
Puisque vous évoquez la loi de finances 2026, on sait que cette dernière sera resserrée et très débattue. Le député guadeloupéen Christian Baptiste a fustigé une “coupe brutale” de 200 millions d’euros sur le volet outre-mer. Qu’en est-il ?
“Nous sommes en phase de préparation du budget, ce qui rend complètement absurde ce genre d’affirmation. La construction de la loi de finances 2026 va être très difficile. Sur le plan politique, je n’ai pas besoin d’y revenir. Il n’y a qu’à voir les réactions aux propos du Premier ministre la semaine dernière et la menace de censure. L’équation budgétaire, qui prend en compte la dette et le déficit public et qui force à faire 45 milliards d’euros d’économies, rend difficile l’exercice et va peser sur tous les ministères. La mission Outre-mer est autour de 5 milliards d’euros alors que sur l’ensemble des autres missions, les actions vers les outre-mer doivent représenter 25 milliards. Le problème n’est pas au niveau du ministère des Outre-mer seulement, où il y a beaucoup de défiscalisations et d’aides aux entreprises, mais c’est sur l’ensemble du budget. Nous sommes en négociation avec la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, et avec le cabinet du Premier ministre. Chacun devra participer à l’effort, mais pour moi, il y a des priorités comme les moyens de venir en aide en cas de coups durs, comme les cyclones. Il faut être capable d’intervenir grâce à un fond le plus rapidement possible. Il faut préserver le plan Sargasse, le plan chlordécone, les abris de survie. Ce qui contribue à l’action concrète, quotidienne, de l’État, pour des sommes qui restent maîtrisables. Les outre-mer sont une priorité à partir du moment où c’est un ministère d’État et je serai attentif à cette situation contre tout ce qui mettrait en cause ces politiques publiques. Après, que l’on regarde l’efficacité de ces politiques publiques, c’est normal.”
Certains maires vous attendaient avec une liste de demandes. Vous allez devoir leur expliquer cette donne financière ?
“Tout le monde devra s’adapter. Après, peut-être que c’est aussi à l’État de s’adapter. Frédéric Riveta à Rurutu représente une commune de 2 000 habitants. Rapporté au budget de la Nation et aux autres communes de 2 000 habitants, je crois qu’on est quand même à la portée de ce que l’État peut faire. Ici, on est capable d’apporter des réponses très concrètes ou des sommes importantes, qui sont à la portée de ce que l’action publique est capable de mettre en œuvre. Ce que l’on a vu aux Tuamotu, avec ces abris construits dans des équipements qui servent toute l’année, compte. L’argent de l’État est bien dépensé et est efficace. C’est vrai aussi que tout le monde doit prendre conscience que l’État doit faire attention à sa situation politique et financière.”
Vous les avez redirigés vers l’Agence française de développement ? C’est un mal polynésien que de venir demander de l’aide de financement à l’État alors qu’il existe d’autres portes ?
“J’en discutais avec les maires hier soir (lundi, NDLR). Que ce soit le programme France 2030, l’AFD, l’État… Les maires peuvent utiliser l’ensemble des moyens qui existent.”
Parlant des accords de Bougival hier, vous avez dit que le droit à l’autodétermination était un droit garanti au niveau international. Pourquoi ce droit est-il appliqué par l’État à la Nouvelle-Calédonie et pas à la Polynésie française ?
“C’est un choix fait par l’État depuis longtemps, considérant que la situation de la Nouvelle-Calédonie était très particulière. C’est une colonie de peuplement. Il y a eu les accords de 1988, des discussions avec les Nations unies. C’est un choix fait par mes prédécesseurs. C’est un débat qui est prégnant en Nouvelle-Calédonie. Je suis ouvert à toutes discussions par principe. Des initiatives ont été prises auprès d’un certain nombre d’instances internationales comme le C24, ce qui ne facilite pas le dialogue. Ici, le choix a été fait de porter le débat au niveau onusien. Bon, si c’est porté à ce niveau-là, la position de la France est ce qu’elle est. Cependant, cela ne nous empêche pas désormais de participer au C24 et de répondre aux questions des autres pays membres qui composent ce C24.”
Vous avez fréquemment expliqué qu’il fallait refonder le lien entre la France et ses collectivités d’outre-mer. Cette refondation doit passer par des travaux avec chaque collectivité ou alors faut-il changer le système plus globalement ?
“Je crois que c’est un débat qui doit avoir lieu, peut-être à l’occasion de la présidentielle 2027, ou aux territoriales 2028. Il faut d’abord qu’il soit posé sur la table. L’indépendance n’était pas le débat central de la dernière élection pour l’assemblée de la Polynésie. Toutes les initiatives institutionnelles et constitutionnelles sont à l’initiative du président de la République. Je pense que dans le monde tel qu’il est, des évolutions sont toujours possibles, mais mon sentiment est qu’ici, nous sommes à un niveau d’équilibre qui est intéressant entre ce que fait le gouvernement de la Polynésie française dans ses compétences et le rôle de l’État dans ses missions régaliennes, mais pas seulement. L’État intervient auprès des communes, aide au financement des futurs Jeux du Pacifique et bien d’autres sujets plus importants encore. Il y a un point d’équilibre. Faut-il aller plus loin, et comment ? Ce qui m’apparait intéressant dans la Polynésie, c’est qu’elle agit et se déploie dans cette grande région du Pacifique. C’est un grand avantage pour la Polynésie, et d’une certaine manière pour l’État. Dans le monde, face aux grandes puissances qui agissent, le partenariat de la France avec ses territoires peut être amené à évoluer, mais je suis convaincu que ce partenariat sera toujours nécessaire. Sous quelle forme ? Je suis incapable de vous le dire aujourd’hui. C’est aux dirigeants français d’avancer sur cette question, mais aux Polynésiens aussi. Le statut d’autonomie peut-il évoluer ? Est-il satisfaisant ? Peut-on améliorer les choses ? On peut y travailler. Faut-il une autre forme de relation ? Oui, et j’ai eu l’occasion de le dire dès le premier jour et cela passe par le fait que la France considère que la Polynésie est une chance pour elle.”
Dernière question sur le fait nucléaire peut-être ?
“Sur le nucléaire, le ministre de la Santé va venir cet automne. J’espère aussi revenir assez vite de nouveau. Il y a les initiatives de l’État d’aller vers la population. Il y a des discussions en cours avec la CPS sur le niveau d’indemnisation (70 000 euros évoqués par dossier de personne malade de cancer radio-induit, remboursés par la CPS, NDLR), qu’il va falloir faire sur des bases scientifiques. Je vois bien le débat politique qui existe sur ce sujet. Il y a eu un basculement dans l’histoire moderne de la Polynésie en 1966. La fin des essais nucléaires a été un autre basculement. Le président de la République, Emmanuel Macron, a pris un certain nombre d’engagements. La plupart sont mis en œuvre. Il y a encore du travail à faire avec de la sérénité. Le terrain du centre de mémoire a été restitué il y a cinq ans à la Polynésie, c’est aujourd’hui au gouvernement de travailler à le construire. Les promesses sont tenues. Le RSMA à Hao, c’est tenu ; le terrain du centre de mémoire, c’est tenu ; la déclassification des archives, c’est tenu ; la dépollution, c’est tenu. Tous les engagements sont tenus. Reste à travailler au remboursement des sommes engagées par la CPS.”
Reste les conclusions du rapport parlementaire délivré récemment. La modification de la loi Morin, le maintien du millisievert…
“Tout ça fait, ce sont des dossiers qui sont en cours.”
Propos recueillis par Bertrand Prévost
Depuis votre nomination, vous avez eu à gérer des problématiques importantes en outre-mer à Mayotte, La Réunion ou encore la Nouvelle-Calédonie. Lorsque vous venez en Polynésie, n’avez-vous pas l’impression de visiter une collectivité en meilleure santé que le reste ?
“C’est toujours difficile de se risquer à des comparaisons. J’ai été nommé pour faire face à des urgences, mais il y a des dossiers qui touchent, sous des formes différentes, et en fonction des statuts, les collectivités. Je pense notamment à la vie chère ou la lutte contre les narcotrafics. C’est vrai que la Polynésie, en comparaison avec la situation dans laquelle se trouvent en général les territoires ultramarins, va bien… va mieux. Elle regarde l’avenir avec plus d’optimisme, même si je ne veux pas sous-estimer les défis et les problèmes qu’elle connaît. Il y a une forme d’apaisement que je ressens moins par rapport aux autres territoires que par rapport à l’Hexagone. Il y a une manière d’aborder les sujets, d’affronter les grands défis, comme la montée des océans et le changement climatique, qui est intéressante.”
La proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en outre-mer devrait être étudiée prochainement en conseil des ministres à Paris. Étant donné le statut d’autonomie, il y a assez peu de volets de cette proposition qui pourront intéresser la Polynésie française. Comment l’État peut-il venir en aide pour faire aussi baisser les prix au Fenua ?
“Le projet de loi passe en conseil des ministres la semaine prochaine. Il devrait être débattu cet automne au Sénat et à l’Assemblée nationale. J’ai déjà signé une circulaire pour les préfets et signé trois décrets qui vont renforcer le contrôle des prix, la transparence et favoriser la concurrence. C’est quand même autour de la concurrence que cela se joue, face à des grands groupes souvent monopolistiques qui font que la vie est chère. Oui, les statuts sont différents, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. C’est en renforçant les pouvoirs des Autorités de la concurrence, qu’elles soient sous régime du Pays ou de l’État, que nous pourrons avancer. C’est en mettant aussi l’accent sur l’autonomie alimentaire. Les territoires ont besoin de projets économiques forts dans leur environnement régional. De ce point de vue, la Polynésie ouvre le chemin. Enfin, nous verrons avec les cinq parlementaires polynésiens comment, avec le Pays, à l’occasion de cette loi, avec des amendements, il y a des éléments qui pourraient être intégrés. On peut évidemment travailler au quotidien sur des filières qui permettraient de réduire les prix.”
La circulaire aux préfets dont vous parlez s’applique-t-elle aussi ici ?
“C’est d’une manière générale l’instruction qui est donnée aux préfets et aux hauts-commissaires. Il faut mettre le paquet, avec les outils qui sont ceux de l’État ou dans la coopération avec les gouvernements polynésiens et calédoniens, pour examiner tous les dispositifs qui peuvent être utilisés selon les compétences pour faire baisser les prix.”
Sur ce sujet, il y a un domaine en particulier qui pourrait être engagé, c’est celui du prix de l’énergie. Un groupe de travail a été formé pour travailler à la proposition de Moerani Frébault qui consiste à intégrer la Polynésie française à la péréquation nationale sur l’électricité. Avez-vous déjà des pistes ?
(Le haut-commissaire prend la parole) “Il y a effectivement une possibilité de l’intégrer. Le sénateur Teva Rohfritsch en a fait un dossier prioritaire. Cela aurait un coût estimé environ à 80 millions d’euros, soit à peu près 9 milliards de francs. Les travaux sont effectivement en cours.” (Manuel Valls reprend la parole) “Pour le moment, il n’y a pas de conclusion. Ce sont des sujets à faire passer en loi de finances qu’il faut regarder à l’aune des problématiques financières et budgétaires qui sont posées. Il faut travailler dessus, avec la difficulté, dans des régimes d’autonomie, que ces sujets sont de la compétence du Pays. Il faut toujours regarder quelle est la limite de la reprise en main d’un certain nombre de dossiers par l’État. Mais comme l’État intervient dans des domaines qui ne sont pas nécessairement de sa compétence, il y a des partenariats possibles et il faut attendre les conclusions de ce groupe de travail.”
Puisque vous évoquez la loi de finances 2026, on sait que cette dernière sera resserrée et très débattue. Le député guadeloupéen Christian Baptiste a fustigé une “coupe brutale” de 200 millions d’euros sur le volet outre-mer. Qu’en est-il ?
“Nous sommes en phase de préparation du budget, ce qui rend complètement absurde ce genre d’affirmation. La construction de la loi de finances 2026 va être très difficile. Sur le plan politique, je n’ai pas besoin d’y revenir. Il n’y a qu’à voir les réactions aux propos du Premier ministre la semaine dernière et la menace de censure. L’équation budgétaire, qui prend en compte la dette et le déficit public et qui force à faire 45 milliards d’euros d’économies, rend difficile l’exercice et va peser sur tous les ministères. La mission Outre-mer est autour de 5 milliards d’euros alors que sur l’ensemble des autres missions, les actions vers les outre-mer doivent représenter 25 milliards. Le problème n’est pas au niveau du ministère des Outre-mer seulement, où il y a beaucoup de défiscalisations et d’aides aux entreprises, mais c’est sur l’ensemble du budget. Nous sommes en négociation avec la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, et avec le cabinet du Premier ministre. Chacun devra participer à l’effort, mais pour moi, il y a des priorités comme les moyens de venir en aide en cas de coups durs, comme les cyclones. Il faut être capable d’intervenir grâce à un fond le plus rapidement possible. Il faut préserver le plan Sargasse, le plan chlordécone, les abris de survie. Ce qui contribue à l’action concrète, quotidienne, de l’État, pour des sommes qui restent maîtrisables. Les outre-mer sont une priorité à partir du moment où c’est un ministère d’État et je serai attentif à cette situation contre tout ce qui mettrait en cause ces politiques publiques. Après, que l’on regarde l’efficacité de ces politiques publiques, c’est normal.”
Certains maires vous attendaient avec une liste de demandes. Vous allez devoir leur expliquer cette donne financière ?
“Tout le monde devra s’adapter. Après, peut-être que c’est aussi à l’État de s’adapter. Frédéric Riveta à Rurutu représente une commune de 2 000 habitants. Rapporté au budget de la Nation et aux autres communes de 2 000 habitants, je crois qu’on est quand même à la portée de ce que l’État peut faire. Ici, on est capable d’apporter des réponses très concrètes ou des sommes importantes, qui sont à la portée de ce que l’action publique est capable de mettre en œuvre. Ce que l’on a vu aux Tuamotu, avec ces abris construits dans des équipements qui servent toute l’année, compte. L’argent de l’État est bien dépensé et est efficace. C’est vrai aussi que tout le monde doit prendre conscience que l’État doit faire attention à sa situation politique et financière.”
Vous les avez redirigés vers l’Agence française de développement ? C’est un mal polynésien que de venir demander de l’aide de financement à l’État alors qu’il existe d’autres portes ?
“J’en discutais avec les maires hier soir (lundi, NDLR). Que ce soit le programme France 2030, l’AFD, l’État… Les maires peuvent utiliser l’ensemble des moyens qui existent.”
Parlant des accords de Bougival hier, vous avez dit que le droit à l’autodétermination était un droit garanti au niveau international. Pourquoi ce droit est-il appliqué par l’État à la Nouvelle-Calédonie et pas à la Polynésie française ?
“C’est un choix fait par l’État depuis longtemps, considérant que la situation de la Nouvelle-Calédonie était très particulière. C’est une colonie de peuplement. Il y a eu les accords de 1988, des discussions avec les Nations unies. C’est un choix fait par mes prédécesseurs. C’est un débat qui est prégnant en Nouvelle-Calédonie. Je suis ouvert à toutes discussions par principe. Des initiatives ont été prises auprès d’un certain nombre d’instances internationales comme le C24, ce qui ne facilite pas le dialogue. Ici, le choix a été fait de porter le débat au niveau onusien. Bon, si c’est porté à ce niveau-là, la position de la France est ce qu’elle est. Cependant, cela ne nous empêche pas désormais de participer au C24 et de répondre aux questions des autres pays membres qui composent ce C24.”
Vous avez fréquemment expliqué qu’il fallait refonder le lien entre la France et ses collectivités d’outre-mer. Cette refondation doit passer par des travaux avec chaque collectivité ou alors faut-il changer le système plus globalement ?
“Je crois que c’est un débat qui doit avoir lieu, peut-être à l’occasion de la présidentielle 2027, ou aux territoriales 2028. Il faut d’abord qu’il soit posé sur la table. L’indépendance n’était pas le débat central de la dernière élection pour l’assemblée de la Polynésie. Toutes les initiatives institutionnelles et constitutionnelles sont à l’initiative du président de la République. Je pense que dans le monde tel qu’il est, des évolutions sont toujours possibles, mais mon sentiment est qu’ici, nous sommes à un niveau d’équilibre qui est intéressant entre ce que fait le gouvernement de la Polynésie française dans ses compétences et le rôle de l’État dans ses missions régaliennes, mais pas seulement. L’État intervient auprès des communes, aide au financement des futurs Jeux du Pacifique et bien d’autres sujets plus importants encore. Il y a un point d’équilibre. Faut-il aller plus loin, et comment ? Ce qui m’apparait intéressant dans la Polynésie, c’est qu’elle agit et se déploie dans cette grande région du Pacifique. C’est un grand avantage pour la Polynésie, et d’une certaine manière pour l’État. Dans le monde, face aux grandes puissances qui agissent, le partenariat de la France avec ses territoires peut être amené à évoluer, mais je suis convaincu que ce partenariat sera toujours nécessaire. Sous quelle forme ? Je suis incapable de vous le dire aujourd’hui. C’est aux dirigeants français d’avancer sur cette question, mais aux Polynésiens aussi. Le statut d’autonomie peut-il évoluer ? Est-il satisfaisant ? Peut-on améliorer les choses ? On peut y travailler. Faut-il une autre forme de relation ? Oui, et j’ai eu l’occasion de le dire dès le premier jour et cela passe par le fait que la France considère que la Polynésie est une chance pour elle.”
Dernière question sur le fait nucléaire peut-être ?
“Sur le nucléaire, le ministre de la Santé va venir cet automne. J’espère aussi revenir assez vite de nouveau. Il y a les initiatives de l’État d’aller vers la population. Il y a des discussions en cours avec la CPS sur le niveau d’indemnisation (70 000 euros évoqués par dossier de personne malade de cancer radio-induit, remboursés par la CPS, NDLR), qu’il va falloir faire sur des bases scientifiques. Je vois bien le débat politique qui existe sur ce sujet. Il y a eu un basculement dans l’histoire moderne de la Polynésie en 1966. La fin des essais nucléaires a été un autre basculement. Le président de la République, Emmanuel Macron, a pris un certain nombre d’engagements. La plupart sont mis en œuvre. Il y a encore du travail à faire avec de la sérénité. Le terrain du centre de mémoire a été restitué il y a cinq ans à la Polynésie, c’est aujourd’hui au gouvernement de travailler à le construire. Les promesses sont tenues. Le RSMA à Hao, c’est tenu ; le terrain du centre de mémoire, c’est tenu ; la déclassification des archives, c’est tenu ; la dépollution, c’est tenu. Tous les engagements sont tenus. Reste à travailler au remboursement des sommes engagées par la CPS.”
Reste les conclusions du rapport parlementaire délivré récemment. La modification de la loi Morin, le maintien du millisievert…
“Tout ça fait, ce sont des dossiers qui sont en cours.”
Propos recueillis par Bertrand Prévost





































