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La France devient le premier pays au monde à inscrire l'IVG dans sa Constitution


Bertrand GUAY / AFP
Bertrand GUAY / AFP
Versailles, France | AFP | lundi 04/03/2024 - Un vote pour l'Histoire: la France est devenue lundi le premier pays au monde à inscrire explicitement dans sa Constitution l'interruption volontaire de grossesse (IVG), après une approbation très large du Parlement réuni en Congrès au Château de Versailles, saluée par une longue ovation.

Sous un tonnerre d'applaudissements, la résidence des rois de France et son gigantesque hémicycle ont vibré au moment où députés et sénateurs ont parachevé l'examen de cette révision constitutionnelle historique, fruit d'une bataille politique et féministe engagée de longue date.

Le consensus a été massif, avec un vote favorable de 780 parlementaires, contre seulement 72 voix opposées. La majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, requise pour modifier le texte suprême, a ainsi été atteinte sans difficulté et le sceau du Congrès a été apposé sur le texte dans une salle voisine. 

"La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse". Introduite à l'article 34 de la Constitution, cette phrase fait de la France une pionnière dans le monde avec une référence aussi claire à l'IVG dans son texte fondamental, à rebours de plusieurs pays où le droit à l'avortement recule, aux Etats-Unis comme en Europe de l'Est.

"Fierté française, message universel", a écrit sur X Emmanuel Macron, invitant les Français à une cérémonie de scellement de la Constitution "ouverte au public" le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

Le Premier ministre Gabriel Attal a salué "une étape qui restera dans l'Histoire", estimant que la liberté d'avorter "reste en danger". "La France est fidèle à son héritage (...) patrie des droits de l'homme et aussi et surtout les droits de la femme".

"Moment magique" 

L'annonce des résultats du vote par la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, première femme à présider le Congrès, a causé une explosion de joie sur les fauteuils rouge vif de l'hémicycle et sur la place du Trocadéro à Paris, où plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées pour visionner les débats sur écran géant, sous une Tour Eiffel scintillante. Plusieurs députés et invités ont entonné l'hymne des femmes dans l'hémicycle.

Signe de la dimension planétaire de ce vote, le Vatican s'est fendu d'une vive réaction, arguant qu'il "ne peut y avoir de +droit+ à supprimer une vie humaine".

L'émotion a été au rendez-vous au château de Versailles, plusieurs parlementaires confiant leur exaltation devant ce moment rare dans une vie d'élu, au cinquantenaire du vote de la loi Veil ayant légalisé l'avortement en France en 1974.

La ministre déléguée à l'Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, est notamment arrivée au bras de sa mère, qui avait avorté clandestinement.

Si la gauche a réservé ses prises de parole uniquement à des oratrices au Congrès, les groupes Renaissance et Les Républicains ont eux choisi quatre hommes pour résumer les positions de leurs groupes.

"Ce combat-là rentre dans la grande histoire, c'est très rare", a salué la cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot, à l'initiative de cette révision à l'Assemblée. Elle a reconnu vivre un "moment un peu magique", arborant une tenue verte, couleur de ralliement des militantes pro-avortement en Amérique latine.  

"Nous continuerons pour celles qui résistent à Trump, Bolsonaro, Orbán, Milei, Poutine, Giorgia Meloni", a prolongé la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, recevant à plusieurs reprises une standing ovation du Congrès, sous les yeux d'une trentaine de journalistes étrangers sur quelque 150 accrédités.

Consensus 

Emmanuel Macron avait fait de cette réforme l'une des promesses phares du volet sociétal de sa politique ces derniers mois, embrassant les différentes initiatives parlementaires de la gauche, soutenue par la majorité.

La formulation de "liberté garantie" à l'IVG est l'aboutissement de longs débats au Parlement et particulièrement au Sénat, où le président Gérard Larcher et une partie de la droite étaient réticents.

Le chef des députés LR Olivier Marleix a pointé le "risque" de créer "un droit absolu". Mais "nous devons (ce vote) à la liberté des femmes", a-t-il concédé, reconnaissant les "menaces" planant sur l'avortement dans le monde.

Plus offensive, Marine Le Pen a raillé "un jour à la gloire d'Emmanuel Macron", avant que sa collègue du Rassemblement national Hélène Laporte n'estime que "la liberté que nous consacrons aujourd'hui ne sera jamais qu'une demi-liberté".

Dans une journée globalement consensuelle, plusieurs responsables insoumis et écologistes ont néanmoins accusé M. Attal "d'invisibiliser" les initiatives de plusieurs femmes de gauche.

Les opposants à l'IVG ont de leur côté manifesté à Versailles dans l'après-midi, ralliant plus de 500 personnes appelant à "protéger la vie".

A l'opposé, la présidente nationale du Planning familial, Sarah Durocher, a salué un "jour historique" mais alerté sur la nécessité d'ouvrir le chantier des moyens pour "l'accès à l'avortement".

le Lundi 4 Mars 2024 à 08:31 | Lu 1387 fois