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La Cour des comptes critique le dispositif en faveur des génériques "poussif et coûteux"


PARIS, 17 septembre 2014 (AFP) - Levier majeur pour réduire les dépenses de santé, la diffusion des médicaments génériques reste toutefois "poussive" selon la Cour des comptes, qui suggère d'impliquer davantage les médecins et de revoir les incitations financières "extrêmement coûteuses" versées aux pharmaciens.

En dix ans, le nombre des boîtes de génériques a été multiplié par trois avec un peu plus d'une boîte de génériques sur quatre boîtes de médicaments vendues en 2012 (689 millions) contre une sur dix en 2002. Le taux de substitution d'un médicament original par son générique a augmenté de 35 à 82% entre 1992 et 2012. Mais malgré cette progression, la France reste à la traîne de ses voisins européens.

Le gouvernement souhaite que les génériques représentent un quart du marché français en 2017, et mise sur 3,5 milliards d'économies d'ici la fin du quinquennat en les encourageant et en baissant les prix des médicaments.

Mais "une nouvelle approche s'impose". "Il faut aller plus loin, plus fort dans la distribution des génériques, il faut davantage responsabiliser les médecins et davantage sensibiliser les patients", a estimé Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes.

La France pourrait ainsi économiser beaucoup plus. Dans son rapport annuel présenté mercredi, elle souligne que le choix d'un "dispositif uniquement incitatif" centré autour du pharmacien se révèle aujourd'hui d'une "efficacité limitée et extrêmement coûteux".

En effet, sur deux euros d'économies potentielles, un euro est versé aux pharmaciens.

Au titre des incitations financières mises en place pour développer le générique, les pharmaciens ont bénéficié d'environ 1,7 milliard d'euros en 2013, soit un montant du même ordre que les économies nettes calculées par l'Assurance maladie la même année (1,6 milliard d'euros). Entre 2007 et 2012, ces incitations ont coûté 5,9 milliards.

La Cour des comptes critique également le périmètre "trop limité" du répertoire qui recense les groupes génériques pouvant être proposés par les pharmaciens au patient en remplacement d'un médicament princeps.

La Cour suggère "d'élargir significativement" la liste des médicaments substituables.

Le "rôle marginal" joué par les médecins est aussi critiqué.

"Les prescriptions s'orientent vers les produits plus récents, donc plus chers, toujours sous brevet, sans souvent qu'ils apportent une amélioration du service médical par rapport à des molécules substituables", regrette la Cour des comptes.

Les médecins perçoivent eux aussi une rémunération supplémentaire (75 millions d'euros en 2013) s'ils atteignent les objectifs de prescription de génériques pour cinq grandes classes thérapeutiques. Mais cette rémunération supplémentaire ne constitue "qu'un bonus" et n'est pas modulée ou diminuée en cas de non respect des objectifs.

- Environ 2 milliards d'économies à faire -

La Cour des comptes préconise donc de dynamiser la politique des génériques. Selon elle, deux milliards d'euros d'économies sont à la clé.

Il faut en premier lieu prescrire plus de médicaments substituables, et pour ce faire, mobiliser les médecins. Reprenant une analyse de l'Assurance maladie, la Cour des comptes estime qu'à l'échelle de quelques années, le montant de la dépense remboursée pourrait ainsi diminuer de 1,125 milliard par an.

La Cour se tourne donc vers les praticiens et propose d'élargir leurs objectifs et d'introduire des taux de prescriptions comportant non pas le nom de marque du médicament mais le nom de la molécule. Cette désignation, selon l'institution, permet de sécuriser les prescriptions et facilite l'utilisation des médicaments génériques.

La Cour des comptes propose aussi de baisser le montant de la rémunération si ces objectifs ne sont pas atteints.

Du côté des pharmaciens, il faut redéfinir les modalités de la rémunération en baissant progressivement les incitations en faveur des génériques, pour aller vers une rémunération davantage forfaitaire, moins dépendante du volume des ventes.

Troisième levier: une politique des prix "plus rigoureuse".

"Des accords prix/volume pourraient être conclus avec les fabricants de génériques car l'augmentation des volumes vendus devrait permettre de rendre supportables, à terme, des baisses de prix plus fortes, une fois atteint un certain développement du marché, à l'instar de ce qui a été pratiqué en Allemagne", explique notamment la Cour.

Rédigé par () le Mercredi 17 Septembre 2014 à 06:14 | Lu 219 fois