Tahiti Infos

La CPS dans la tourmente : Yves Laugrost et Régis Chang s'expliquent


Régis Chang, le directeur général de la CPS et Yves Laugrost, le président du conseil d'administration ont le même objectif : sauvegarder la protection sociale généralisée.
Régis Chang, le directeur général de la CPS et Yves Laugrost, le président du conseil d'administration ont le même objectif : sauvegarder la protection sociale généralisée.
PAPEETE, le 23 mars 2015. Les critiques fusent de toutes parts à l'encontre des instances dirigeantes de la CPS, visant aussi bien le directeur général Régis Chang dont le départ est demandé par certains, qu'à l'égard du nouveau président du conseil d'administration Yves Laugrost. Interview croisée.


Comment vivez-vous toutes ces critiques qui explosent soudainement ?

Yves Laugrost : Au départ, c'était lié à l'arrivée de la ministre des Outre-mer et à la convention du financement du RSPF.

Est-ce que ce conflit social est également politique ?

Yves Laugrost : par rapport à la venue de la ministre des Outre-mer c'était pour marquer la désapprobation vis-à-vis de la convention sur le retour du financement du RSPF par l'Etat, il fallait que la ministre soit un témoin. Maintenant, les salariés de la CPS et les organisations syndicales qui sont derrière ça, je ne pense pas qu'ils aient des enjeux politiques.
Nous, on a déjà rappelé que la convention collective des agents de la CPS ne relève pas de la convention sur le financement du RSPF, elle relève uniquement du conseil d'administration de la CPS qui en débattra le moment venu. D'autant plus que le protocole d'accord signé le 8 mars dernier dit qu'il n'y aura pas de dénonciation arbitraire.

Que dites-vous sur la position du directeur et sur les attaques qui lui sont faites ?

Yves Laugrost : l'enjeu n'est pas sur la position du directeur. L'enjeu est sur la réforme de la PSG (protection sociale généralisée). Aujourd'hui on a un trou de plus de 6 milliards et c'est ça qu'on doit gérer plutôt que des affaires de personnes.

Régis Chang : Je l'ai dit au personnel à plusieurs reprises, le plus important pour moi c'est la réforme de la PSG. Si on n'arrive pas à trouver des solutions pour la PSG, il y aura des conséquences : il va falloir soit relever les cotisations, soit restreindre les prestations donc il y aura un impact sur la vie économique en Polynésie, et les premiers emplois concernés seront en priorité les emplois de la CPS.

Yves Laugrost : effectivement les enjeux sont sur la sauvegarde de la PSG. Ça fait six ans que je travaille avec Régis Chang sur ces sujets : il a vite compris les propositions qu'il fallait faire, pour avancer, faire des simulations, choses que l'on n'avait pas forcément avant, d'où la confiance que je lui porte à titre personnel.

Pourquoi ces critiques sur votre management maintenant, M. Chang, alors que vous êtes en poste depuis six ans ?

Régis Chang : Ce qui a fait déborder le vase ce sont les deux mesures souhaitées en interne : la mise d'office à la retraite des salariés de la CPS qui atteignent 60 ans et 35 années de cotisation, comme le dit le code du travail, ou bien à 65 ans, et la négociation du voyage administratif. Ces mesures étaient souhaitées par le gouvernement et ont fait l'objet de débat en conseil d'administration. Aujourd'hui, je suis celui qui exécute ces décisions et on m'en rend responsable, mais on se trompe de cible.

Yves Laugrost : le départ à la retraite en application du code du travail pour les agents de la CPS, c'est une décision majoritaire du conseil d'administration d'avril 2014. Les employeurs ont tous voté pour, il y avait cinq centrales syndicales autour de la table : une qui s'est opposée, la CSIP ; une qui s'est abstenue O Oe To Oe Rima et trois autres qui ont voté pour. Le directeur n'a fait qu'exécuter une décision du conseil d'administration. Sur la convention collective, c'est le gouvernement qui a demandé à l'administrateur provisoire de voir comment on pouvait renégocier l'accord collectif de l'entreprise sur le voyage administratif.

Régis Chang : il y a eu des tentatives de discussion et elles n'ont pas abouties. Aujourd'hui la convention collective de la CPS est maintenue. L'incompréhension des salariés de la CPS vient du fait qu'on demande à une entreprise privée de faire les mêmes efforts que ceux faits par les services du Pays, alors que nous ne sommes pas une administration. J'essaie de leur expliquer qu'on a une mission de service public, que le Pays -étant la tutelle de la CPS- et ayant mis en œuvre tellement d'efforts demandés à nos ressortissants, comment pourrions-nous expliquer être en dehors de ces efforts ?

La convention collective à la CPS sera néanmoins revue ?

Régis Chang : oui, mais encore une fois ce n'est pas de ma compétence. Elle dépend du conseil d'administration. En même temps, pendant un an on n'a pas eu de conseil d'administration, le ministère de tutelle depuis septembre dernier n'est pas encore totalement en place, on ajoute à cela les décisions internes sur la mise à la retraite d'office et des menaces sur les voyages administratifs, on avait tous les ingrédients pour que cela devienne conflictuel.

Dans l'attente d'un courrier du gouvernement

Ce lundi après-midi, direction et syndicats se sont réunis au siège de la CPS à partir de 14 heures en vue de tenter de désamorcer la grève prévue pour ce mardi. C'est déjà le 2e mouvement social généré à la CPS en moins de trois semaines. Les syndicats reprochent à la direction de ne pas encore avoir mis en application le protocole d'accord signé le 8 mars dernier et réclament aussi le vote d'un budget administratif (ce qui sera fait au prochain conseil d'administration du 10 avril prochain).

A 18 heures, ce lundi les négociations ont été suspendues sur l'exigence des syndicats d'avoir en mains un courrier du gouvernement polynésien certifiant le retrait d'une renégociation de l'accord collectif d'entreprise de la CPS en lien avec la convention du retour de l'Etat au financement du RSPF. Les syndicats réclament un écrit du gouvernement sur ce point très sensible. La menace de grève, prévue pour ce mardi, est donc pour l'heure suspendue à ce courrier.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 23 Mars 2015 à 17:59 | Lu 3166 fois