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"L'épidémie de Zika n'est pas terminée", prévient un spécialiste brésilien


Rio de Janeiro, Brésil | AFP | mercredi 25/07/2018 - Même si on en parle beaucoup moins dans les médias, l'épidémie de zika n'est pas terminée au Brésil, et son contrôle pourrait être affecté par les coupes budgétaires, déplore Gustavo Correa Matta, spécialiste de la prestigieuse Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz).

Responsable du réseau "Zika sciences sociales", ce chercheur organise cette semaine à Rio de Janeiro un événement réunissant les principaux spécialistes du virus au Brésil ainsi que des familles d'enfants atteints de microcéphalie, une malformation du cerveau et de la boîte cranienne. 
L'objectif est de tirer des leçons de cette épidémie apparue pour la première fois en Ouganda en 1947 et apparue au Brésil en 2015 et de trouver des solutions pour éviter que la maladie de répande à nouveau à grande échelle.
Le virus zika est notamment transmis par le moustique Aedes aegypti, également vecteur de la dengue et du chikungunya. Au Brésil, l'épidémie avait entraîné une vague de naissances de bébés microcéphales.
D'après le ministère de la Santé, il s'agit d'un des facteurs qui explique la hausse de la mortalité infantile en 2016, à 14 pour mille naissances, contre 13,3 en 2015.
Dans un entretien à l'AFP, Gustavo Correa Matta évoque l'évolution de l'épidémie et les risques qui persistent.
 
Q: Le virus zika suscite-t-il toujours autant de préoccupation au Brésil?
R: "En chiffres absolus, il a reculé et aujourd'hui, peu de cas sont recensés. Le sujet a par conséquent pratiquement disparu dans la presse et n'est plus une priorité politique. Mais en termes symboliques, l'épidémie de zika n'est pas terminée. Son impact persiste et il nous manque des réponses à de nombreuses questions scientifiques".
 
Q: Quels aspects sont encore à éclaircir?
R: "Par exemple, la façon dont le virus zika est transmis. Le moustique Aedes aegypti est le principal vecteur, mais nous avons la preuve que la maladie est aussi sexuellement transmissible. Pour ces cas, nous ne savons pas exactement quelle est la charge virale, la quantité de virus transmise. Il reste également des questions sans réponse en ce qui concerne la transmission par le placenta. Pourquoi les cas de microcéphalie ont été plus sévères dans la région nord-est que dans d'autres régions du Brésil". 
 
Q: Y a-t-il un risque de nouvelle épidémie de zika au Brésil?
R: "Nous n'avons pas de registres sur le long terme au sujet du zika, comme c'est le cas pour la dengue, par exemple. Nous ne connaissons pas la résistance immunologique de la population et nous ne savons pas non plus si une personne infectée une première fois peut l'être à nouveau. Beaucoup d'études épidémiologiques montrent que dans trois ou quatre ans, une nouvelle épidémie pourrait toucher le Brésil, peut être en moins de temps. 
En analysant la dengue, sur laquelle nous disposons de recherches depuis 30 ans, nous observons que c'est une maladie cyclique, avec de nouvelles épidémies tous les deux, trois ans. Aurons-nous une nouvelle épidémie ou non? Quelle sera son ampleur? Y aura-t-il de nouveaux cas de microcéphalies? Beaucoup de questions sont sans réponse". 
 
Q: Le Brésil est prêt à faire face à une éventuelle nouvelle épidémie? 
R: "Nous sommes affectés par les coupes du budget alloué à la recherche scientifique et aux politiques publiques de santé, auxquelles s'ajoutent les problèmes de traitement des eaux, de prévention et de formation des personnels de santé pour l'identification précoce de la maladie. Aujourd'hui, nous ne serions pas prêts, nous avons besoin de plus de moyens".
 
Q: Quelles sont les priorités?
R: "À la base, il faudrait un bon test de diagnostic et nous ne disposons de rien de fiable pour le moment. Quand on sait que les symptômes n'apparaissent que dans un cas de zika sur cinq, nous n'avons pas les moyens de savoir si une personne a été atteinte il y a longtemps ou non. Et nous sommes encore très loin de pouvoir développer un vaccin".
 
Q: Quelle est la situation actuelle des familles avec des enfants microcéphales au Brésil?  
"Il est difficile de suivre les enfants atteints de microcéphalie. Les deux tiers d'entre eux n'ont pas accès à des soins spécialisés. Nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour fournir l'assistance nécessaire à ces familles ni pour faire des recherches".

le Mercredi 25 Juillet 2018 à 05:40 | Lu 537 fois