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L'affrontement entre Suez et Veolia monte encore d'un cran


L'affrontement entre Suez et Veolia monte encore d'un cran
Paris, France | AFP | lundi 08/02/2021 - L'affrontement entre les deux géants français de l'eau et des déchets, entamé cet été, est brusquement monté en intensité lundi, l'Autorité des marchés financiers se retrouvant en arbitre après l'annonce d'une OPA hostile de Veolia sur Suez, aussitôt suspendue par la justice.

Dimanche soir, Veolia a annoncé lancer une offre publique d'achat sans l'accord de Suez, poussant ce dernier à saisir en urgence le tribunal de commerce de Nanterre. 

Celui-ci a ordonné tôt lundi matin à Veolia de suspendre le lancement de toute OPA contre son concurrent, dans l'attente d'un débat au fond sur ses précédents engagements d'amicalité.

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a dans la foulée annoncé que le gendarme de la Bourse allait être saisi. 

"Cette offre n'est pas amicale et cela contrevient aux engagements qui ont été pris à plusieurs reprises par Veolia. Elle pose aussi des questions de transparence. Pourquoi est-ce que, subitement, cette offre a été déposée? Donc nous allons saisir l'Autorité des marchés financiers dès ce matin", a expliqué M. Le Maire sur Europe 1.

Selon l'ordonnance en référé du tribunal de commerce, consultée par l'AFP, Suez devra délivrer une assignation sur le fond à Veolia, en vue d'une première audience le 18 février. La procédure, faite d'échanges d'écritures entre les parties, pourrait prendre un à trois mois.

Mais dans le même temps, Veolia a formellement déposé lundi à 07H00 son offre auprès de l'AMF, affirmant n'avoir reçu avis de la décision de justice qu'à 7H23. "Nous l'avions déposée avant. Nous maintenons donc que notre offre est valable", a déclaré son PDG Antoine Frérot à la presse.

L'AMF a simplement indiqué pour sa part qu'elle "communiquera sur le dossier le moment venu."

"Pas sincère"

"Veolia passe en force", a déploré Franck Reinhold von Essen (CGT), secrétaire du Comité d'entreprise européen de Suez et membre de l'intersyndicale. "Dès que Frérot a vu une ouverture, il s'est engouffré dedans. C'est le Trump du capitalisme à la française. Heureusement qu'il y a en France des structures qui permettent de freiner de telles manœuvres."

Dans un marché mondial hyper concurrentiel, Veolia veut créer un "super champion français" du secteur et a lancé ouvertement son offensive fin août.

Le groupe avait déjà acheté en octobre 29,9% du capital de son grand concurrent auprès de l'énergéticien Engie. Et il a justifié dimanche sa décision de lancer une OPA sur le reste des actions par le fait que "ses tentatives répétées d'amicalité se sont toutes heurtées à l'opposition" de Suez.

Il propose 18 euros par action, sur les 70,1% de Suez restant, soit une opération de 7,9 milliards d'euros.

La direction de Suez, soutenue par les syndicats, s'oppose au projet de fusion, dont elle redoute une casse sociale et industrielle. Elle s'alarme en particulier du sort de l'activité Eau, que Veolia devra revendre pour respecter les règles de la concurrence.

Mi-janvier, Suez avait fait état d'une proposition alternative de reprise par les fonds Ardian et GIP, appelant Veolia à dialoguer.

Après des mois de guérilla judiciaire et d'échanges acerbes par médias interposés, Antoine Frérot et le directeur général de Suez Bertrand Camus se sont finalement vus vendredi, mais leurs positions semblaient peu conciliables.

"Suez n'est pas sincère quand il prétendait vouloir discuter, il ne voulait que gagner du temps (...). M. Camus non seulement a refusé de suspendre les travaux avec les deux fonds, mais il n'a cessé de me proposer de discuter de leur offre et non pas de la mienne", a relaté Antoine Frérot lundi, brandissant la menace d'"un projet financier" porté par "un fonds américain" (GIP).

Quant à M. Le Maire, "c'est quand même Bercy qui a initié toute l'opération en demandant à Engie en juillet de clarifier sa stratégie", a répliqué M. Frérot. L'Etat est le premier actionnaire d'Engie qui était lui-même le principal actionnaire de Suez avant de vendre ses parts en octobre. Veolia les a rachetées.

Lundi, M. Frérot n'a pas souhaité dire si le vote de son conseil sur le lancement de l'OPA avait été unanime ou pas.

le Lundi 8 Février 2021 à 03:44 | Lu 219 fois