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L'État et le Tapura disent non à un C24 à Tahiti


De gauche à droite, Tepuaraurii Teriitahi et Benoît Kautai, élus à l'assemblée de Polynésie, Melissa Rambally présidente de la commission spéciale de décolonisation, et Moerani Frébault, député (Tapura).
De gauche à droite, Tepuaraurii Teriitahi et Benoît Kautai, élus à l'assemblée de Polynésie, Melissa Rambally présidente de la commission spéciale de décolonisation, et Moerani Frébault, député (Tapura).
Tahiti, le 21 mai 2025 – C'est non. Ni le Tapura, ni l'État ne souhaitent que Tahiti accueille le prochain séminaire du comité des 24 en 2027 comme l'a proposé la représentante du gouvernement Brotherson, Mareva Kitalong-Lechat. Actuellement au Timor-Leste pour assister pour la première fois à cette réunion du comité spécial de la décolonisation, les autonomistes ont fait entendre leur voix pour dénoncer l'illégitimité du gouvernement à imposer sa démarche de décolonisation aux Polynésiens qui ne veulent pas de l'indépendance. Ce qu'a réfuté la représentante du Pays.

 
La déléguée aux affaires internationales, Mareva Kitalong-Lechat qui représente le gouvernement au Timor-Leste l'avait annoncé à nos confrères de TNTV  juste avant son départ : “Nous comptons proposer notre candidature pour être l’hôte d’un prochain séminaire de décolonisation de l’ONU en Polynésie française, puisque ça a déjà été le cas en Nouvelle-Calédonie en 2010, et que nous avons cette possibilité qui nous est offerte.”
 
Il fallait s'y attendre, ni les autonomistes qui ont fait le déplacement, ni l'ambassadrice de la France pour le Pacifique ne sont d'accord. Selon Tepuaraurii Teriitahi, “l'État s'y est opposé”, et le Tapura s'inscrit dans cette même veine, en plaidant davantage pour une mission de l'ONU en Polynésie.
 
Après avoir “comparé les Polynésiens à des victimes d'un bourreau que serait l'État français”, Mareva Kitalong-Lechat (que nous n'avons pas réussi à joindre) a réaffirmé la volonté du gouvernement Brotherson d'aller vers un “véritable processus de décolonisation et d'autodétermination, sous la supervision des Nations Unies”. Et parmi les pays représentés au Timor-Leste et qui ont soutenu le Tavini dans son processus, “on trouve la Russie, le Venezuela, l'Azerbaïdjan, la Syrie”, s'est agacée Tepuaraurii Teriitahi, tout comme le député Moerani Frébault qui a fustigé, sur les réseaux sociaux, les discours “très caricaturaux du Tavini” qui “ont tenté de nous discréditer en nous accusant d'être malades du syndrome de Stockholm soumis à la France”.
 
Une “plainte au nom de l'APF” pour contraindre l'État au dialogue
 
L'élue du Tapura explique aussi que Mareva Kitalong-Lechat a par ailleurs réfuté les arguments avancés par les trois représentants autonomistes (le député Moerani Frébault, ainsi que les deux élus de l'assemblée Tepuaraurii Teriitahi et Benoît Kautai) qui mettent en avant les résultats des dernières élections territoriales (65% des suffrages en faveur des formations autonomistes). Des élections qui ont porté les indépendantistes au pouvoir grâce à la prime majoritaire qui donne un bonus de 19 sièges à Tarahoi, mais aussi à la division des autonomistes. Selon l'élue Tapura, la déléguée aux affaires internationales a affirmé que le Tavini était tout à fait “légitime à agir pour l'indépendance” puisque c'était “écrit dans leur programme des territoriales de 2023”. Dont acte. Argument à son tour balayé par le député Moerani frébault qui rappelle au contraire que “le sujet de l'indépendance avait été soigneusement mis de côté pendant cette campagne”.
 
Pour Tepuaraurii Teriitahi, et comme elle l'a souligné dans son discours devant le C24, “c'est aux Polynésiens de décider seuls de leur avenir institutionnel”. Cette prérogative n'appartient selon elle ni à un “parti politique, encore moins minoritaire”, ni “à la France” ou aux “Nations-Unies”. Enfin, elle nous a confié que le président de l'assemblée et vice-président du Tavini, Antony Géros, a annoncé sur place qu'il déposerait “une plainte la semaine prochaine, au nom de l'assemblée contre l'État français pour le contraindre à entamer le dialogue de décolonisation”, en “continuant d'utiliser les moyens de l'institution”. Sauf que c'est une prérogative qui revient au président du Pays, et que le texte présenté par Géros pour l'autoriser à ester en justice contre l’État est toujours entre les mains du tribunal administratif qui doit justement se prononcer le 27 mai prochain.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 21 Mai 2025 à 16:14 | Lu 4112 fois