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Kura Ora 2 : Six ans après, Rudolph Putoa veut toujours sa protection fonctionnelle


Crédit photo : Archives TI.
Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 10 juin 2025 - C’est une affaire où la mer a englouti bien plus que des épaves métalliques. Dans le sillage de “l’immersion” du navire Kura Ora 2 en janvier 2019, l'ancien directeur adjoint de la biodiversité, Rudolph Putoa, se bat toujours pour obtenir sa protection fonctionnelle. Lui qui a été mis en examen dans ce dossier.
 
Ce mardi, le tribunal administratif de la Polynésie française a entendu les conclusions du rapporteur public dans l’affaire opposant Rudolph Putoa, ancien directeur adjoint de la biodiversité, à son administration de tutelle. L’objet du litige ? Une nouvelle tentative du fonctionnaire retraité pour obtenir la protection fonctionnelle de la part du Pays, après avoir été mis en examen pour des faits graves liés à l’environnement. Le rapporteur public a conclu au rejet de sa requête, estimant celle-ci irrecevable. Le tribunal rendra sa décision le 24 juin prochain.
 
Une immersion sous haute tension
 
Tout commence en janvier 2019, lorsque le navire Kura Ora 2, en fin de vie, est autorisé à être immergé dans les eaux territoriales polynésiennes. Mais le dossier se corse très vite : dans sa cale, les autorités découvrent non seulement 196 tonnes de déchets métalliques, mais aussi 87 bonbonnes de bromure de méthylène, un pesticide classé parmi les substances les plus toxiques, dont 18 sont encore pleines... et périmées.
 
Une immersion toxique qui, dès février de la même année, provoque un électrochoc judiciaire et défraie la chronique. Rudolph Putoa est placé en garde à vue aux côtés du commandant du Port autonome de Papeete et de l’ingénieur responsable de la cellule environnement. Tous trois seront ensuite mis en examen, notamment pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui et pollution marine. Ironie du sort : la Polynésie française, leur employeur, porte plainte et réclame 1,5 million de francs au titre du préjudice moral.
 
Une demande de protection, plusieurs fois renouvelée
 
C’est dans ce contexte que Rudolph Putoa, alors encore en poste, sollicite dès février 2019 la protection fonctionnelle. Un droit prévu par la loi pour tout agent public mis en cause dans l’exercice de ses fonctions. Mais sa demande reste lettre morte. Et un silence administratif vaut rejet. Las, l’ancien ingénieur multiplie les démarches – en 2019, 2023, puis à nouveau en juin 2024 – sans plus de succès.
 
Face à ces refus successifs, il saisit finalement le tribunal administratif, contestant la dernière décision implicite de rejet. Mais cette ultime tentative n’a pas convaincu le rapporteur public. Pour rappel : la protection fonctionnelle est une mesure prévue par le droit public qui oblige l’administration à assister et défendre un agent mis en cause dans le cadre de ses fonctions, notamment en cas de poursuites judiciaires. Elle couvre les frais de défense et peut inclure un soutien moral ou matériel, sauf si l’agent a commis une faute personnelle détachable de ses fonctions.
 
L’irrecevabilité, pierre angulaire du raisonnement
 
Dans ses conclusions, le rapporteur public démonte méthodiquement la recevabilité de la requête. Pour lui, toutes les demandes de l'ancien directeur adjoint reposent sur la même cause (les poursuites pénales liées à l’immersion du navire), le même objet (la protection fonctionnelle) et le même contexte. En droit administratif, cela suffit à qualifier les demandes postérieures de “confirmatives”, autrement dit sans effet juridique nouveau.
 
“C’est bien la décision implicite née le 9 mai 2019 (...) que le requérant aurait dû contester”, rappelle le rapporteur. En ne l’ayant pas fait, cette décision est devenue définitive, verrouillant toute possibilité de recours contentieux ultérieur.
 
Et les éventuelles raisons de santé avancées par la défense de l'ancien directeur adjoint ? Balayées. “Les éléments qu’il produit ne sont, selon nous, toutefois pas de nature à établir l’empêchement allégué”, considère le rapporteur, d’autant que le requérant a continué à adresser d’autres courriers par la suite. Le tribunal dira son dernier mot le 24 juin prochain.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 10 Juin 2025 à 14:43 | Lu 2605 fois