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Kainuu Temauri : “L’héritage à la base de notre projet”


Kainuu Temauri, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Prévention contre la délinquance, en charge l’Artisanat, veut que l’héritage des Jeux du Pacifique revienne à tous les Polynésiens.
Kainuu Temauri, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Prévention contre la délinquance, en charge l’Artisanat, veut que l’héritage des Jeux du Pacifique revienne à tous les Polynésiens.
Tahiti, le 23 octobre 2025 - À deux ans des Jeux du Pacifique, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Prévention contre la délinquance, en charge de l’Artisanat, Kainuu Temauri, nous a reçus dans son bureau pour faire le point sur l’état actuel de la préparation de l’événement, mais aussi sur son rôle dans un ministère où le lien entre les missions est plus logique qu’il n’y paraît. Expérimenté et fort d’une connaissance parfaite de son territoire, Kainuu Temauri est bien décidé à ce que ces Jeux laissent une trace, pas seulement sportive, dans la vie des Polynésiens.
 
À deux ans des Jeux du Pacifique, quel est l’état des lieux de la préparation de cet événement ?
“Avant de commencer, je voulais rappeler la répartition des missions sur les Jeux du Pacifique. En ce qui concerne le Pays, nous sommes chargés de livrer les infrastructures, au niveau sportif et au niveau de l’hébergement. Pour les infrastructures sportives, le calendrier est très serré puisqu’il nous reste moins de deux ans pour tout livrer. De nombreuses opérations sont en cours, comme au stade Pater et au stade Fautaua, tandis que d’autres sont en appel d’offres. À l’heure actuelle, nous tenons les délais.
Pour les sites d’hébergement, nous allons entamer la rénovation des internats de certains établissements scolaires. Comme pour les enceintes sportives, la rénovation et la mise en conformité d’infrastructures déjà existantes faisaient partie de notre projet. Cela présente plusieurs avantages. Tout d’abord, un aspect non négligeable : le coût moindre que cela engendre. On connaît le contexte actuel, donc il faut que chacun fasse des efforts à son niveau. Mais c’est aussi l’occasion de laisser un héritage à notre population. Tous les équipements remis à neuf continueront à jouer leur rôle, tout en faisant peau neuve. Ce sera bénéfique pour tous les Polynésiens et toutes les Polynésiennes.
Ensuite, sur le volet organisationnel, comme le transport des personnes accréditées ou l’organisation des compétitions, cela relève du comité organisateur des Jeux du Pacifique. C’est une obligation de la charte des Jeux d’avoir un comité réellement indépendant du gouvernement. Ils sont aujourd’hui bien structurés et ont monté une équipe solide, qui connaît le territoire et ses enjeux. Nous les avons accompagnés sur le budget 2026, car il va falloir réaliser certains investissements indispensables, comme l’achat de matériel neuf. Nous avons sécurisé cette phase, car il s’agit de fonds publics et nous tenons à ce que notre philosophie soit respectée à ce niveau-là aussi : permettre aux fédérations de récupérer ce matériel après les Jeux.
Enfin, le dernier volet concerne la préparation des athlètes polynésiens, confiée aux fédérations et au COPF. Là, on entre dans le cadre exclusivement sportif, où l’objectif est de gagner les Jeux du Pacifique. Plusieurs axes de travail ont été mis en place, notamment le projet Ambition 2027, qui vise à aider le COPF et les fédérations à disposer des outils nécessaires pour que les athlètes performent. Des projets transversaux qui bénéficient à toutes les fédérations, comme la venue de Jérôme Daret, manager de l’équipe de France de rugby à VII, vainqueur des derniers Jeux olympiques, qui a travaillé cette semaine avec tous les cadres techniques dans le but de créer une véritable osmose et de faire du travail d’équipe la pierre angulaire de nos futures performances.”
 
 
 
La rénovation des infrastructures a dû engendrer une organisation spécifique des différents lieux d’entraînement pour les fédérations ?
“Oui, nous avons dû travailler ensemble pour organiser et planifier les conséquences des travaux. Il fallait que nos sportifs puissent continuer à s’entraîner correctement pour bien préparer les Jeux, mais aussi que l’ensemble des sportifs du Fenua ne soient pas lésés. C’était une condition sine qua non. Nous avons donc organisé les travaux de manière à ce qu’il y ait toujours des espaces d’entraînement disponibles. Par exemple, Pater et Fautaua étant en rénovation, c’est à Punaruu que nous avons redirigé les activités. Et nous basculerons à nouveau lorsque les travaux seront terminés. C’est un véritable travail de coordination avec le monde sportif.”
 
Quelle est votre vision du monde sportif en Polynésie, qu’il soit de compétition ou de masse ?
“Nous essayons de mettre beaucoup de choses en place pour le haut niveau. Nous avons des bourses pour les sportifs inscrits sur la liste de haut niveau. Nous travaillons également avec le ministère français et la direction des sports métropolitaine pour qu’ils prennent en compte la spécificité du statut de la Polynésie française, afin que des passerelles puissent être créées et conventionnées entre fédérations locales et nationales. Nous essayons aussi d’aider les fédérations dans les projets qu’elles montent pour mieux structurer leur travail.
La mise en place du Centre de performance polynésien (CPP) et d’autres structures fédérales est une démarche positive pour aider nos jeunes à atteindre le haut niveau. Je suis ravi que Tahiti accueille les Jeux du Pacifique et de pouvoir aider nos athlètes à ramener le plus de médailles possible au pays. Mais ils vont aussi être un fer de lance pour le développement du sport en Polynésie, pour montrer qu’il peut être un facteur d’inclusion sociale et donner envie à notre jeunesse.
Car mon engagement est principalement tourné vers le sport de masse. Je veux pouvoir le démocratiser dans tous les foyers, dans tous les quartiers. Le sport, je le vois comme un outil de cohésion sociale. Nous devons le mettre en lumière pour que les gens comprennent qu’il peut avoir un effet positif sur la santé publique, notamment face au fléau de l’ice, et qu’il constitue une alternative constructive à l’oisiveté.
Tout cela passe par le socle du sport : les associations. Les aider à se structurer, à se développer, à se professionnaliser pour qu’elles puissent être efficaces face aux difficultés administratives et législatives. C’est pour cela que le ministère auquel j’appartiens, et les missions qui lui sont confiées, partagent ce fil rouge commun : les associations. Que ce soit dans le sport, la jeunesse, la lutte contre la délinquance ou même l’artisanat, les associations sont le maillon fort d’une chaîne d’inclusion qui donnera un nouveau souffle au pays.”
 

"Il faut accompagner les associations dans leurs démarches administratives”
 
Tout le monde connaît la Fédération citoyenne polynésienne de lutte contre les drogues et la toxicomanie. Cette association œuvre au quotidien pour sensibiliser la population aux dangers de la consommation d’ice et vient en aide à ceux qui veulent s’en sortir. Comme toutes les associations, elle a présenté un budget 2025 au ministère afin d’obtenir des aides. Mais la date de dépôt et le coût total du projet ont entraîné un premier refus et suscité une polémique que le ministre tenait à expliquer.
 
“Ça avait fait polémique à l’époque parce que j’ai demandé à la fédération de revoir sa copie à la baisse. Cela n’avait rien à voir avec une remise en cause de sa légitimité. Ce qui s’est passé, c’est que lorsqu’ils nous ont proposé le budget initial de 104 millions, j’ai tout de suite vu – parce que j’ai accompagné des associations tout au long de ma carrière – que ce n’était pas un budget calculé sur les mois restants de l’année civile 2025. Il avait été établi sur une année complète, alors qu’on était déjà en août-septembre, si je ne me trompe pas. Il fallait donc forcément revoir à la baisse le montant de cette subvention.
 
Je ne vais pas rentrer dans les détails techniques, mais concrètement, si je donne plus à cette association que ce qu’elle a la capacité de dépenser sur l’année 2025, elle devra rembourser le trop-perçu sous forme de titres de recettes. Pour bien connaître le milieu, je sais que cela met les associations concernées en difficulté. Et cela aurait remis en cause notre soutien à cette association pour 2026, car lorsqu’un titre de recettes est émis, il est impossible de le rembourser légalement. C’est compliqué de reverser une aide dans ces conditions, car la loi l’interdit.
 
J’ai suffisamment d’expérience pour dire que le montant demandé était trop élevé pour l’association. Ils ont compris que ma démarche n’était pas de réduire leurs moyens d’action, mais de viser juste, au plus près de leur capacité à déployer leurs activités en 2025.
Entre-temps, nous nous sommes revus, nous nous sommes accordés. Tout s’est bien passé et tout rentrera dans l’ordre pour l’année prochaine.
 
C’est une association importante, très présente sur le terrain. On ne peut que le reconnaître.
Après, les choses doivent se faire dans les règles. C’est important que les associations comprennent cela. C’est pourquoi il faut les accompagner dans leur structuration, dans la connaissance des règlements et des cadres.
 
Nous avons fait passer la subvention de 50 millions en conseil des ministres la semaine dernière. C’est dans le circuit, ils ne devraient pas tarder à la percevoir.”
 

Rédigé par Manu Rodor le Jeudi 23 Octobre 2025 à 16:32 | Lu 1566 fois