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Jean Lachkar, président de la chambre territoriale des comptes : " Nous sommes là pour améliorer la gestion des deniers publics"


Jean Lachkar, le président de la chambre territoriale des comptes dans le bureau où les décisions collégiales sont prises.
Jean Lachkar, le président de la chambre territoriale des comptes dans le bureau où les décisions collégiales sont prises.
Papeete, le 28/09/2015 - Le président de la Chambre territoriale des Comptes (CTC), Jean Lachkar, et son équipe scrutent les comptes publics de la Polynésie française. Une fois rendus publics, les rapports de la CTC sont censés aider à une meilleure gestion des collectivités.

La Chambre territoriale des comptes (CTC) est indépendante, comment cela se traduit-il au quotidien ?

"On ne peut pas par exemple obliger la chambre à faire un contrôle ou à ne pas le faire. C'est la chambre représentée par le président (moi) qui détermine ce programme, puis pour chaque entité vérifiée, les thèmes de contrôle."

Vous ne souhaitez pas vous exprimer sur les rapports en cours (commune de Papeete, OPT, etc.), pourquoi ?

"Toutes les décisions sont collégiales. Au départ, il y a forcément un magistrat "rapporteur" qui a mené l'enquête sur le terrain mais ensuite on s'exprime collégialement et cela devient alors la seule parole, le seul message de la chambre."

Quand vous contrôlez une collectivité, celle-ci a-t-elle le droit de se justifier ?

"Oui, c'est ce qu'on appelle le caractère contradictoire de nos procédures. Le contrôlé a le droit de répondre à nos observations, de donner son point de vue, voire de contester ces observations. Les premières sont d’ailleurs toujours provisoires et confidentielles, adressées aux seuls dirigeants concernés de l’établissement contrôlé, puis après examen des réponses apportées, la chambre rend des observations définitives qui elles, ont vocation à devenir publiques dès lors qu’elles ont été communiquées à l’assemblée délibérante de la structure vérifiée".

La plupart des collectivités sont contrôlées tous les 5 ans, notez-vous des améliorations d'un rapport à l'autre ?

"En effet, le "rythme de croisière" se situe tous les quatre ou cinq ans mais parfois nous sommes alertés par des autorités administratives, des citoyens, des élus, etc. et nous pouvons alors raccourcir le temps entre deux vérifications. Quand nous contrôlons, nous regardons tout d'abord ce que la collectivité a amélioré depuis notre précédent passage, si elle a suivi ou pas nos recommandations…. Nous nous intéressons à l'amélioration de la gestion de la collectivité. Normalement, les élus sont dévoués à l'intérêt général. "

En 2014, la CTC a tenu 37 séances où elle rend ses décisions. Dans le cadre de l’examen de la gestion, elle a adressé 14 rapports d'observations provisoires et 11 rapports d'observations définitives. Tous les rapports sont structurés de façon identique: synthèse, intégralité des constats et observations et enfin recommandations.

Sur les 48 communes de Polynésie, toutes contrôlées au moins une fois, 33 ont fait l'objet d'observations définitives.

14 personnes travaillent à la CTC dont six magistrats indépendants, quatre vérificateurs, et quatre personnels affectés aux fonctions « support ».

Quelles sont les sanctions quand les collectivités n'ont pas respecté vos recommandations ?

"Nous sommes une magistrature d'influence, notre cœur de métier concerne l'amélioration de la gestion publique. La meilleure sanctions pour nous, c'est la publicité qui est faite à nos observations et à nos recommandations par exemple, que les unes ou les autres paraissent dans Tahiti infos."

Et si vous constatez une infraction pénale ?

" Si l'on trouve au cours de nos contrôles des atteintes à la probité comme par exemple des détournements de fonds publics ou des prises illégales d'intérêts, on saisit le procureur de la République. Je le répète, ce n’est pas le cœur de notre métier, nous sommes d’abord là pour contribuer à l’amélioration de la gestion, mais si au cours d’un contrôle, on découvre des faits susceptibles d’être qualifiées pénalement, alors on transmet à l'autorité judiciaire. A partir de ce moment-là, nous n'aurons plus de rôle actif, ni dans l’enquête, ni dans les poursuites, ni dans les jugements. "

"Pour les dirigeants du pays ou les tavana, nos recommandations devraient être de véritables feuilles de route, et si ce sont de bons gestionnaires ils doivent les suivre."

Observez-vous des spécificités propres à la Polynésie ?

"L'argent a coulé à flots du temps du CEP. Le fait qu'il y ait eu beaucoup d'argent n'a pas incité à une gestion rigoureuse des deniers et des comptes publics. Cela a été une des raisons des affaires de probité. L'intégrité des hommes entre évidemment en ligne de compte : si vous avez affaire à des hommes peu intègres qui profitent de la situation pour détourner des fonds publics, ils méritent d'être jugés par la société.
Par ailleurs, il faut aussi le dire, en Polynésie, les collectivités reconnaissent le travail de la chambre, ouvrent facilement leur porte et répondent aux investigations. Pour les dirigeants du Pays, pour ceux des établissements publics et pour les tavana, nos recommandations devraient être des feuilles de route, si ce sont de bons gestionnaires ils doivent les suivre, d’autant qu’elles ne portent jamais sur l’opportunité des décisions publiques. Les rapports de la chambre sont gratuits et nous sommes disponibles, par exemple pour une analyse financière demandée par le dirigeant d’une collectivité. Par contre, au nom de notre indépendance, je ne suis pas obligé d'accepter une demande de contrôle."

Quel est votre lien avec la Cour des comptes de Paris ?

"Les présidents de Chambres régionales et territoriales des comptes sont eux-mêmes membres de la Cour des comptes. Moi, je suis conseiller référendaire à la Cour des comptes à Paris, et en même temps, Président de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française à Papeete. Je ne peux pas rester ici plus de sept ans. "
Mais ce n’est pas le seul lien de la CTC avec la Cour des comptes. Dans le cadre de notre mission juridictionnelle qui s’exerce à l’égard des comptables publics, la Cour des comptes nationale est notre juge d’appel.
Dans le cadre de l’examen de la gestion, la CTC peut être amenée à travailler avec la Cour pour des travaux communs, lorsque l’Etat est concernée par une partie des contrôles ; cela était le cas par exemple dans le passé pour la politique publique de la santé, et ce sera peut-être le cas bientôt pour la politique de l’éducation, c’est-à-dire dans des domaines où la compétence a été transférée à la Polynésie française, fondant ainsi l’intervention de notre CTC, mais où l’Etat, dont le contrôle relève de la Cour des comptes continue à jouer un rôle ne serait-ce qu’en terme de financements.

Pour lire les rapports de la chambre territoriale des comptes cliquez ici

Les trois missions de la Chambre territoriale des comptes de la Polynésie Française

"Nous jugeons les comptes, nous examinons la gestion des collectivités et nous participons aux contrôles budgétaires", indique Jean Lachkar, le président de la CTC.

La CTC juge l'ensemble des comptes de la Polynésie, des communes et de leurs établissements publics. Les comptables publics sont jugés et éventuellement ils peuvent voir leur responsabilité personnelle et pécuniaire engagée.

La CTC examine la gestion des collectivités territoriales et des établissements publics. Dans ce cas, elle envoie d’abord un rapport d'observations provisoire et confidentiel au Président du Pays, au maire ou au directeur d'établissement public contrôlé et ensuite après réception de leur réponse et de leur défense, sont envoyées des observations définitives qui doivent être présentées à l'assemblée délibérante (conseil municipal, conseil d'administration, etc.) et qui tout de suite après deviennent publiques

La CTC participe aussi au contrôle des actes budgétaires quand le haut-commissaire la saisit comme par exemple, à propos d’un budget qui n'a pas été voté dans les délais, ou qu’il l’a été en déséquilibre. Le haut-commissaire doit également saisir la chambre lorsque l’exécution budgétaire révèle de substantiels déficits.

Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Lundi 28 Septembre 2015 à 17:14 | Lu 1123 fois