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"Je veux aller à l'école!": à Pékin, la complainte des enfants de migrants


"Je veux aller à l'école!": à Pékin, la complainte des enfants de migrants
PÉKIN, 18 juillet 2014 (AFP) - Brandissant une pancarte, Fang Mingxing, six ans, est en première ligne d'une manifestation à Pékin: "Je veux aller à l'école!", crie ce fils de migrant à qui la loi chinoise interdit d'intégrer le système éducatif local.

Il a l'âge de débuter cet automne sa scolarité. Mais il s'est vu refuser toute place dans les écoles primaires pékinoises, à l'instar de milliers d'autres enfants dont les parents sont venus du reste de la Chine occuper un emploi dans la capitale.

Certains parents, souvent établis à Pékin depuis dix ans ou davantage, s'en prennent désormais aux autorités communistes de la municipalité pour exiger une scolarisation.

Les migrants, qui ont quitté des régions rurales appauvries pour rejoindre les métropoles, ont été le moteur de l'insolente ascension économique chinoise. Ils sont maintenant 245 millions dans le pays, selon des chiffres officiels.

Mais faute de permis de résidence, le "hukou", leurs droits d'accès aux services publics de santé et d'éducation dans les villes où ils se sont installés sont fortement restreints.

"Le gouvernement nous dit: +Nous n'avons pas assez de ressources, rentrez chez vous!+", déplore la mère de Mingxing, Liu Xiaolan, 42 ans.

"Nous avons sué sang et eau à Pékin pendant 10 ans. Hors de question pour nous de retourner à la campagne", dit-elle.

"Repartir, avec nos enfants, cela signifierait tirer un trait sur nos carrières ici", abonde Hou Tianwu, un négociant en médicaments.

Restrictions 'simplistes'

Alors que la loi prévoit neuf années d'éducation gratuite et obligatoire, les plus grandes métropoles ont permis aux migrants ces dernières années d'envoyer leurs enfants dans des écoles, même sans "hukou", mais en exigeant de multiples documents administratifs.

Pour l'année scolaire à venir, des districts de Pékin ont affiché des conditions supplémentaires: les deux parents devront résider et travailler dans le quartier autour de l'école, excluant ainsi les migrants effectuant de longs trajets intra-urbains pour se rendre au travail.

Certaines autorités leur réclament également des attestations de paiements de sécurité sociale, voire même des certificats de propriété.

Et d'autres parents se sont vus déclarer d'emblée que, quels que soient les documents fournis, l'inscription de leur enfant sera de toute façon refusée.

La municipalité de Pékin (21 millions d'habitants) et les administrations de quartiers n'ont pas souhaité répondre à l'AFP.

Selon le journal libéral Nanfang Zhoumo, les restrictions visant les migrants dans la capitale priveront d'éducation des "dizaines de milliers" d'enfants chinois.

Nulle part où aller

Le Parti communiste chinois, conscient de l'ampleur du problème des migrants, s'est récemment déclaré décidé à accorder de nouveaux droits à ces citoyens de seconde zone.

Mais en même temps, la Chine a décidé l'an dernier de contrôler "strictement" la taille de la population des grandes métropoles et de diriger les migrants vers les villes moyennes, pour lesquels les autorités ont promis d'accorder 100 millions de permis de résidence d'ici à 2020.

"Trop simpliste", a regretté Fu Weigang, de l'Institut de finance et de droit de Shanghai, qui estime que la population de Pékin n'a pas besoin d'être limitée.

La Chine a sous-investi dans le secteur éducatif, a-t-il expliqué à l'AFP: ainsi, Pékin ne compte plus aujourd'hui qu'un millier environ d'écoles primaires publiques contre 1.800 en l'an 2000, alors que dans le même temps, la population bondissait de 60%.

Une vague d'établissements privés ont certes ouvert pour combler ces carences --mais ne faisant pas partie du système éducatif officiel, beaucoup ne permettent pas de présenter l'examen d'entrée à l'université.

Et les écoles privées qui ont réussi à intégrer le système officiel "réclament désormais les mêmes documents que les écoles du gouvernement", regrette M. Ji, un père patron d'une imprimerie.

"Je suis prêt à payer pour que mon enfant puisse aller à l'école à Pékin, mais il n'y a nulle part où il puisse aller", soupire-t-il.

Les manifestations devant des bâtiments officiels ne sont guère entendues: les responsables municipaux ont refusé de rencontrer les parents protestataires, dont certains ont dit avoir été arrêtés ou placés en résidence surveillée.

"Notre enfant a grandi à Pékin. Sommes-nous censés retourner à la campagne et devenir des paysans pauvres?", s'écrie une mère, Wang Ying. "Notre demande est pourtant simple: que notre enfant aille à l'école".

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 18 Juillet 2014 à 00:15 | Lu 1435 fois