Le politologue Sémir Al Wardi, enseignant et chercheur à l'Université de Polynésie française
PAPEETE, 9 septembre 2014 - Le politologue Sémir Al Wardi observe les signes avant-coureurs d'un "système de cohabitation" à la tête du Pays. Le futur président de la Polynésie française aura un champ libre restreint alors que Gaston Flosse tient la majorité Tahoera'a à l'Assemblée et le parti orange : "Il est là ; il entend bien occuper le terrain et il l’a dit récemment : son inéligibilité est un non événement", constate l'enseignant et chercheur à l'Université de Polynésie française.
A quelles évolutions politiques et institutionnelles peut-on s'attendre avec "l’après-Flosse" ?
Sémir Al Wardi : C’est à la pratique que l’on verra ce qu’est l’après-Flosse. Le fait est que le Tahoera’a n’est pas exempt d’une histoire politique mouvementée. Rappelez-vous les crises qu’il a traversées en 1987, 2004, 2006, 2008. Ces épisodes ont démontré qu’il était extrêmement difficile de gouverner quand on a son parti politique d’origine contre soi. Et Edouard Fritch sait cela. (…) On peut légitimement se poser la question aujourd’hui : pourra-t-il réellement gouverner ? Ce qu’on observe dans l’immédiat, c’est que Gaston Flosse convoque les instances dirigeantes du parti, pour proposer « ses » candidats ; qu’il fixe le planning. Et on sait quelle est la force de ses décisions. Voyez ce qui s’est passé au moment du vote des candidats pour les sénatoriales : Laurey et Lana Tetuanui en ont fait les frais.
On aurait pu imaginer qu’Edouard Fritch, président de la Polynésie, prenne en main toute la gouvernance, y-compris le choix du président de l’Assemblée avec qui il devra travailler. Eh bien non ! Gaston Flosse choisit un des fidèles d’entre les fidèles : Marcel Tuihani ; fils du père, lui-même un très proche de Gaston Flosse. Aucun doute : il garde la main sur sa majorité à l’Assemblée. Et je vous rappelle que l’homme le plus stable des institutions polynésiennes, c’est le président de l’Assemblée ; alors que le président de la Polynésie peut tomber à tout moment à la faveur d’une motion de censure.
Sans aller si loin, il est certain que Flosse décide. Il est là ; il entend bien occuper le terrain et il l’a dit récemment : son inéligibilité est un "non événement".
Nous allons assister à une cohabitation. Pour Gaston Flosse, elle se justifie psychologiquement : il pense que le Tahoera’a lui doit son retour en force en 2012 pour les législatives puis aux Territoriales de 2013. On imagine donc que, même lui ne voit pas pourquoi il se retirerait. Dans le système polynésien, il peut se considérer comme le « metua » qui a permis cette renaissance du parti. Les militants lui reconnaissent cette qualité. Donc il peut penser que c’est « sa » victoire et il ne va pas laisser à Edouard Fritch le champ libre.
Edouard Fritch cherchera-t-il à s’émanciper ou trouvera-t-il un "modus vivendi" avec Gaston Flosse ? Ca peut se faire aussi d’une façon très diplomatique, pour qu’il n’y ait pas de dérapage.
Au plan politique, qu’est-ce qui est en jeu au fond pour le Tahoera’a ?
Sémir Al Wardi : Tant qu’il a la santé pour être un homme politique vaillant, Gaston Flosse le dit lui-même : il restera en place. Comme disait Jacques Chirac : "un homme politique ne se retire pas ; un homme politique ne démissionne pas". Il ne se retire ou ne démissionne que lorsque la santé l’oblige. Je ne vois pas pourquoi Gaston Flosse ferait exception.
On se retrouve donc avec la possibilité que le Tahoera’a traverse des crises comme il en a déjà connu. (…)
Mais si jamais il y a eu des velléités, au sein du Tahoera’a, d’aller jusqu’au clash, l’information a été claire dernièrement au moment du choix des candidats pour les sénatoriales : le vote s’est fait à bulletins secrets, et on connait le résultat. Cela signifie bien que si on veut aller au contact avec le président Flosse, on sait déjà avec un exemple très récent que l’on risque d’être perdant. C’est pour cela qu’il n’y aura pas de clash, que cela se passera dans la douceur. La première question que l’on doit se poser à l’analyse d’un régime c’est « qui gouverne ? ».
Pensez-vous que la fragilité institutionnelle que crée cette situation menace les espoirs de reprise économique du Pays ?
Sémir Al Wardi : C’est certain que ce n’est pas idéal. Quand on est dans un jeu purement politique, ça pose de réels problèmes pour le jeu économique. D’autant plus que la Polynésie a la nécessité de se défaire d’un système économique trop rigide. Il faut disposer d’une majorité certaine pour pouvoir nettoyer tous ces textes qui freinent le développement économique. Il y a là tout un travail à mettre en œuvre pour laisser le privé respirer.
A quelles évolutions politiques et institutionnelles peut-on s'attendre avec "l’après-Flosse" ?
Sémir Al Wardi : C’est à la pratique que l’on verra ce qu’est l’après-Flosse. Le fait est que le Tahoera’a n’est pas exempt d’une histoire politique mouvementée. Rappelez-vous les crises qu’il a traversées en 1987, 2004, 2006, 2008. Ces épisodes ont démontré qu’il était extrêmement difficile de gouverner quand on a son parti politique d’origine contre soi. Et Edouard Fritch sait cela. (…) On peut légitimement se poser la question aujourd’hui : pourra-t-il réellement gouverner ? Ce qu’on observe dans l’immédiat, c’est que Gaston Flosse convoque les instances dirigeantes du parti, pour proposer « ses » candidats ; qu’il fixe le planning. Et on sait quelle est la force de ses décisions. Voyez ce qui s’est passé au moment du vote des candidats pour les sénatoriales : Laurey et Lana Tetuanui en ont fait les frais.
On aurait pu imaginer qu’Edouard Fritch, président de la Polynésie, prenne en main toute la gouvernance, y-compris le choix du président de l’Assemblée avec qui il devra travailler. Eh bien non ! Gaston Flosse choisit un des fidèles d’entre les fidèles : Marcel Tuihani ; fils du père, lui-même un très proche de Gaston Flosse. Aucun doute : il garde la main sur sa majorité à l’Assemblée. Et je vous rappelle que l’homme le plus stable des institutions polynésiennes, c’est le président de l’Assemblée ; alors que le président de la Polynésie peut tomber à tout moment à la faveur d’une motion de censure.
Sans aller si loin, il est certain que Flosse décide. Il est là ; il entend bien occuper le terrain et il l’a dit récemment : son inéligibilité est un "non événement".
Nous allons assister à une cohabitation. Pour Gaston Flosse, elle se justifie psychologiquement : il pense que le Tahoera’a lui doit son retour en force en 2012 pour les législatives puis aux Territoriales de 2013. On imagine donc que, même lui ne voit pas pourquoi il se retirerait. Dans le système polynésien, il peut se considérer comme le « metua » qui a permis cette renaissance du parti. Les militants lui reconnaissent cette qualité. Donc il peut penser que c’est « sa » victoire et il ne va pas laisser à Edouard Fritch le champ libre.
Edouard Fritch cherchera-t-il à s’émanciper ou trouvera-t-il un "modus vivendi" avec Gaston Flosse ? Ca peut se faire aussi d’une façon très diplomatique, pour qu’il n’y ait pas de dérapage.
Au plan politique, qu’est-ce qui est en jeu au fond pour le Tahoera’a ?
Sémir Al Wardi : Tant qu’il a la santé pour être un homme politique vaillant, Gaston Flosse le dit lui-même : il restera en place. Comme disait Jacques Chirac : "un homme politique ne se retire pas ; un homme politique ne démissionne pas". Il ne se retire ou ne démissionne que lorsque la santé l’oblige. Je ne vois pas pourquoi Gaston Flosse ferait exception.
On se retrouve donc avec la possibilité que le Tahoera’a traverse des crises comme il en a déjà connu. (…)
Mais si jamais il y a eu des velléités, au sein du Tahoera’a, d’aller jusqu’au clash, l’information a été claire dernièrement au moment du choix des candidats pour les sénatoriales : le vote s’est fait à bulletins secrets, et on connait le résultat. Cela signifie bien que si on veut aller au contact avec le président Flosse, on sait déjà avec un exemple très récent que l’on risque d’être perdant. C’est pour cela qu’il n’y aura pas de clash, que cela se passera dans la douceur. La première question que l’on doit se poser à l’analyse d’un régime c’est « qui gouverne ? ».
Pensez-vous que la fragilité institutionnelle que crée cette situation menace les espoirs de reprise économique du Pays ?
Sémir Al Wardi : C’est certain que ce n’est pas idéal. Quand on est dans un jeu purement politique, ça pose de réels problèmes pour le jeu économique. D’autant plus que la Polynésie a la nécessité de se défaire d’un système économique trop rigide. Il faut disposer d’une majorité certaine pour pouvoir nettoyer tous ces textes qui freinent le développement économique. Il y a là tout un travail à mettre en œuvre pour laisser le privé respirer.


































