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Honolulu, 7 décembre 1941 : “To ! to ! to !” sur Pearl Harbour


Le 7 décembre 1941, l'attaque surprise de l'armée japonaise sur Pearl Harbor précipite l'entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, marquant un tournant décisif dans un conflit devenu dès lors planétaire. La base américaine de Pearl Harbour est aujourd’hui un site visité quotidiennement par des milliers de touristes, dont une grande partie sont des Japonais. Il y a 75 ans, le feu du ciel, déclenché par 350 avions nippons, s’abattait sur ce paradis tropical… Depuis le 1er décembre, et jusqu’au 11, de nombreuses cérémonies et manifestations commémorent ce sinistre anniversaire.

Pour le grand public, à cause du titre d’un film*, les Japonais qui piquèrent à bord de leurs chasseurs le firent au cri de “tora ! tora ! tora !” . Ces mots (“tigre” en japonais) furent bien prononcés au matin du 7 décembre 1941 par un avion de reconnaissance nippon qui indiquait à ses compagnons que la voie était libre (il s’agissait du bombardier Nakajima B5N2, du capitaine Mitsuo Fuchida). Mais lorsque la première vague d’appareils fut en vue de la flotte US, c’est au cri rauque de “to ! to ! to ! ” que les Japonais déchaînèrent le feu et la mort à 7h 53.






C’est le jeune et brillant Genda Minoru qui avait mis au point cette attaque surprise, à laquelle il songeait depuis 1934. La première vague de 183 appareils emmenés par Fuchida, fut suivie d’une seconde de 167 avions (partis de six porte-avions). La surprise fut totale dans les rangs américains et le bilan terrible : 4 cuirassés coulés, 4 cuirassés endommagés, 3 croiseurs et 3 destroyers envoyés par le fond, 188 avions détruits, 155 avions endommagés, 2 403 tués, 1 178 blessés (heureusement, les trois porte-avions de la flotte du Pacifique étaient en mer)*.

Du côté japonais, le bilan fut très léger : 29 avions détruits, 55 pilotes tués, 5 sous-marins de poche coulés, 9 sous-mariniers tués, 1 sous-marinier capturé (il est mort paisiblement au Brésil en 1999). Le général Hideki Tojo, responsable de ce massacre, avait rempli sa mission avec succès. Un succès toutefois relatif, car les Etats-Unis entraient en guerre avec tous leurs porte-avions intacts.


Pris au piège mortel

Roosevelt savait, depuis des semaines, que les négociations avec les Japonais, qui voulaient une Asie sous leur domination et sans présence occidentale, finiraient par capoter. Il avait jugé très possible l’attaque contre Pearl Harbour, mais il ne l’attendait pas si tôt ni, surtout, sans déclaration de guerre.

Aujourd’hui, le site a été sanctuarisé. Avec beaucoup de sobriété, les Américains ont aménagé ces lieux de mémoire où tous les visiteurs se rendant à Hawaii se doivent d’aller.
Le principal bâtiment, sur l’eau, est d’une extrême sobriété. Blanc immaculé, il semble flotter au-dessus du cuirassier “USS Arizona” d’où s’échappent encore des gouttes d’huile formant de petites flaques iridescentes à la surface de la rade.
Le silence dans le mémorial est poignant. Sous les pas des visiteurs reposent des centaines d’hommes pris au piège (1 177 morts sur ce seul navire). Trois jours après le naufrage de leur bateau, les derniers survivants frappaient encore désespérément contre la coque. Ils ne purent être sauvés et moururent atrocement, étouffant à quelques mètres seulement de l’air libre.



Le mémorial de Pearl Harbour, construit au-dessus de l’épave du cuirassier “USS Arizona” où reposent 1 177 marins.
Le mémorial de Pearl Harbour, construit au-dessus de l’épave du cuirassier “USS Arizona” où reposent 1 177 marins.
La ferveur des Américains

Aujourd’hui, ce sont des vagues impressionnantes de visiteurs qui déferlent sur Pearl Harbour. Il n’y a, en réalité, pas grand-chose à voir, mais peut-être beaucoup à ressentir. La douleur des Américains n’est pas feinte, car ces morts pris par surprise furent les premiers de dizaines et de dizaines de milliers de “boys”, qui rendirent l’âme à Midway, à Guadalcanal, à Iwo Jima et jusqu’en Normandie…
Depuis, la rade de Pearl Harbour n’a fait que prendre de l’importance. Jour et nuit, il y a du mouvement, sur et sous l’eau, dans les airs aussi. Le redéploiement des forces américaines à l’ouest se fait aujourd’hui sur Guam (les Philippines sont peu sûres), et Hawaii reste à mi-chemin entre la grande base aux portes de l’Asie et les côtes continentales. Autant dire que la position stratégique de Honolulu est toujours aussi importante pour la flotte US.
La ferveur des visiteurs américains est d’autant plus sensible à Pearl Harbour que le Bien et le Mal étaient clairement identifiés fin décembre 1941.
Depuis, il y a eu la Corée, le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Somalie, l’Irak, l’Afghanistan, le 11 septembre… Parfois, on sent que le gendarme du monde perd un peu la boussole au milieu du trafic qu’il veut gérer. Pearl Harbour reste, à ce titre, un point d’ancrage solide… Sous la bannière étoilée, le Bien continue légitimement à combattre le Mal. “In God they trust”…

Textes et photos : Daniel Pardon


*Le film nippo-américain “Tora ! Tora ! Tora !” a été tourné en 1971 et raconte en détail l’attaque sur Pearl Harbour.

*La Polynésie française fut directement impactée par l’entrée en guerre des Etats-Unis avec la création, à Bora Bora, d’une base arrière américaine et la construction du premier aérodrome. L’opération Bobcat (5000 GI’s sur l’île) démarra début 1942 ; les Américains partirent à la mi 1946.

Les commémorations

Les Américains commémorent cette année le 75e anniversaire de l’attaque de Pearl Harbour du 1er au 11 décembre. De très nombreuses manifestations, la plupart sur le site de Pearl Harbour, ont eu lieu ou auront lieu, avec, évidemment une journée spéciale, celle du 7 décembre, baptisée “National Pearl Harbour Remembrance Day Commemoration”.
Mais le temps fort sera incontestablement la grande parade publique et les cérémonies prévues à Waikiki, depuis Fort DeRussey jusqu’à Waikiki Shell, en descendant Kalakaua Avenue (à partir de 16h30).
Le 10 décembre, un grand concert est également prévu au Aloha Stadium ; le 11 décembre, le marathon de Honolulu rendra, lui aussi, hommage à la sombre journée de décembre 1941.

Les bombardements

Le grand public pense généralement que seul le port de Pearl Harbour a été bombardé le 7 décembre 1941 par les Japonais. En fait, ceux-ci avaient bien le port américain comme cible principale, mais ils avaient aussi d’autres objectifs pour empêcher toute riposte : c’est ainsi qu’il ciblèrent avec succès Hickam Field, Wheeler Field, Bellows Field, Ewa Field, Schofield Barracks et Kanehoe Naval Air Station. Pratiquement toute l’aviation stationnée à Hawaii fut anéantie (188 avions détruits ou endommagés).
Aujourd’hui, les jeunes militaires qui avaient 18 ans à l’époque, sont âgés de 93 ans et certains d’entre eux sont sur place pour cet anniversaire.



Pearl Harbor pratique

Au Memorial
Un impératif : arriver tôt. Les visites se font en trois temps : vous prenez votre ticket ; 150 numéros sont appelés dans le grand théâtre pour visionner un film de 23 minutes sur l’attaque, puis les 150 touristes sont conduits en bateau au mémorial, dans la rade, au-dessus de l’USS Arizona. À raison de trente séances et trente navettes par jour, cela fait 4500 tickets, pas plus. Les premiers arrivés sont les premiers servis. En haute saison, il n’est pas rare d’attendre plus de deux heures…

Sécurité

On ne va pas vous expliquer que les Américains ont été encore plus traumatisés par le 11 septembre que par Pearl Harbour. La prudence est extrême, les sacs sont interdits et on ne rigole pas. Vous avez droit à une caméra ou un appareil photo à la main. Un vestiaire privé gardera vos affaires, mais ne vous chargez pas pour rien, c’est parfaitement inutile.

À voir aussi

Dans le même espace, vous pourrez visiter le “USS Bowfin Submarine Museum and Park” et le “ USS Missouri (BB-63)”, navire amiral de la 3e flotte américaine où les Japonais signèrent leur capitulation le 2 septembre 1945 en baie de Tokyo.

À observer

Les hordes de Japonais silencieux, soit recueillis, soit indifférents (mystère). Ils demeurent imperturbables et constituent souvent plus de 50 % des visiteurs. Que pensent-ils ? Si vous avez des bribes de japonais dans votre vocabulaire, ce sera le moment de vous lancer.

À faire
La boutique de souvenirs est remplie de ringardises, mais il y a quand même quelques bons livres sur Pearl Harbour (notamment quelques bouquins avec de très beaux clichés). Ne sautez donc pas cette étape.

Timing

Prévoyez, en arrivant tôt le matin, une demi-journée (la visite du Mémorial en elle-même est assez rapide). N’envisagez pas de vous restaurer sur place, le snack ne vaut pas tripette. Au retour sur Waikiki, faites donc un stop au Hard Rock, côté ouest de Waikiki. Bière et “smoked ribs” : c’est votre journée “ricaine”, oui ou non ?


Rédigé par Textes et photos : Daniel Pardon le Mercredi 7 Décembre 2016 à 06:19 | Lu 3716 fois