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Heiva : Une répétition de Hi'o Ātea interrompue pour nuisances sonores


photos prises sur la page du groupe Hi'o Ate'a
photos prises sur la page du groupe Hi'o Ate'a
PAPEETE, le 12 mai 2017 - Jeudi à 19h, la police municipale a interrompu une répétition du groupe Ātea pour nuisances sonores. La troupe qui se présente au heiva en catégorie Hura Ava Tau, s'entraine tous les jeudis sur le stade de la mission de 18h à 20h.

Mauvaise surprise pour le jeune groupe Hi'o Ātea. Jeudi soir, vers 19 heures, la police municipale est venue interrompre leur répétition pour nuisances sonores. Des riverains gênés par le son des pahu ont appelé les mutoi pour se plaindre du bruit. La police municipale est intervenue pour interrompre les musiciens en menaçant de mettre une amende au groupe si la répétition continuait.

Le groupe Hi'o Ātea est une jeune formation qui se présente au Heiva pour la première fois, des danseurs aguerris en font partie, mais aussi beaucoup de jeunes danseurs et des étudiants. La troupe répète trois fois par semaine sur le parking de Wing Chong, cependant cet espace restreint ne lui permet par de s'entrainer dans les conditions réelles. C'est pourquoi la troupe loue une fois par semaine la moitié du stade Excelsior pour s'entrainer en grandeur nature, et revoir le placement et le filage. Jeudi soir, déception et colère se lisaient sur les visages fatigués des membres du groupe.


"Le jour du heiva, ils sont bien contents que nous soyons là pour faire le show"

"Franchement ce n'est pas normal qu'on vienne nous interdire de répéter. C'est pour le Heiva quand même! C'est dégueulasse. Le Heiva c'est une fête pour tous les jeunes, pour tout le monde", s'exclame un étudiant dégoûté.

Taiau Peretau, le chef de groupe est lui aussi dépité : " On nous a demandé d'arrêter les to'ere parce que c'est considéré comme une nuisance sonore et par rapport à cela nous n'avons pas le droit de taper au-delà de 19 h. Selon les mutoi, une circulaire serait tombée pour nous interdire de taper au-delà de 19 h." Le chef de groupe ajoute : " C'est un heiva que nous essayons tous de monter. De manière générale, les troupes ont déjà du mal à trouver des lieux de répétition et lorsque nous avons enfin réussi à trouver un endroit, les mutoi viennent et nous disent que nous n'avons pas le droit de taper. Le Ori Tahiti n'est pas considéré comme un sport, alors si nous voulons une salle, nous devons la louer. On nous met des bâtons dans les roues pour répéter. Par contre le jour du heiva, ils sont bien contents qu'il y ait des groupes, et que nous soyons là pour faire le show. Je suis déçu…"

Un peu plus loin Ranie Teata, la Raatira Pupu de Hi'o Ātea s'agace : "C'est bien beau d'entendre les discours du ministère de la Culture qui parlent de promotion de la culture et de la danse, du heiva, mais concrètement, dans les faits, on n'a pas d'endroit pour danser. Nous devons nous débrouiller tout seul. On nous envoie les mutoi parce que les toere sont trop forts. C'est dommage, nous avons plein de jeunes dans notre groupe qui veulent apprendre. C'est paradoxale, les politiques parlent d'occuper les jeunes, les sortir de la rue… Comment veulent-ils, quand ils nous mettent des bâtons dans les roues, que nos jeunes aient confiance ? C'est décourageant. On persévère parce qu'on aime la danse et tout ce qui est patrimoine traditionnel. C'est notre culture!"


"Il faut que ce soit clair, on veut du heiva ou pas ?"

photos prises sur la page du groupe Hi'o Ate'a
photos prises sur la page du groupe Hi'o Ate'a
La scène s'est déroulée sous le regard effaré de Patrick Amaru, l'auteur du thème de Hi'o Ātea. Les mots de l'auteur sont durs, à l'image de ce qu'il considère comme une aberration. "C'est une connerie. Quand on voit une centaine de jeunes de toutes classes sociales réunis sacrifier plusieurs soirées de la semaine pour venir aux répétitions et qu'on empêche cette répétition-là. Je me dis que quelque ne va pas. Le heiva c'est un moyen de retenir les jeunes, d’éviter que ces jeunes fassent des bêtises. Si on veut parler de danse, de culture, si on voulait tuer cette culture, on ne procéderait pas autrement." L'auteur va plus loin, il n'hésite pas à parler de schizophrénie : "Il y a beaucoup d'incohérence, on parle de danseurs à l'étranger, nous sommes contents de voir nos groupes au heiva, mais nous faisons tous pour empêcher nos groupes de s’entraîner. Je pourrais même parler de schizophrénie. Je ne sais pas où on va là. Ça fait plus de 10 ans que ce genre de situations se reproduit, on ne peut plus continuer comme ça. Il faut que ce soit clair, on veut du heiva ou pas ?"

Chez les danseuses, c'était surtout de la colère et de la lassitude, "c'est tous les ans la même chose, il y a toujours des gens qui se plaignent. Malheureusement, ces gens-là n'ont toujours pas compris que le heiva fait partie de la culture polynésienne et il faudrait qu'ils se mettent dans la tête qu'ils sont en Polynésie. De toute façon, ceux qui râlent sont toujours les premiers à aller acheter leur billet."

L'année dernière, le procureur de la République avait fait passer une loi permettant d'accorder des dérogations pour les nuisances sonores dites "culturelles" de février à juillet, le temps de préparer le heiva. Cependant jeudi la police municipale aurait indiqué à Taiau Peretau que cette loi ne serait effective qu'à partir du 1er juin.

"S'ils nous retirent les moyens de nous préparer et de nous entraîner comment veulent-ils que nous présentions un spectacle digne de ce nom. Là c'est simplement pour se diriger vers la fin du heiva. Avec des actes comme celui-là, quelque part c'est notre culture qu'on détruit", conclut Taiau Peretau.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Vendredi 12 Mai 2017 à 15:08 | Lu 18222 fois