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Harvey Weinstein de retour au tribunal pour demander l'abandon des poursuites


New York, Etats-Unis | AFP | jeudi 19/12/2018 - Harvey Weinstein, cible numéro 1 du mouvement #MeToo, peut-il s'extirper des griffes de la justice? Son avocat Ben Brafman plaidera jeudi pour l'abandon des poursuites contre l'ex-producteur de cinéma, arguant de graves erreurs commises par un détective chargé de l'enquête.

Défense et accusation se retrouveront devant le juge de Manhattan, James Burke, jeudi dans la matinée, pour une audience déterminante pour l'ex-tout puissant producteur de 66 ans, qui risque la perpétuité.
Accusé de harcèlement et d'agressions sexuelles par plus de 80 femmes, dont Angelina Jolie ou Ashley Judd, Harvey Weinstein a beau assurer que tous ses rapports sexuels étaient consentis, il est devenu l'incarnation des abus perpétrés impunément par des hommes de pouvoir, dénoncés par le mouvement #MeToo.
Mais depuis son inculpation en mai puis juillet pour des fellations forcées en 2004 et 2006 et pour viol en 2013, sur trois femmes différentes, son avocat, parmi les plus aguerris du barreau new-yorkais, a marqué des points. 
En octobre, Ben Brafman a obtenu l'abandon d'un des six chefs d'inculpation: celui correspondant à la plainte de Lucia Evans, une ex-aspirante actrice qui affirmait que M. Weinstein, longtemps admiré pour la qualité de ses films, l'avait contrainte à une fellation en 2004.
 

- Succession d'erreurs -

 
Les procureurs ont renoncé à poursuivre cette accusation, après qu'il est apparu qu'un détective chargé de l'enquête n'avait rien dit aux procureurs d'un témoignage contredisant le récit de Mme Evans aux policiers.
Une amie de Mme Evans avait indiqué l'avoir entendue dire qu'elle avait en fait accepté la fellation pour obtenir un rôle.
M. Brafman fait valoir que le détective, Nicholas DiGaudio, a commis d'autres erreurs. Il a notamment suggéré à une autre accusatrice, Mimi Haleyi, qui accuse Harvey Weinstein de fellation forcée en 2006, d'effacer de son téléphone portable les messages potentiellement embarrassants pour elle, contrairement aux instructions des procureurs.
L'accusation aurait aussi manqué de divulguer à la défense de très affectueux messages envoyés à M. Weinstein par Mme Haleyi après son agression supposée, introduisant le doute sur un rapport forcé.
Autant d'erreurs qui ont "irréparablement entaché" tout l'acte d'accusation, selon M. Brafman.
Mais les procureurs rejettent ces arguments. 
Selon eux, l'accusatrice a bien remis tout le contenu de son portable aux enquêteurs, et les erreurs du détective, écarté depuis, ont affecté uniquement le cas de Mme Evans.
Quant aux e-mails, ils soulignent que rien ne les obligeait à les dévoiler à la défense à ce stade.
Il n'empêche: depuis octobre, beaucoup spéculent sur l'affaiblissement du dossier des procureurs, les mêmes qui furent obligés de jeter l'éponge face à Dominique Strauss-Kahn - également défendu par Ben Brafman - dans l'affaire du Sofitel en 2011.  
Les erreurs du détective ont créé "la surprise" dans ce dossier, souligne Barbara Barron, professeur de droit à l'université Hofstra. 
"La question est jusqu'où les actions du détective peuvent peser sur les autres chefs d'accusation", "j'ignore ce que fera le juge", dit-elle, sans risquer de pronostic.
 

- Dossier "solide" -

 
Pour Bennett Gershman, professeur à l'université Pace, c'est précisément pour éviter une "contamination" des autres chefs d'inculpation que les procureurs ont renoncé à poursuivre les accusations de Mme Evans. 
Pour cet ex-procureur, il ne fait "aucun doute" que le juge maintiendra les poursuites.
Le parquet dispose toujours, selon M. Gershman, d'un dossier "solide" avec les deux accusatrices restantes, quels que soient leurs échanges avec M. Weinstein après leur agression. 
"Elles disaient des gentillesses à Weinstein: est-ce surprenant?" dit-il. "On a un homme extrêmement puissant (...) qui contrôlait littéralement leur réputation et leur carrière". 
Si les poursuites ne sont pas abandonnées, Ben Brafman se battra aussi pour empêcher l'accusation de citer comme témoins d'autres femmes disant avoir subi les assauts sexuels de M. Weinstein, mais ayant renoncé à le poursuivre au pénal.
Les dépositions de cinq femmes non plaignantes ont été décisives lors du second procès en avril de l'ex-star de la télévision américaine Bill Cosby, accusé lui aussi d'agressions sexuelles répétées mais jugé pour une seule. Il a été condamné à une peine de trois ans de prison au moins, première victoire de l'ère #MeToo.
Si les poursuites sont maintenues, le juge pourrait fixer dès jeudi une date pour le procès de M. Weinstein, resté en liberté moyennant le port d'un bracelet électronique et un million de dollars de caution.
En cas de procès, les jurés devront juger "s'il y a eu consentement ou consentement involontaire", avance M. Gershman, avant de prédire: "si les femmes témoignent avec force, Weinstein perdra".

le Jeudi 20 Décembre 2018 à 05:21 | Lu 217 fois