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Guadeloupe: un an après la crise sociale, les mêmes difficultés persistent


Crédit Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Crédit Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Pointe-à-Pitre, France | AFP | dimanche 19/11/2022 - Accès à l'eau potable, vie chère et chômage des jeunes: un an après la crise sociale qui avait secoué la Guadeloupe, les mêmes difficultés qui avaient conduit à des semaines d’émeutes demeurent, malgré les tentatives d’action des pouvoirs publics.

"Je ne sais pas pour les autres mais pour ceux dont je m'occupe, des jeunes de Carénage, je n'ai rien vu changer", soupire un éducateur dans ce quartier défavorisé de Pointe-à-Pitre, qui préfère rester anonyme.

En mars 2022, un "plan d'actions interministériel pour la jeunesse" avait été présenté par l'ancien ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu. Il prévoyait, entre autres, d’importants financement pour les établissements scolaires et le renforcement de l’aide à l’insertion des jeunes dans le milieu professionnel.

"L'instance qui doit être un guichet unique pour les politiques jeunesse n'existe pas encore", note quant à lui Nicolas Joachim-Eugène, du réseau Média Jeune, qui fait collaborer des jeunes de tous horizons sur des questions diverses. "C'est long, mais il y a une dynamique qui existe et qui a la confiance de tous", souligne-t-il.

Du côté des pouvoirs publics, le président du conseil départemental Guy Losbar rappelle que, pour répondre à la crise de 2021, les élus locaux s'étaient unis pour "élaborer une plate-forme de préconisations".

"Parmi elles, un certain nombre de mesures ont déjà commencé à être mises en œuvre", ajoute-t-il, estimant "primordial de co-construire les politiques publiques" avec l’État et les collectivités.

Début novembre, l’État, le Département, la Région et le Syndicat mixte chargé de la gestion des eaux et de l'assainissement de la Guadeloupe ont signé une feuille de route commune sur le sujet, déclenchant l'ire des oppositions et les railleries des syndicats. Ces derniers fustigent la mainmise de l’État sur le système quand les exécutifs locaux demandent plus de pouvoir.

Soignants toujours suspendus

"On voit nos élus se satisfaire de voir l’État mettre quelques millions dans cette question mais on sait qu'il faut plusieurs milliards pour réparer les tuyaux et les usines", a récemment commenté la patronne de l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) Maïté Hubert M'Toumo, lors d'une manifestation en soutien aux soignants suspendus, pour qui la situation n'a pas évolué.

Parmi le personnel hospitalier, 2% sont toujours suspendus de leurs fonctions en raison de leur refus de se faire vacciner contre le Covid-19 et ont refusé toutes les propositions de sortie de crise par le gouvernement, selon l'ARS.

Côté vie chère et malgré le "bouclier qualité prix" mis en place depuis 2012 pour plafonner le prix des produits de grande consommation, ces derniers n’ont cessé d’augmenter. Moins vite cependant qu'en France hexagonale, pour les biens comme pour les services, note l'Insee qui relève une augmentation locale de 3,5% sur 14 mois.

Depuis un an, "rien n’a véritablement changé", constate Olivier Nicolas, à la tête des socialistes de Guadeloupe, dans l'opposition aux exécutifs locaux. Pour lui, "le sentiment d’impuissance publique" se renforce dans la population, faute de réponses aux "enjeux économiques, sociaux ou climatiques". "La Guadeloupe est une terre volcanique. Le calme entre deux éruptions ne signifie jamais que le volcan s’est éteint par miracle", ajoute-t-il.

Les émeutes de 2021 avaient donné lieu à "93 enquêtes" parmi lesquelles "14 pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique", a chiffré à l'AFP le procureur de la République de Pointe-à-Pitre Patrick Desjardins. 73 condamnations ont été prononcées, "allant des travaux d'intérêt généraux à de l'emprisonnement ferme avec mandat de dépôt", a également indiqué le parquet.

L'affaire la plus importante reste celle dite des "Grands Frères", pour laquelle la juridiction interrégionale spécialisée de Fort-de-France avait été saisie: en janvier, le parquet de Pointe-à-Pitre avait révélé un volet d'organisation minutieuse des émeutes mettant en scène des chefs de gangs, questionnant leur liens avec le syndicat, mais aussi des politiciens locaux.

le Lundi 21 Novembre 2022 à 01:19 | Lu 199 fois