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Gianna la fille assassinée, la victime oubliée par sa famille


Ido Tehei, partie civile dans ce procès d'assises avec son avocate Me Viviane Genot.
Ido Tehei, partie civile dans ce procès d'assises avec son avocate Me Viviane Genot.
PAPEETE, mardi 12 mars 2013. La première séance 2013 de la Cour d’assises au Palais de justice de Papeete s’est ouverte ce mardi matin avec la comparution de Jeannot Tuhiri, 68 ans, accusé de l’assassinat de sa fille Gianna, âgée de 45 ans. Le procès devrait durer deux jours et le verdict est attendu demain soir, mercredi. Si l’accusé s’est présenté de lui-même devant les gendarmes de Papara, quelques minutes à peine après son geste meurtrier, les jurés devront déterminer s’il y a eu ou non préméditation dans cette affaire, pour savoir si le sexagénaire doit être condamné ou non à la réclusion criminelle à perpétuité. Il est depuis cet assassinat en détention provisoire à la prison de Nuutania.

Les faits s’étaient déroulés le matin du 25 janvier 2011, le jour du 45e anniversaire de Gianna dans une servitude de Papara où la famille Tuhiri -le grand-père Jeannot, sa fille Gianna et son mari, mais aussi son petit-fils Manutea- vivait jusqu’au jour du drame rassemblée dans plusieurs maisons mais sur une seule propriété familiale. Entre les divers membres de la famille les relations n’étaient pas très bonnes car Gianna fréquentait depuis quelques mois un autre homme que son mari, en l’occurrence un voisin, ce qui provoquait la colère de son père Jeannot. Ce 25 janvier 2011 un peu avant 9h, Jeannot aurait forcé Gianna à aller rendre visite à son amant avec lui pour discuter de la situation. En arrivant sur place après seulement quelques phrases échangées, Jeannot Tuhiri sort un pistolet Smith et Wesson calibre 38 tire sur l'amant de sa fille qu’il blesse au crâne puis tire deux fois sur sa fille : une balle mortelle l'atteint au cou, l'autre au bras. Il prend le temps d’aller prendre une douche, de se changer, d’enlever les cartouches qui restent dans son pistolet, et se rend chez les gendarmes avec son arme pour se constituer prisonnier.

Beaucoup ont alors pensé que le père sexagénaire, régentant son petit monde sur le domaine familial avait agi pour l’honneur de sa famille, jugeant amorale la conduite de Gianna, délaissant son mari pour un voisin. Mais après la première matinée du procès c’est une autre situation qui s’étale au grand jour. En effet, l’enquête a permis de révéler que Jeannot Tuhiri entretenait des relations sexuelles tarifées avec sa fille depuis trois ans, ce que tout l’entourage familial ignorait. A la barre, l’accusé explique que sa fille se serait offerte à lui plusieurs fois pour lui demander de l’argent, car elle avait perdu son emploi. A chaque fois le père versait -a posteriori- des sommes pouvant aller jusqu’à 100 000 Fcfp. Le jour-même de l’assassinat, il est avéré que père et fille ont eu une relation sexuelle vers 5h30. Cette fois Gianna avait demandé 50 000 Fcfp. Trois heures et demi plus tard Gianna était fauchée par une balle de pistolet 38, une arme que son père gardait depuis plus de 20 ans dans une armoire familiale. Alors le mobile est-il de sauver le déshonneur familial en raison du comportement de Gianna ou la jalousie malvenue d’un père à l’égard de sa fille qui paraissait enfin heureuse avec son amant ?

Deux ans après le drame tragique, ce qui surprend le plus dans cette affaire est l’oubli absolu et pesant dans lequel la victime décédée se trouve reléguée. En effet, l’avocat général l’a souligné lui-même dans l’une de ses interventions : aucun membre de la famille Tuhiri ne s’est porté partie civile en mémoire de Gianna. Ni son mari, si son fils Manutea qui est parti depuis les faits en métropole intégré dans une école de gendarmerie, ni même sa mère, ni encore ses frères. La seule partie civile dans ce procès est l’amant, très diminué et en fauteuil roulant depuis les faits qui a également demandé la représentation pour Gianna, précise Me Viviane Genot son avocate. «Toute la famille fait bloc autour de Jeannot, le patriarche tout-puissant. Alors que pour moi, il a agi comme un mari bafoué et jaloux du nouveau bonheur de sa fille. Pour nous, la préméditation est évidente. La partie inverse va certainement tenter de démontrer qu’il n’y a pas de préméditation». Au final, ce sera aux jurés mercredi soir de rendre un verdict dans cette affaire de huis clos familial malsain où les pires secrets et tromperies font surface.


Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 12 Mars 2013 à 15:16 | Lu 4416 fois