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Fritch et Temeharo peuvent cumuler gouvernement et CGF


Tahiti, le 21 janvier 2021 – Le Conseil d'État a rejeté deux recours d'Yves Conroy demandant de constater les incompatibilités, prévues selon lui par le statut de la Polynésie française, entre les fonctions de membres du gouvernement et de président et vice-président du CGF de René Temeharo et Édouard Fritch.
 
Le Conseil d'État vient de trancher une question soulevée depuis maintenant quelques années par le célèbre "justiciable polynésien" Yves Conroy, surnommé ainsi au fil de ses nombreux recours intentés en qualité de simple "justiciable" mais souvent destinés à titiller les personnalités politiques de tout bord. Yves Conroy s'est en effet intéressé à l'interprétation de plusieurs articles du statut prévoyant les conditions d'incompatibilité des membres du gouvernement, avec dans le viseur, le président Édouard Fritch et son ministre René Temeharo.
 
À l'origine de l'argumentation juridique d'Yves Conroy : l'article 75 du statut prévoyant que le président du gouvernement, son vice-président et ses ministres sont soumis aux mêmes règles d'incompatibilité que les représentants à l'assemblée. L'article 111, ensuite, qui prévoit que le mandat de représentant est incompatible avec "les fonctions de directeur ou de président d'établissement public, lorsqu'elles sont rémunérées". Enfin, l'article 77 qui pose que le président, son vice-président et ses ministres sont tenus de choisir dans un délai d'un mois suivant leur entrée en fonction, s'ils abandonnent l'une ou l'autre de leurs fonctions, s'ils se retrouvent dans l'un des cas d'incompatibilité prévus par le statut. Ce dernier article précisant surtout que s'ils ne font aucun choix dans un délai d'un mois, ces élus sont "réputé(s) avoir renoncé à (leurs) fonctions de président ou membre du gouvernement de la Polynésie française"
 
Or, il se trouve que le ministre René Temeharo et le président Édouard Fritch sont respectivement président et vice-président du Centre de gestion de formation (CGF) et qu'ils touchent à ce titre une indemnité de fonction. Yves Conroy a donc demandé au haut-commissaire de constater ce qui constituait selon lui une incompatibilité à même de contraindre le président du Pays et son ministre de l'Équipement de quitter le gouvernement… Le haut-commissaire ne l'a pas entendu de cette oreille. Et son interprétation du statut a été confirmée jeudi par le Conseil d'État.
 
Indemnité n'est pas rémunération
 
Dans sa décision rendue dans la nuit de mercredi à jeudi en Polynésie, la juridiction parisienne a expliqué que "l'indemnité" de fonction touchée par le président du CGF, René Temeharo, n'était pas considérée au regard de la législation sur le statut des fonctionnaires communaux et de leurs établissements publics comme une "rémunération". Il s'agit en fait d'une indemnité de même nature que celles prévues pour l'exercice de fonctions électives locales, comme les indemnités de maire ou d'adjoint. Pour le Conseil d'État, l'indemnité de fonction de président du CGF ne correspond donc pas à une rémunération en tant que président d'établissement public. René Temeharo peut continuer à exercer ses deux mandats.
 
Pour Édouard Fritch, l'affaire a été bien plus rapidement balayée, le cas d'un "vice-président" d'établissement public n'étant pas mentionné parmi les cas d'incompatibilité prévus par le statut.
 
Virginie Bruant et la Sacem
 
Un troisième et dernier recours d'Yves Conroy au Conseil d'État a également été rejeté jeudi, mais en revanche uniquement sur la forme. Ce dernier attaquait la situation de l'élue Tapura à l'assemblée, Virginie Bruant, également gérante et directrice générale de la Sacem Polynésie. Or, l'article 111 du statut prévoit qu'il est "interdit à tout représentant à l'assemblée de prendre une part active aux actes relatifs à une affaire à laquelle il est intéressé, soit en son nom personnel, soit comme mandataire". Mais sur ce point précis, le Conseil d'État a opposé à Yves Conroy que la loi organique ne permettait pas à un simple justiciable de lui demander de déclarer démissionnaire d'office une élue concernée par ce type d'incompatibilité. Cette prérogative étant réservée au haut-commissaire ou aux représentants de l'assemblée. Ou quand le "justiciable polynésien" se heurte lui aussi aux incompatibilités de son propre statut...
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 21 Janvier 2021 à 21:24 | Lu 2477 fois