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Fifo : “Il faut faire attention à nos îles !”


Tahiti, le 4 février 2025 - Le Festival international du film océanien (Fifo) est officiellement ouvert depuis ce lundi. Après “un très beau week-end off”, les projections ont démarré. L’événement, 22e du genre, poursuit ses missions originelles : porter loin les récits, les combats et les espoirs des peuples insulaires océaniens.
 
La cérémonie officielle d’ouverture du 22e Festival international du film océanien (Fifo) a eu lieu ce lundi soir. En matinée, les membres du jury ont été présentés à l’occasion d’une conférence de presse, en présence notamment des partenaires et des fondateurs. L’un d’eux, Wallès Kotra, est revenu sur l’évolution du Fifo. “Son rôle a toujours été de comprendre les enjeux, d’être dans les crises et de participer à la reconstruction”, a-t-il souligné, faisant référence aux derniers mois vécus en Nouvelle-Calédonie. “Nous avons beaucoup réfléchi avec le secteur de l’audiovisuel à nos missions : que dire ? Comment alerter ?
 
“Nous avons beaucoup avancé, mais nous n’avons pas gagné”
 
Il a rappelé que le festival était né d’abord pour “exister”. Le Pacifique a longtemps été restreint à ses paysages. Il a été “un continent invisible”, considéré avec “exotisme et paternalisme”. “Nous avons montré qu’il y avait des femmes et des hommes, nous avons raconté les histoires et les cultures.” Mais aujourd’hui, il faut aller plus loin. “Nous avons beaucoup avancé, mais nous n’avons pas gagné.” Les diffuseurs sont désormais sensibles aux témoignages océaniens, les responsables conscients de leur importance, les acteurs ont gagné en compétences, mais “de nouveaux risques pèsent”.
 
Wallès Kotra a listé les “guerres qui s’annoncent”, “la remise en cause des frontières”. Il a évoqué ce pays, “l’un des plus grands pays de la planète qui ne sait plus qui il est”, a parlé de “l’impuissance de l’Organisation des Nations unies”, des “stratégies des Gafa incompréhensibles” et de la montée en puissance de l’intelligence artificielle. “Il faut faire attention à nos îles”, a-t-il insisté. À présent, il ne faut plus seulement “montrer que l’on existe”, il faut “résister”.
 
Des récits “profonds et engagés”
 
Dans ce contexte, la projection de films documentaires aux sujets variés prend tout son sens. Pour Vaitua Tokoragi, le directeur de la Maison de la culture qui est partenaire du Fifo, il faut continuer à “explorer, raconter, porter les paroles océaniennes à travers le monde”. Chaque film est “une fenêtre ouverte sur les récits, les combats et les espoirs insulaires”. Les œuvres, chacune unique, réalisées par des passionnés, sont autant de récits “profonds et engagés”.
 
Pour Paul Léandri, chef de mission aux affaires culturelles du haut-commissariat, le Fifo permet tout à la fois de “regarder qui nous sommes” mais aussi “de s’interroger sur tout ce qui se passe ailleurs”. Les documentaires sont aussi des fenêtres sur l’ailleurs. “On ne se nourrit que de la différence”, a-t-il conclu.
 
La journée de lundi a été, comme d’habitude, consacrée aux scolaires. Car, au-delà de projeter des films, le Fifo “a un rôle de transmission”, a rappelé Tiaura Tiatoa, chargée de mission culturelle au ministère de l’Éducation et de la Culture. Le grand public prendra le relais ce mardi, jour des premiers visionnages pour le jury du festival. La soirée de remise des prix est prévue vendredi à partir de 19 heures au Grand théâtre.
 
 

Ben Salama, président du jury
“J’ai l’intention d’être un médiateur”
 
Vous êtes le président de jury de cette 22e édition, est-ce un rôle que vous avez déjà joué ?
Non, c’est la première fois, c’est une charge difficile. Je vais faire comme dans certaines cultures. Le chef écoute avant d’essayer de faire une synthèse, il n’impose pas son point de vue. Aussi, j’échangerai avec les autres, sans m’effacer, mais je tiendrai compte de ce que diront les autres. Être président, c’est être capable de créer une ambiance pour un débat franc, parfois âpre, mais grâce auquel on parvient au consensus. Il faut créer ce climat pour avancer vers un palmarès le moins injuste possible. Car un palmarès est toujours injuste, ce n’est jamais facile.”
 
Comment abordez-vous ce Fifo ?
Je l’aborde avec humilité parce que je suis entouré de jurés de très grande qualité. J’ai l’intention d’être un médiateur, un passeur de parole et non un président qui impose ses points de vue, cela m’intéresse de créer un débat professionnel, humain, autour de ces dix œuvres qui ont l’air d’une très grande qualité. Le travail de présélection a été formidable. Je suis très heureux d’être là, et j’espère être à la hauteur des enjeux de ce festival et des attentes du jury.”
 
Qu’est-ce qui fait un bon film, selon vous ? Quels seront vos critères ?
Je juge sur la capacité de l’auteur à avoir un regard personnel sur une réalité qu’il raconte, à faire passer de l’émotion, de l’information, avec un minimum de qualité professionnelle. Un film, comme toute œuvre artistique, doit être porté par des qualités cinématographiques, il faut qu’il y ait ce souffle artistique. Je viens avec un esprit de curiosité. Il y a des réalités que je ne connais pas dans la région. Je vais voir si les réalisateurs ont la capacité de m’émouvoir, de m’apprendre des choses.”
 
Connaissez-vous l’Océanie ?
Je ne peux pas dire que je connais l’Océanie, je connais un peu la Nouvelle-Calédonie pour avoir réalisé trois films sur ce territoire, j’y suis allé cinq fois. Je ne suis venu qu’une seule fois en Polynésie pour présenter un film que j’avais réalisé il y a dix ans. Je n’ai donc pas la prétention de connaître la région, mais ça m’intéresse, je m’informe, je viens avec beaucoup d’humilité et de curiosité pour écouter, voir et apprendre.
 

Pratique

Jusqu’au 9 février 2025 dans les espaces de la Maison de la culture.
Tarifs : pass une journée : 1 000 francs, pass week-end :  1 500 francs, pass semaine : 4 000 francs. Gratuit pour les moins de 26 ans.
www.fifotahiti.com
FB : FIFO Tahiti
[email protected]
 

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 4 Février 2025 à 06:21 | Lu 545 fois