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Fabien Dinard fait rayonner sa culture


TAHITI, le 13 janvier 2021 - Le directeur du Conservatoire artistique de Polynésie française revient sur cette année 2020 qui a marqué le Pays en général et le monde de la culture en particulier. Il aborde 2021 avec beaucoup d’espoir mais aussi, d’humilité.

L’année 2020 a été difficile, la culture a payé un lourd tribut, elle a perdu des êtres chers, des piliers. Elle a perdu ses scènes et son public. "Nous abordons 2021 avec beaucoup d’espoir, et d’humilité", indique Fabien Dinard, le directeur du Conservatoire artistique de la Polynésie française (CAPF).

Jusqu’aux derniers jours de décembre, le Conservatoire a tout fait pour maintenir le maximum de rendez-vous. En octobre, il a reprogrammé les spectacles sur le marae Arahurahu.

Il a organisé une captation du concert de Noël qui s’est tenu sans public et qui a été diffusé le soir de Noël. Une initiative en réaction à la situation. "On a été obligé de travailler autrement", admet le directeur qui continue à se battre pour faire vivre les arts, la culture et pour mener à bien les missions sociales de son établissement. "Dans le négatif, on trouve toujours du positif."

"On a servi de laboratoire"

Pour l’établissement, le corps enseignant, les élèves et leurs familles, l’année n’a pas été de tout repos. Il a fallu, pendant le confinement, mettre en place des cours en distanciel.

Puis, mettre en place un protocole d’accueil particulier quand le Conservatoire a rouvert ses portes début juin.

Un système de mesures sanitaires a été établi. Il a servi de modèle à d’autres écoles de danse notamment. "On a, en quelque sorte, servi de laboratoire."

Le système : marquage au sol, gel, distanciation, masque, parcours de déplacement, fonctionne bien car il n’y a pas eu de cluster à déplorer.

"Tout le monde a joué le jeu et je les en remercie", se réjouit Fabien Dinard. Le Conservatoire accueille tout de même 2000 élèves chaque semaine. La rentrée 2020-2021 s’est faite suivant les mêmes exigences.

Cette année, le nombre d’inscriptions a chuté de près de 10%. Ce qui, en plus de l’absence de spectacles, pèse sur les finances. Toutefois l’équipe est plus motivée que jamais pour mener à bien les missions de l’établissement.

Fabien Dinard est un homme très attaché à sa culture et la transmission de celle-ci au plus grand nombre. Il cherche par tous les moyens à faire entrer les enfants du quartier dans l’établissement.

Par ailleurs, voyant l’intérêt des classes Cham-Chad (voir encadré), le Conservatoire avec le lycée Gauguin, soutenus par le ministre de l’Éducation et celui de la Culture, travaillent à l’ouverture d’un baccalauréat technologique théâtre/musique/danse pour la rentrée scolaire 2021-2022.

Cela pourrait "bouleverser le destin de certains élèves". C’est une voix royale qui ouvre les portes des métiers de la culture.

Une enfance entre Taunoa et Papenoo

Fabien Dinard a grandi en Polynésie dans une famille originaire des Australes et dans un quartier habité par des Pa’umotu.

"J’ai grandi entre Taunoa et Papenoo, entre ma famille adoptive et mes grands-parents. Petit, je dansais déjà avec les autres enfants de mon quartier sur les paquebots. C’étaient des danses pa’umotu. Ce n’était pas trop mon truc", avoue-t-il.

Au début, il dansait pour "faire comme les copains, c’était fun, on s’amusait". Lorsqu’un paquebot accostait, événement assez rare et donc extraordinaire dans les années 70-80, Fabien y était invité avec la troupe de danse de Taunoa pour y faire un show.

La représentation était donnée dans la grande salle de spectacle du bateau. "À l’issue on avait à manger et à boire. On pouvait aussi aller au cinéma !"

Surf, basket ball, handball, football, va’a, cross country… Il a en plus pratiqué beaucoup de sport à haute dose et, pour certains, à haut niveau. "On pouvait passer nos journées dans l’eau à surfer", se rappelle celui qui a fait treize Hawaiki Nui avec, pour certaines, en enchainant les 3 étapes de Huahine à Bora Bora.

"J’ai dû arrêter la rame", regrette-t-il "car je suis devenu allergique au soleil". Les autres sports ont laissé eux, doucement mais sûrement, la place à une pratique physique mais artistique : la danse.

"Coco m’a inculqué l’amour de mon pays"

À la veille de ses 20 ans, il a intégré la grande troupe de Temaeva de Coco Hotahota à laquelle il est resté fidèle plus de 20 ans.

"C’est Coco qui m’a inculqué l’amour de mon pays, le culte du beau, le respect des traditions. Il m’a fait rencontrer et écouter les anciens." Sa disparition en mars 2020 a beaucoup affecté Fabien Dinard.

En 1995, Coco Hotahota lui a lâché les rennes de sa troupe. "Il m’a fait entièrement confiance, je ne sais pas pourquoi", affirme Fabien Dinard qui, l’année suivante, était consacré meilleur danseur au Heiva.

"Ma vie tournait autour de la danse. On dansait pratiquement tous les soirs". Après le baccalauréat, Fabien Dinard a passé le concours de l’École normale. Il est resté quatre ans dans l’Éducation avant de se tourner complètement vers les arts traditionnels.

À partir de 1997, il a donné des cours de danse et de culture et civilisation polynésienne au Conservatoire dont il a pris la direction en 2005.

Il a accepté de relever ce qu’il a considéré comme un challenge "pour participer à la reconnaissance non seulement des arts traditionnels mais aussi de ceux qui la font vivre, en Polynésie mais aussi ailleurs dans le monde". Il pose des pierres au quotidien pour que sa culture rayonne.

Plus de 400 élèves en Cham-Chad

Le dispositif Cham/Chad (classes à horaires aménagés en musique classique et arts traditionnels) consiste à aménager, dans certains établissements scolaires, des classes dédiées à l’enseignement musical (classique et traditionnel) et chorégraphique traditionnel.

L’enseignement est dispensé par les enseignants du Conservatoire artistique de la Polynésie française, sur temps scolaire et dans les établissements demandeurs, et pour lesquels il a été possible de répondre favorablement.

Les élèves inscrits à ces cours sont sélectionnés par les établissements et font l’objet d’évaluations qui sont prises en compte dans le cursus scolaire de l’élève.

Le programme d’une classe Cham/Chad est assuré en collège avec l’éducation musicale et l’éducation physique et sportive et en Conservatoire avec la pratique instrumentale et chorégraphique.

Les élèves intégrés dans ces classes participent aux deux grands galas de la section des arts traditionnels.

Au total, depuis leur création il y a 6 ans, 400 élèves ont déjà pu en bénéficier.
 

Une part croissante de chant

L’année 2020 devait être l’année des langues polynésiennes car, selon Fabien Dinard "la langue est l’essence même de la culture, d’un peuple. Nous avons mille élèves en arts traditionnels qui ne maîtrisent pas les langues polynésiennes, j’aimerais qu’ils s’en imprègnent, qu’ils comprennent ce qu’ils chantent".
L’accent est mis, depuis, sur le chant qui va prendre une part croissante dans les enseignements. Déjà une chorale de jeunes talents a vu le jour, ce sont des élèves issus de la classe de coaching vocal de Bruno Demougeot ainsi qu’une classe de storytelling. Les efforts engagés depuis un an vont être maintenus.

Programme 2021 du Conservatoire

Ce programme est soumis à l’évolution des contraintes sanitaires.

30 janvier : concert des professeurs
12 mars : concert de la journée internationale de la femme
21 mars : opéra en langue tahitienne – Te tura mā'ohi
27 et 28 mars : concert Nuits du jazz
24 avril : concert des deux harmonies
30 avril : concert Rock en scène
7 mai : spectacle des classes de théâtre
12 mai : concert des chœurs du Conservatoire et des petits ensembles
21 et 22 mai : concert de l’orchestre symphonique et des voix polynésiennes. Les divas seront à l’honneur.
28 mai : spectacle de la classe de storytelling
19 juin : grand gala des arts traditionnels
21 juin : fête de la musique
23 juin : concert des lauréats
3, 10, 17, 24 et 31 juillet : spectacle vivant sur le marae Arahurahu
25 septembre : concert de la journée internationale de la paix
4 décembre : concert des enfants malades
11 décembre : concert des solidarités avec le petit orchestre à cordes et portes ouvertes de la section des arts traditionnels

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 13 Janvier 2021 à 17:03 | Lu 2223 fois