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Eparses: comment éradiquer la chèvre de M. Rosiers et autres espèces introduites


EUROPA, 25 juillet 2014 (AFP) - Quand M. Rosiers a débarqué sur Europa en 1860 avec quelques chèvres, il n'imaginait pas qu'elles deviendraient une menace pour son écosystème comme d'autres espèces introduites sur les îles Éparses et qu'il s'agit maintenant d'éradiquer.

Ce colon français en provenance de Tuléar (Madagascar) est finalement reparti assez vite. Si les poules et les ânes ne lui ont pas survécu, les chèvres se sont parfaitement adaptées sur cette île du sud-ouest de l'océan Indien qualifiée de "perle des Éparses", pour son état de préservation.

"Le cheptel est estimé entre 500 et 800 têtes, elles s'attaquent à la végétation", explique à l'AFP Clément Quétel, du service environnement des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), gestionnaires des Éparses depuis 2007.

"Les chèvres broutent la piste du Transall, c'est pratique, mais aussi les euphorbes (plantes), qui sont l'habitat de plusieurs espèces d'oiseaux. Il n'y a pas encore de programme d'éradication", admet-il.

Il fut un temps où les militaires, qui assurent de leur "résidence Robinson" la souveraineté de la France, avaient le droit de les chasser pour améliorer l'ordinaire. Mais depuis le renforcement des normes sanitaires, adieu la brochette de cabri.

En revanche, les soldats sont mis à contribution pour lutter contre une "peste végétale" qui menace les 750 hectares d'euphorbaie: le choca. Contrairement à une autre plante de type agavacée, le sisal, qui est attaqué par des cochenilles et en voie de dégénérescence, le choca nécessite une action manuelle fastidieuse. Il faut déraciner chaque agavacée, en retourner la souche, couper le mât avant la floraison et la formation des bulbilles (bouture naturelle) pour éviter qu'elles ne se répandent à terre et ne prennent racine.

Si les bulbilles sont déjà formées, il faut les ramasser une à une (à raison de 100 à 200 bulbilles par mât), les ramener au camp et les mettre à moisir dans des fûts d'eau de mer. Ce plan de "déchocage" a formellement été lancé en 2013 par les TAAF avec l'appui technique du Conservatoire botanique du Mascarin.

- Les chats dédaignent rats et souris -

Les rongeurs sont arrivés dans toutes les îles avec les hommes, dans les cales des bateaux. "Et la sottise a été d'introduire des chats pour lutter contre les rats et les souris. Pour un chat, il est plus facile d'attraper des reptiles et des oeufs d'oiseaux", signale Matthieu Le Corre, directeur du laboratoire d'Écologie marine (Ecomar) de la Réunion.

A Juan de Nova, où la colonie de sternes est tombée de 2 millions de couples en 2003 à 400.000 en 2013, environ 90% des chats ont été tués entre 2006 et 2011. "C'était la plus grande colonie de sternes de l'océan Indien: on ne sait pas si ce sont uniquement les chats ou des variations de l'océan (et donc la quantité de poissons, ndlr), ou le cumul des deux, qui ont dézingué des milliers de sternes par an", relève M. Le Corre.

Le rat est ainsi en "forte densité" sur Europa, et s'attaque aux oeufs des nids au sol. Engager une action de dératisation sur les 30 km2 de l'île nécessiterait des moyens qui ne sont pas disponibles.

En revanche, sur deux îles beaucoup plus petites, une telle extermination a eu lieu et avec des effets spectaculaires. En 2003, l'île du Lys, dans l'archipel des Glorieuses, a été nettoyée, éliminant la principale menace des noddis bruns et des sternes fuligineuses qui sont maintenant 250.000 à venir nicher chaque année.

Sur le kilomètre carré de Tromelin, une dératisation a aussi été menée en 2005. "Ces trois dernières années, nous sommes passés d'environ 200 couples par espèce de fous à entre 800 et 1.000. C'est un très joli résultat, une super dynamique", s'enthousiasme le directeur d'Ecomar.

"Avec plus d'oiseaux, plus de déjections fertilisantes et donc plus de couvert végétal, l'île réagit très vite à l'extinction de son principal perturbateur", se réjouit le chercheur. Au XVIIIe siècle, 10 espèces d'oiseaux avaient été décrites sur l'île, il n'y en avait plus que deux dans les années 2000. "Les frégates, les sternes et le noddis se remettent à fréquenter l'île, pour l'instant sans se reproduire. Ca va peut-être revenir", espère-t-il.

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Rédigé par () le Jeudi 24 Juillet 2014 à 11:01 | Lu 403 fois