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Electricité : grogne à Makemo face au "bricolage" de Te Mau Ito Api


PAPEETE, 29 août 2017 - Le maire de Makemo multiplie les gestes pour dénoncer l’indigence et les nuisances du système provisoire de fourniture d’électricité mis en place par la société Te Mau Ito Api. Depuis la mi-août un générateur électrique diésel de 300 kWa est installé dans la partie peuplée du village de Pouheva, suite à un problème de câble.

Félix Tokoragi, maire de Makemo, organise une réunion publique mercredi pour faire un point de situation à ses administrés, concernant la fourniture d’électricité par la société d’économie mixte Te Mau Ito Api. Sur place, ça commence à grogner. D’abord, le village a été privé de courant pendant deux jours. Ensuite, ça fait bientôt 15 jours que l’électricité est servie aux 215 abonnés de Pouheva grâce à une installation de fortune. Et rien ne permet aujourd'hui d'espérer une amélioration rapide de ce dispositif.

Le problème est survenu le 17 août, après qu’un câble sous-terrain assurant le transport électrique moyenne tension sur 900 mètres, de la centrale de production vers la zone peuplée de l’atoll, ait semble-t-il été sectionné. L’incident avait causé l’interruption pendant 2 jours du service de fourniture d’électricité à 168 des 215 abonnés de l’atoll, ceux du grand village.

La solution imaginée par la société Te Mau Ito Api a été ce que certains riverains qualifient aujourd’hui de "bricolage dans l’urgence". Le dispositif repose sur l’emprunt d’un groupe électrogène privé de 110 kWa, en attendant que le réseau soit rétabli. Le générateur a été placé sur le site de la centrale électrique de Makemo pour alimenter le petit village ; le groupe de 300 kWa de la centrale a quant à lui été déplacé pour être installé au centre du grand village et fournir les 3/4 des abonnés de l’atoll. C’est le magasin Opareke qui a accepté de prêter à titre gracieux le petit générateur, "pour quelques jours et par solidarité avec la population", précise Jean-Claude Muller, le propriétaire.

Sauf que 10 jours sont passés depuis, le groupe tourne en permanence, et Jean-Claude Muller est sans nouvelle de Te Mau Ito Api, malgré "quatre courriers" restés lettres mortes dans lesquels le généreux propriétaire demande à la SEM de reconnaître par écrit cet emprunt, pour se couvrir en cas de pépin. "Si le groupe claque, je n’ai aucune garantie et une partie de l’île se retrouve sans électricité ; si je le retire, je passe pour le méchant", analyse le gérant du magasin en prise avec cette situation cornélienne.

S’il permet de fournir en électricité les 168 abonnés de la partie principale du village de Pouheva, depuis bientôt deux semaine cet aménagement provisoire finit par lasser une partie grandissante de la population. Le générateur est "installé sous un simple chapiteau, sur un terrain qui fait face à l'église catholique, au milieu des habitations, sans protections sonores, des émanations et des fumées qui se dégagent du groupe électrogène et qui incommodent les habitants qui vivent à proximité", décrit Félix Tokoragi. Et pour compléter, 8000 litres de carburant sont entreposés à proximité. Le maire de Makemo multiplie les appels par voie de communiqué, après avoir "fait part aux autorités du Pays et de l'Etat de sa très vive inquiétude". Tous ses appels sont restés sans réponse, pour l’instant. Une plainte a même été déposée au parquet de Papeete, lundi, contre la SEM "pour danger imminent envers la sécurité sanitaire et physique de ma population", comme l'ont annoncé nos confrères de TNTV.

Sous contrat d'affermage depuis 2006, depuis bientôt 10 ans, la SEM Te Mau Ito Api se charge de la fourniture électrique à Makemo, sur la base d’un modèle économique qui produit un déficit de 20 millions Fcfp par an, depuis que son parc d’éoliennes n’est plus en fonction. Endettée pour plusieurs dizaines de millions de francs, notamment 70 millions Fcfp auprès de la banque BPCE, la société d’économie mixte (66,4 % détenue par le Pays, et par deux sociétés du groupe Auroy, la Sedep (16,7 %) et la société en liquidation Spres à 16,8 %) dit avoir du mal à remédier par ses propres moyens à ce "bricolage".

Jean-Louis Chailly, le dirigeant de Te Mau Ito Api, préfère se tourner vers son actionnaire majoritaire : "le Pays à tous les leviers en main pour régler ce problème". La société a prévenu la commune de Makemo mardi qu’elle n’était pas en mesure de financer les réparations nécessaires pour un retour à la normale, sur l’atoll. La commune estime qu'il incombe à la SEM de remédier à cette situation, en vertu de son contrat d'affermage. On sait depuis longtemps que le Pays veut en finir avec Te Mau Ito Api. "Peut-être que tout le monde attend un nouveau black-out ; mais ça ferait tâche dans un atoll comme Makemo", estime Corinne Levy, la secrétaire générale de la commune.



Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 29 Août 2017 à 15:38 | Lu 2560 fois