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Economies de santé : les médecins invitent la CPS à négocier


Economies de santé : les médecins invitent la CPS à négocier
Solution provisoire de sortie de crise, 214 conventions individuelles ont été conclues entre médecins du secteur libéral et Caisse de prévoyance sociale, en août dernier, pour rétablir un semblant de fonctionnement normal du secteur de la santé, en Polynésie française. Pour l’usager, la restauration du tiers-payant et le maintien des tarifs médicaux ont matérialisé ce retour à la normale, après plusieurs mois de dysfonctionnement, début 2012.
Mais les points de désaccord entre les praticiens et la Caisse demeurent tandis qu’officiellement les négociations ont été interrompues fin juillet. L’annexe tarifaire de la convention individuelle signée en août arrive à échéance le 31 décembre 2012 et la CPS entend appliquer la nouvelle grille de codification des actes médicaux, la CPAM qui s’accompagnera d’une redéfinition du tarif des actes.
"On demande aux professionnels de santé un effort de -5% pour 2013. Tout cela est conventionnel et vous savez que pour l’instant leur réponse est négative, au contraire ils veulent plus", déplorait Luc Tepata, la semaine dernière, évoquant l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve la Caisse de prévoyance sociale en 2013, avec une diminution prévue de ses recettes de 2.7 Mds Fcfp, et griffant au passage le syndicat des médecins libéraux de Polynésie française.
Les différends demeurent entre médecins libéraux et CPS, la nouvelle année pourrait illustrer à quel point rien n’est vraiment réglé. Pascal Szym, le président du syndicat des médecins libéraux de Polynésie française, commente la situation et appelle à la reprise des négociations avec la caisse.

Tahiti infos : Les médecins libéraux sont 214 à avoir signé la convention individuelle en août dernier. La CPS envisage d’instaurer dès janvier 2013 la Codification polynésienne des actes médicaux (CPAM) qui est une adaptation de la CCAM avec des tarifs indexés. Comment envisagez-vous cette perspective ?

Pascal Szym : D’abord, les médecins sont favorables au passage à la CPAM, par souci de précision. En revanche, si la CPS impose son indexation des tarifs de la CCAM avec un coefficient de 1,4, cela réalise une diminution de 25 à 40% des honoraires des médecins, selon les spécialités. Et cela est inacceptable. Pendant ce temps, la CPS continue son œuvre de désinformation en prétendant que les professionnels de santé demandent toujours plus. Les médecins n’ont jamais demandé à augmenter leurs honoraires depuis 2009. On demande simplement qu’ils soient maintenus. Et je précise au passage que depuis 2009, les honoraires payés par la CPS aux médecins sont passés de 4.9 Mds Fcfp par an à un peu moins de 4 Mds Fcfp en 2012. Le volume de nos honoraires a baissé de 20% dans ce laps alors que les actes ont conservé la même valeur. En somme on a déjà contribué à réaliser 20% d’économies, sur les dépenses d’assurance maladie de la CPS. Dans ce contexte, nous redemander 25% à 40% d’efforts : comment voulez-vous que l’on accepte ? Les médecins vont quitter le territoire. Certains sont déjà partis. Le passage à un coefficient de 1,4 scellerait le départ de plus de la moitié des spécialistes.

Tahiti infos : Justement, interrogé la semaine dernière en marge des discussions sur le budget du régime général des salariés à la CPS, Luc Tapeta dénonçait votre attitude en vous reprochant de ne pas vouloir participer à l’effort d’économies que mène la Caisse.

Pascal Szym : La CPS cherche des boucs émissaires. Les médecins n’ont jamais demandé plus. Maintenant, si la CPS entend nous faire participer à l’effort d’économies et qu’il s’agit de 5%, cela change complètement la donne. Je vous rappelle que l’on parle d’un effort de 25 à 40% avec le passage à la CPAM.
D’autre part l’argument évoqué tous les ans depuis 2009 est la baisse des recettes : on demande aux professionnels de santé de compenser le manque à gagner. Nous ne sommes pas là pour boucher les trous de la CPS. Je vous rappelle que les honoraires des médecins libéraux représentent moins de 4 Mds Fcfp cette année sur un budget de 50 Mds Fcfp de l’Assurance maladie. On ne peut pas nous faire supporter tous les efforts d’économies de la CPS.

Economies de santé : les médecins invitent la CPS à négocier
Tahiti infos : Un effort de 5% sur vos honoraires ne vous poserait-il donc aucun problème ?

Pascal Szym : Ca reste dans les négociations. Si la base de négociation est de 5% effectivement on devrait arriver à un accord. Maintenant, l’effort demandé est de 5% à tous les professionnels et établissements de santé, sauf pour le CHPF. Pourtant c’est le plus gros poste de dépenses : près de 21,5 Mds Fcfp en 2012. Pourquoi demande-t-on 5% aux établissements de santé et rien au mammouth ?

Tahiti infos : Etes-vous encore en négociation avec la CPS ?

Pascal Szym : Nous ne sommes pas opposés à la tenue de négociations. J’ai personnellement adressé un courrier à M. Tapeta, le président du conseil d’administration de la CPS, où je lui demande de reprendre les négociations. Cela fait plus d’un mois ; je n’ai toujours pas reçu de réponse.

Tahiti infos : Vous avez attaqué la loi de pays sur les médicaments génériques, devant le conseil d’état. Luc Tapeta a estimé que le retard de sa mise en œuvre coûtera 800 millions Fcfp à la Caisse en 2013. Pourquoi avez-vous contesté cette loi sur les génériques?

Pascal Szym : La loi de pays sur les médicaments compte 68 articles. Les 45 premiers concernent effectivement des mesures d’économie, nous y sommes favorables sans réserve. Malheureusement, cette loi de pays comporte également des sanctions disciplinaires qui sont inadmissibles pour la profession. Nous avons attaqué les sanctions et certainement pas les mesures d’économie.
Dans la grande majorité, tous les médecins sont favorables aux médicaments génériques. Et le fait de prescrire des génériques n’a aucune incidence comptable pour les médecins.



Tahiti infos : Dans la dernière phase des négociations en juillet, la CPS a tenté de travailler avec vous sur la maîtrise du volume des prescriptions, comme niche substantielle d’économie. Cette voie vous semble-t-elle prometteuse ?

Pascal Szym : C’est effectivement souhaitable. Le chiffre varie de 16 Mds Fcfp à 22 Mds Fcfp par an. Les médecins n’ont jamais eu d’intérêt personnel à prescrire plus. Ces prescriptions sont faites dans l’intérêt du malade. Mais il y a certainement des économies qui peuvent être réalisées dans ce domaine. Nous avons proposé 24 mesures d’économie à la CPS, en juillet. Aucune suite n’a été donnée à cette proposition.
Je pense que si nous travaillons en collaboration avec les médecins contrôleurs de la CPS, nous arriverons à quelque chose de concret. Nous sommes volontaires pour faire un effort d’économie dans cette branche. Ce n’est qu’une question de travail en collaboration.


Tahiti infos : Finalement vous acceptez un effort sur les honoraires, vous êtes volontaires pour contribuer à l’effort d’économie sur les prescriptions : quel est le point de désaccord avec la caisse ?

Pascal Szym : Ca a toujours été les tarifs. Tant que la CPS essayera de nous imposer le coefficient de 1,4 sur les tarifs métropolitains de la CCAM, on sera en désaccord. Le jour où ce fameux coefficient passera attendez-vous à une réaction très dure de notre part.

Tahiti infos : Qu’en est-il de la cohésion de votre syndicat, dans cette perspective ?

Pascal Szym : Cette cohésion a été extrêmement mise à mal avec la signature des conventions individuelles, en juillet. Je pense que c’était le but recherché par la CPS. La caisse aimerait que les médecins généralistes ne soient plus solidaires avec les spécialistes, elle sème la division dans nos rangs.
Mais quoiqu’il en soit, le moment venu, avec les bonnes personnes aux bons endroits on pourra se faire entendre avec fermeté.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 21 Novembre 2012 à 11:44 | Lu 1868 fois