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Deux entomologistes américains à la recherche de nouvelles espèces polynésiennes


PAPEETE, le 6 juillet 2015 - Basés en Polynésie française pendant un peu plus d'un mois, deux chercheurs américains s'intéressent aux petites bêtes du territoire. Ils se déplacent dans les îles, s'enfoncent dans les vallées, arpentent les monts, pour observer les araignées et les insectes. Et, en particulier les papillons de nuit.

En journée ils marchent, sac au dos. La nuit, ils tendent leur drap éclairé et posent leur piège pour retenir les arthropodes et insectes de passage. Darko Cotoras et Peter Oboyski sont deux entomologistes américains de passage pour étudier la biodiversité de nos îles. Ils sont arrivés le 13 juin et repartiront le 25 juillet. À leur retour en Amérique, ils compareront les résultats de leur recherche à ceux trouvés dans d'autres îles du Pacifique pour mieux comprendre le phénomène de spéciation (voir encadré Mieux comprendre).

TOUTES LES NUITS ON TROUVE DEUX OU TROIS ESPÈCES

Darko Cotoras est post-doctorant à l'Académie des sciences californienne. Il est venu pour étudier la diversification des araignées dans les îles de la Société en comparaison avec d'autres archipels du Pacifique (Hawaii, Rapa nui). Il collecte des spécimens sur le terrain qui seront conservés pour analyse génétique. Peter Oboyski est conservateur à l'Université de Californie. Ses recherches portent sur les modes de diversification des insectes (notamment les papillons de nuit) et des araignées dans les îles de la Société. Lui aussi collecte des spécimens sur le terrain qui seront conservés pour analyse génétique. Ensemble, ils travaillent dans le cadre d'un accord de collaboration entre le Pays et l'Université de Californie à Berkeley, soutenus par la délégation à la recherche de Polynésie française. Leur mission va les mener à Tahiti, Taha'a et Huahine. Rencontrés à la veille de l'ascension du mont Pihaaiateta, ils ont fait le point sur leurs premières "récoltes" au mont Aorai et Te Maru ata. "Toutes les nuits ont trouve deux ou trois espèces potentiellement nouvelles", assure Peter Oboyski. "La biodiversité à Tahiti est très peu connue! Notre travail participe à une meilleure connaissance de la biodiversité et des processus évolutifs même si, à chaque sortie, nous avons toujours plus de questions."

À la question: pourquoi chercher à mieux connaître la biodiversité et le processus évolutif associé? Peter Oboyski répond: "Nous les hommes avons une responsabilité, celle de protéger la biodiversité, mais cela ne suffit pas, il faut aussi protéger les facteurs qui participent à l'enrichissement de cette biodiversité et au fonctionnement global des écosystèmes." Pour illustrer ces dires, Jean-Yves Meyer, délégué à la recherche précise "qu'il ne faut pas protéger seulement une espèce d'arbre. C'est toute la forêt dont il faut prendre soin car le système forestier capte l'eau et la stocke, stabilise les pentes, capte le dioxyde de carbone." La protection de l'environnement est une notion qui doit aujourd'hui prendre de la hauteur.


Mieux comprendre la spéciation

La spéciation désigne un processus évolutif : c'est l'apparition d'une nouvelle espèce végétale ou animale. Pour mieux comprendre le processus, il convient d'abord de définir le terme d'espèce. En biologie, une espèce est une communauté d'individus qui peuvent se reproduire entre eux et dont les descendants sont fertiles (féconds). Une espèce n'apparait pas instantanément. Le processus de spéciation s'inscrit dans le temps et résulte de la sélection naturelle et/ou de modification génétique. Par exemple, des individus d'une espèce de papillons de nuit vivant en Indonésie voyagent jusqu'à Tahiti. Sur ce nouveau territoire, ils évoluent au fil des années, voire des siècles, donnant naissance à des individus différents des ancêtres qui peuvent avoir une couleur différente, des organes plus courts ou plus longs, etc. C'est la spéciation.

Découvrir une nouvelle espèce, une course de fond

Avant de pouvoir déclarer qu'ils ont découvert une nouvelle espèce les chercheurs doivent suivre un parcours parfois assez long. Tout commence par la phase inventaire sur le terrain. Le chercheur, spécialiste par exemple des papillons de nuit, rencontre un individu sur le terrain qu'il ne connait pas. Il le prélève. Il le photographie au cas où l'échantillon serait perdu. Puis il en appelle à la communauté scientifique internationale. Il se rapproche des autres spécialistes de papillons de nuit pour leur demander s'ils n'ont pas déjà vu l'individu trouvé. Enfin, il rédige un article qui passe en comité de relecture avant publication. C'est cette dernière étape, la publication, qui valide définitivement la découverte. Les noms donnés aux nouvelles espèces sont souvent des hommages aux proches du chercheur/découvreur ou à d'autres chercheurs.


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 6 Juillet 2015 à 14:32 | Lu 1489 fois