Tahiti Infos

Départ de 22 professeurs-stagiaires : le vice-recteur s'explique


"J'ai un raisonnement professionnel". Dans l'interview qu'il a accordée à Tahiti Infos, le vice-recteur Jean-Claude Cirioni explique pourquoi 22 lauréats (sur 42) des concours de l'enseignement supérieur sont affectés en métropole. Il s'agit selon lui de critères "objectifs" : sur ce chiffre, explique-t-il, 4 ne remplissent pas les conditions pour une affectation sur le territoire. Quant aux autres, il s'agit simplement de leur "offrir des conditions de stage optimales", ce que le vice-recteur estime difficile sur un petit vice-rectorat qui compte seulement 4 inspecteurs d'académie spécialisés dans la discipline.
Selon lui, ces professeurs reviendront sans difficulté en Polynésie à la fin de leur année de stage, puisque c'est le ministère polynésien de l'éducation qui choisit les professeurs affectés au Fenua.

Jean-Claude Cirioni revient également sur la fermeture controversée du vice-rectorat pendant 15 jours, du 14 juillet au 1er août, fermeture qu'il explique par la révision complète du système informatique.

Interview

Jean-Claude Cirioni
Jean-Claude Cirioni
Tahiti Infos : Revenons d'abord sur la fermeture du vice-rectorat (VR). Elle a été critiquée par les étudiants qui étaient dans l'impossibilité de déposer leur demande de passeport mobilité-études. Que répondez-vous à ces critiques?

Jean-Claude Cirioni : Nous avons fermé pour des raisons de maintenance informatique. Au vice-rectorat, nous avons en charge la gestion de tous les systèmes informatiques, qui gèrent, en gros, les 72 000 élèves qui sont inscrits. Depuis mon arrivée, j'ai fait doter le VR de logiciels de gestion que nous n'avions pas. J'entends passer de dossiers "gomme crayon papier", comme on fait à l'heure actuelle, à des dossiers entièrement électroniques, notamment pour tout ce qui concerne les déplacements en avion,que ce soit pour les billets du personnel, pour les passeports mobilité.... et les usagers s'y retrouveront.
De plus, au mois de juin, tous nos serveurs se sont bloqués. Il a fallu passer à un autre type de système, des serveurs "virtuels". Nos services ne pouvaient pas travailler dans ces conditions, puisqu'il fallait arrêter tous les systèmes. Nous avons choisi la période la plus favorable, celle où les établissements scolaires sont fermés. Nous avions prévenu de notre fermeture par voie d'affiche. Et je rappelle que dans tous les rectorats, et même au ministère, où il y a juste une permanence restreinte, il y a une fermeture traditionnelle d'une quinzaine de jours.

Tahiti-Infos : N'était-il pas possible d'assurer une permanence pour les étudiants qui devaient déposer leurs dossiers de passeport mobilité-études?

Tahiti-Infos : Je rappelle tout d'abord que nous avons lancé la campagne des passeports mobilité-études il y a un bon bout de temps. Et tous les dossiers que nous avions reçu avant le 13 juillet avaient été traités avant notre fermeture. Quant à ceux qui viennent maintenant, il y a certaines situations aberrantes : certains n'ont toujours pas leur avis de bourse, car ils ont attendu le mois de juin pour faire une demande qui se fait normalement au mois de février! Je ne jette pas la pierre aux retardataires. Il nous reste 10 jours pour traiter ces dossiers, et nous le faisons, sans imposer le délai d'un mois avant le départ. Mais j'ai vu quand même des situations étonnante : par exemple une grand-mère venue déposer un document pour son petit-fils ou sa petite fille. Je peux vous annoncer que tout ceci est terminé. A partir de l'année prochaine, les dossiers seront électroniques. Les étudiants feront leur demande sur internet. Et il y aura des dates limites : par exemple, du 10 février au 10 mars. La grand-mère que j'ai vue dans l'ascenseur n'aura plus à se déplacer.

Tahiti-Infos : Abordons maintenant le deuxième point, celui des professeurs stagiaires. Est-ce votre décision de les faire partir en métropole?

Tahiti-Infos : Le vice-recteur gère les personnels titulaires mis à disposition sur le territoire. Les professeurs stagiaires, eux, sont gérés par le ministère de l'éducation nationale à Paris. A titre dérogatoire, il est possible que certains puissent faire leur stage en Polynésie. En général, le ministère demande au vice-recteur de faire remonter la liste de ceux qu'il peut accueillir, en fonction des postes et des compétences disponibles sur le territoire. Je rappelle que ces jeunes vont faire une année de formation professionnelle de haut niveau : ce sont des cadres A de la fonction publique. Comme nous n'avons pas suffisamment de place pour accueillir ces stagiaires dans de bonnes conditions, j'ai appliqué deux critères de sélection: le fait d'avoir des enfants en bas-âge, et la présence d'un inspecteur d'académie spécialisé dans la discipline. Or il y a en a peu en Polynésie : quatre ! Sur ce, je propose ma liste au ministère. 21 resteront en Polynésie, et au-delà j'estime qu'on ne sera plus dans des conditions optimales de formation. La décision finale appartient au ministère.
Je considère que pour des jeunes qui VONT revenir au pays, c'est une chance : c'est le seul moment de leur carrière où ils seront formés sur la didactique, l'épistémologie de leur discipline, et l'actualité des réformes. Cette formation doit être riche de rencontres diverses et variées : c'est un temps d'échange exceptionnel entre pairs. Ils vont travailler en collège et en lycée, préparer les élèves au baccalauréat... La moindre des choses, c'est qu'ils aillent se former dans une académie où ils trouveront toutes les possibilités. Je ne dis pas qu'ici on forme mal, mais c'est évident que c'est beaucoup plus restreint.

Tahiti-Infos : Leur retour en Polynésie à l'issue de leur année de stage est-il garanti?

Tahiti-Infos : C'est le mot "garanti" qui me dérange. Mais oui, ils rentreront, puisque c'est le ministre polynésien de l'éducation qui choisit les professeurs qui sont affectés en Polynésie. Ce mode de fonctionnement est une garantie pour eux. Jusqu'à présent, les gens qui ne sont pas rentrés, c'est parce qu'ils ne l'ont pas voulu.
Mais rappelons aussi que si un fonctionnaire a d'énormes avantages, comme la garantie de l'emploi à vie, il doit aussi accepter les règles.

Tahiti-Infos : Leur problème est aussi financier: ils perdent l'indexation qu'ils auraient eu en métropole, et n'ont pas les avantages des enseignants mutés en Polynésie, comme la prise en charge de leur billet d'avion...

Tahiti-Infos : Ils ont quand même un salaire, comme tous les professeurs stagiaires. Leur salaire avoisinera les 2000 euros brut (En Polynésie leur salaire aurait été indexé de 1,84). Ils auront comme les autres une prime d'installation. Quant au billet d'avion, je les ai encouragés hier à faire une demande de passeport mobilité. Mais la vraie question qu'on peut se poser, c'est : est-ce que l'aspect financier est plus important que la formation professionnelle ? Un raisonnement comme celui-là pose problème. Et je le dis, il y a une incompréhension en métropole vis-à-vis de ce type d'arguments. Des habitudes ont été prises, mais à un moment il faut gérer avec des règles claires et objectives.

le Mercredi 3 Août 2011 à 14:23 | Lu 3700 fois