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Décès de l'ancien député-maire de Papeete Jean Juventin


Jean Juventin a été maire de Papeete de 1977 à 1993. (Photo : Ville de Papeete).
Jean Juventin a été maire de Papeete de 1977 à 1993. (Photo : Ville de Papeete).
PAPEETE, 28 mai 2019 - Jean Juventin est décédé mardi matin dans sa 91e année. La Polynésie perd avec lui un homme qui a marqué le paysage politique local des années 70 à la fin des années 90.

L'ancien député-maire de Papeete, président de l'assemblée de la Polynésie française à six reprises, Jean Juventin, est décédé ce mardi dans sa 91e année, des suites d'une maladie. Il s'était retiré depuis la fin des années 90 du champ de la vie publique.

"Avec sa disparition, c’est une page de la vie politique polynésienne qui se tourne, constate Edouard Fritch dans un communiqué transmis en début d'après-midi, en adressant "ses plus sincères condoléances" à la famille et aux proches du défunt.

Gaston Tong Sang salue la mémoire d'un homme qui a "façonné l’histoire de la Polynésie française et de ses institutions". Le président de l’assemblée de la Polynésie française adresse un message de condoléance aux proches de "cette grande figure de l’histoire politique locale (...) qui siégea bien avant lui au perchoir de la troisième institution du Pays".

"C’est avec une profonde tristesse que nous adressons nos condoléances à sa famille, à ses proches, à ses amis et à tous ceux qui sont touchés par la perte de cette figure de l’histoire de notre pays", communique la mairie de Papeete sur sa page Facebook. 

Le corps de Jean Juventin sera exposé en salle du conseil municipal de l’hôtel de ville de Papeete, ce mercredi à partir  9 heures. Une veillée est prévue en soirée. 

Dates clés de la vie publique de Jean Juventin

Le site de l'assemblée de la Polynésie française retrace, sous la plume de l'historien Jean-Marc Regnault, les grandes étapes de la vie de cet homme politique qui a marqué le paysage polynésien des années 70 à la fin des années 90.

Né le 9 mars 1928 à Papeete, Jean Juventin avait suivi une scolarité à l’École Centrale pour se lancer professionnellement dans une carrière d'instituteur, avant d'être promu directeur adjoint de l’école du Lagon bleu, puis nommé directeur de l’école 2+2 de Punaauia.

Il adhéra au Pupu Here Ai’a dès sa fondation par John Teariki en 1965 et devint rapidement une personnalité en vue de ce parti. 

Après la mort de John Teariki, le congrès du parti nomme Jean Juventin président du Here Ai’a, en décembre 1983. Cependant, des rivalités internes, avec Milou Ebb notamment, affaiblirent le parti que ce dernier abandonna d’ailleurs l’année suivante, suivi par les démissions de Hans Carlson et de Jean Laurey. Le Here Ai’a apparut vite comme sclérosé dans le souvenir des fondateurs et incapable de proposer une alternative crédible à la montée en puissance du Tahoera’a et bientôt du Tavini.

La ligne politique devint erratique, soutenant tantôt la gauche métropolitaine ou la droite, combattant Gaston Flosse ou se ralliant à lui en septembre 1991, avant d’en redevenir un adversaire acharné en 1994.

Le ralliement à Gaston Flosse fut expliqué par cet argument si banal en Polynésie : "Plus que jamais, le Here ai’a a le devoir, par sa participation au gouvernement du Territoire, de veiller et de guider notre peuple" (février 1992).

Les documents qui émanaient alors du parti et signés Jean Juventin étaient en réalité rédigés par son conseiller, José Wild. L’excellence de ces documents était cependant telle qu’elle n’avait plus guère de rapport avec la réalité polynésienne. Le parti perdit rapidement militants et électeurs, les scissions et exclusions se multipliant.

Jean Juventin entra au conseil municipal de Papeete en 1966, mais démissionna en juillet 1974 après une querelle de personnes avec le maire Tetua Pambrun.

Leader d’une liste électorale de coalition comprenant des membres du Here Ai’a, du E’a Api et des partis indépendants, Jean Juventin fut élu maire de Papeete en mars 1977.

La population de la capitale le réélit ensuite régulièrement en 1983 et 1989. Jean Juventin reçut le président de la République François Mitterrand en mai 1990. Le chef de l'Etat était venu inaugurer la nouvelle mairie de Papeete. Il eut ces mots à l'adresse de son hôte : "Jean Juventin, c’est la Polynésie du cœur", reprenant par là un des slogans du parti.

En 1993, réélu député, il dut tenir compte de la législation sur le cumul des mandats et céder son fauteuil de maire à Louise Carlson. Sous ses mandats, Papeete fut la première ville de Polynésie à avoir un réseau d’eau potable.

Il fut aussi conseiller de gouvernement chargé de la Jeunesse et des Sports de 1967 à 1972, conseiller territorial depuis 1977 et président de l’Assemblée territoriale, élu le 8 décembre 1987, le président Roger Doom n’étant plus conseiller de l’assemblée avec le retour dans l’hémicycle des ministres démissionnaires. 

Réélu ensuite au perchoir de l’assemblée territoriale en 1988, 1989, 1990 et 1991, il perdit cette fonction pour la céder à Émile Vernaudon le 28 mars 1991, avant de la retrouver l’année suivante. En janvier 1992, le président en titre ayant bloqué l’assemblée, Jean Juventin appuyé par la majorité prit le titre et réunit les conseillers au Conseil économique social et culturel (CESC). Le 2 avril 1992, il fut élu à nouveau et réglementairement président de l’assemblée. Fonction qu'il occupa jusqu’au 6 mars 1995.

Jean Juventin fut en outre député de la Polynésie française de 1978 à 1986 (réélu en 1981) contre des candidats du Tahoera’a, puis de 1993 à 1997 grâce à l’alliance avec le Tahoera’a, face à Oscar Temaru. Lors de son premier mandat, il fut apparenté UDF. En 1981, il fut non-inscrit, mais proche parfois des socialistes. En 1993, il fut élu sous l’étiquette RPR et adhéra à ce groupe à l’Assemblée nationale, mais s’en détacha en mars 1995 pour adhérer au groupe République et liberté.

Il connut des ennuis avec la justice dès 1992 dans l’affaire du golf d’Opunohu, avec Alexandre Léontieff. Jean Juventin a été condamné, le 5 mai 1998, pour "trafic d’influence" à trois ans de prison dont dix-huit mois fermes, 18 millions d’amende et cinq ans de privation de ses droits civiques. Cela mit un terme à sa carrière politique même s’il tenta de reconquérir la mairie de Papeete en 2001. Il garda de cet épisode judiciaire un profond sentiment d’injustice, estimant avoir été victime de la confiance qu’il avait placée en certains de ses collaborateurs.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 28 Mai 2019 à 15:15 | Lu 3011 fois