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Croissance au Fenua : cap maintenu, vigilance sur la consommation


La Polynésie reste le territoire français ultramarin qui s’en sort le mieux économiquement. ©photo d'illustration
La Polynésie reste le territoire français ultramarin qui s’en sort le mieux économiquement. ©photo d'illustration
Tahiti, le 26 août 2025 - Malgré un contexte international tendu – retour de Donald Trump aux États-Unis, guerre en Ukraine et instabilité politique en France – la Polynésie française continue de faire figure d’exception économique dans l’outre-mer. Selon les Comptes rapides 2024 publiés par l’Institut de la statistique (ISPF), l’économie du fenua a progressé de 1,1 % en volume, après un solide +2,8 % en 2023. Un rythme certes ralenti, mais suffisant pour confirmer que la richesse créée localement poursuit son ascension.
 
En 2024, le PIB polynésien est estimé à 700 milliards de francs. Par habitant, il frôle les 2 millions de francs constants. Un niveau encore loin des standards hexagonaux (plus de 5 millions), mais en amélioration continue. “Nous avons effacé les pertes de la crise Covid et retrouvé un rythme de croissance modéré mais régulier”, résume Julien Vucher-Visin, le chef du département études et synthèses économiques à l’ISPF*.
 
La demande intérieure comme moteur
 
La croissance a reposé d’abord sur la demande interne, c'est-à-dire la consommation des ménages, la consommation publique et les investissements. La consommation des ménages, qui a représenté près des deux tiers du PIB, a progressé encore (+1,3 % en volume), soutenue par un pouvoir d’achat en hausse, grâce à l’augmentation de la masse salariale et au reflux de l’inflation (+1,2 % contre 3,3 % en 2023). 
 
La consommation publique a, elle aussi, fortement contribué en 2024, dopée par les dépenses liées aux Jeux olympiques. Organisation, sécurité, infrastructures : l’État et les collectivités ont multiplié les investissements et les dépenses de fonctionnement. Ces crédits supplémentaires ont directement soutenu l’activité locale, notamment dans la construction et les services. Les JO ont eu un effet d’entraînement significatif, explique l’ISPF. Ils ont généré des commandes publiques, stimulé le bâtiment et favorisé la masse salariale. 
 
Le marché du travail a enregistré en 2024 une amélioration notable : 2 000 emplois salariés supplémentaires, un taux de chômage en baisse à 7,5 %, et une part d’emplois précaires au plus bas depuis cinq ans.
 
Le talon d’Achille reste le commerce extérieur. Les exportations chutent de 6 %, plombées par l’effondrement des ventes de perles (–45 % après une année 2023 exceptionnelle). Dans le même temps, les importations progressent légèrement (+1,3 %). Résultat : la balance commerciale est historiquement déficitaire, car on importe énormément (énergie, biens de consommation, matériaux) et on exporte relativement peu (perles, coprah, tourisme). En 2024, ce déficit a atteint –146 milliards de francs. Toujours en 2024, les investissements privés, eux, sont demeurés atones, freinés par le coût du crédit immobilier malgré une récente détente des taux.
 
Un climat des affaires exceptionnellement optimiste
 
Un élément distingue la Polynésie du reste de l’outre-mer français : le moral des chefs d’entreprise. Selon l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM), l’indice du climat des affaires reste au-dessus de 100 depuis près de deux ans – signe qu’il y a davantage d’optimistes que de pessimistes. “C’est une situation exceptionnelle, souligne Thierry Beltran, directeur de l’IEOM. Partout ailleurs, dans l’outre-mer et en métropole, l’indice est en baisse. Ici, il progresse à nouveau depuis le deuxième trimestre 2025.” La reprise du crédit en 2025 confirme cette confiance : après une baisse en 2024, les financements repartent à la hausse. “Depuis le début de l'année, on observe une reprise de l'investissement des ménages. On a une production de crédit qui augmente de 25 %, après une plus forte baisse l'année dernière. Et c'est pareil pour les entreprises”, poursuit Thierry Beltran. 
 
Au total, la Polynésie reste le territoire français ultramarin qui s’en sort le mieux économiquement. Elle continue de créer de la richesse, portée par ses ménages, ses entreprises et ses investissements publics. Mais un risque plane pour 2025 : un essoufflement de la consommation des ménages. Plusieurs signes apparaissent : hausse du taux d’épargne, ralentissement du commerce de détail et baisse du crédit à la consommation.
 
Le principal danger serait un coup d’arrêt brutal de la consommation, pilier de notre croissance”, avertit Julien Vucher-Visin. Pour l’heure, l’économie polynésienne garde le cap, mais son avenir immédiat dépendra de la capacité des ménages à continuer de consommer et des entreprises à investir.
 
*Les “Comptes économiques rapides” sont publiés chaque année par l’ISPF dans le cadre du projet Cerom (avec l’AFD et l’IEOM). Il s’agit d’une estimation précoce de l’activité économique, basée sur une modélisation et les premières données disponibles de l’année précédente. Ces chiffres peuvent être révisés une fois toutes les données consolidées.

2025 : l’export repart, mais la consommation fléchit
 
Les premiers résultats de l’année 2025 confirment la bonne santé générale de l’économie polynésienne, mais révèlent un basculement : ce ne sont plus les ménages qui tirent la croissance, mais la demande extérieure comme les exportations de biens (perles, coprah…), de services (surtout le tourisme international) ou encore les services de transport. 
 
Au premier semestre, le chiffre d’affaires global des entreprises est stable, mais les secteurs liés au tourisme affichent de belles performances : +6 % au premier trimestre, +3 % au deuxième. Les nuitées touristiques bondissent de 8 %, portées par le marché nord-américain et le regain de l’hébergement terrestre marchand (+10 %). En somme, les hôtels et pensions remplissent bien leurs chambres et les touristes dépensent directement dans l’économie locale.
 
Côté exportations, la perliculture repart à la hausse après le creux de 2024, tout comme le coprah et le noni. Seule la pêche est en recul, en particulier les ventes de thon vers les États-Unis.
 
En revanche, la consommation des ménages marque le pas : ralentissement du commerce de détail, importations stables, hausse de l’épargne et baisse du crédit à la consommation. Si l’inflation reste contenue (sous les 2 %), les ménages apparaissent plus prudents.
 
Le marché du travail reste bien orienté, porté par le tourisme, les services et la construction, tandis que l’investissement public continue de bénéficier des fonds d’État et européens.
 
Le climat des affaires, après un léger repli début 2025, repart à la hausse, confirmant l’optimisme des chefs d’entreprise. Mais la Polynésie reste exposée aux incertitudes internationales (États-Unis, prix du pétrole, tensions géopolitiques) et au risque majeur d’un ralentissement durable de la consommation interne.

Comptes économiques rapides 2024 
 
PIB 2024 : 700 milliards de francs (+1,1 % en volume)
 
PIB par habitant : 2 millions de francs constants
 
Consommation des ménages : +1,3 % (514 milliards de francs)
 
Pouvoir d’achat : +2,3 % 
 
Exportations : –6 % (perles –45 %)
 
Déficit commercial : –146 milliards de francs
 
Emploi salarié : +2 000 emplois (+3,2 %), chômage à 7,5 %
 
Masse salariale : +6,1 %
 
Climat des affaires : >100, le plus optimiste d’outre-mer
 
 

Rédigé par Darianna Myszka le Mardi 26 Août 2025 à 14:25 | Lu 1713 fois