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Cour d'assises : le récit d’un terrible et meurtrier gâchis


PAPEETE, le 11 septembre 2014. Ce jeudi, Erwin A. comparaissait devant la Cour d’assises de Papeete pour des violences commises sur Denise, sa concubine, ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Il risquait 20 ans de réclusion criminelle. Il a écopé de six ans de réclusion criminelle.

Quatre coups de poing tous portés au visage, un seul véritablement mortel, selon les experts médicaux, le dernier. «J’ai donné, j’ai ramené. Les trois premiers étaient légers. Le 4e, il était sec» admet l’accusé. Un coup du poing droit porté sur le maxillaire gauche de la victime. Denise, 29 ans, s’écroule inconsciente et pour elle, c’est déjà trop tard. Elle succombe d’une hémorragie méningée traumatique massive, le décès est constaté par le SMUR à 22h40. «Un seul coup de poing avec une énergie cinétique suffisante peut provoquer un décès par hémorragie» précise le médecin expert devant les jurés. L’occasion pour tous de comprendre que des coups, à mains nues, peuvent être mortels, seulement parce qu’ils sont suffisamment puissants et bien placés. Dans le cas de Denise, le coup de poing fatal a provoqué un traumatisme crânien avec un gonflement immédiat de l’artère gauche. C’est le cas classique d’une urgence neurochirurgicale quasi irréversible.

Erwin a frappé sa vahine ce soir de janvier 2013, presque sans prévenir. Il est 20h35, elle vient à peine de rentrer à la maison au fin fond d’une vallée encaissée de Faa’a, après avoir passé son après-midi à boire en ville avec de vagues connaissances, en sortant de son boulot de femme de ménage. Elle est pas mal saoule : 1,43 gramme d’alcool par litre de sang. Elle a donc ingurgité près d’un litre et demi de bière. Pourtant Denise était une bonne mère, une bonne épouse, une femme travailleuse et courageuse, c’est ce qui ressort de tous les témoignages versés au dossier judiciaire de ce procès aux Assises.
Quand elle rentre chez elle ce soir-là, Denise se retrouve face à Erwin qui ne boit plus depuis 2005, au point de devenir intolérant et autoritaire avec la boisson. Lui, c’est un sportif et il ne boit plus que de l’eau. «Je n’étais même pas vraiment énervé, mais quand elle est rentrée j’ai senti qu’elle avait bu, je me suis emporté» explique-t-il avec des sanglots dans la voix, depuis le box des accusés. En l’attendant ce soir de janvier 2013, alors que les trois enfants sont couchés, il avait fumé quelques joints.


Erwin et Denise vivaient en couple depuis une douzaine d’années, une belle histoire parsemée néanmoins de lourdes embûches. Elle a 17 ans à peine quand elle se met en couple avec son tane, le seul et unique de sa vie. L’année précédente elle avait obtenu la condamnation de son père qui l’avait violée. Ils ont un premier enfant lourdement handicapé moteur en 2001, puis deux autres âgés aujourd’hui de 6 et 5 ans. Il y a déjà eu des disputes dans le couple et même de précédentes violences, à coups de poing et de pied, bien plus légères néanmoins, qui avait valu à Erwin une condamnation au tribunal correctionnel, en janvier 2012.
A deux reprises, Erwin est parti six mois en métropole pour accompagner les opérations chirurgicales sur leur fils aîné. Pendant ce temps c’est Denise qui trimait pour élever les deux petits. Quand le drame se produit en janvier 2013, il n’est revenu à Tahiti que depuis un mois. Peut-être que Denise a un peu changé durant cette absence ? Il semble qu’elle se soit remise à boire, parfois plus que de raison, ce qu’Erwin ne supporte pas, car dans ces moments-là il avait peur «de la perdre».

Rien, toutefois, qui ne puisse justifier cette volée de coups qui pleuvent sur elle sans prévenir. «Je ne voulais pas la tuer, mais je voulais qu’elle arrête de boire à l’extérieur». Pour protéger Denise des démons de l’alcool qui l’envahissaient peu à peu, Erwin a choisi la manière forte, sans même réfléchir à la portée de ses actes, ignorant même qu’avec ses poings il pouvait aller jusqu’à tuer celle qu’il aimait, la mère de ses enfants. Denise est morte à 29 ans en laissant derrière elle trois jeunes enfants mineurs. Personne, à part un de ses frères cité comme témoin dans l’affaire, n’est venu assister hier au procès.
Autour d’Erwin, en revanche, une famille soudée dans ce malheur collectif qui arrache à chacun des témoins des larmes d’émotion. «On n’accepte pas ce qu’il a fait» explique le père de l’accusé venu quand même défendre son fils à la barre. «Il n’est pas méchant mon fils» lance sa mère. L’avocat général a requis 12 ans de réclusion à son encontre. Les jurés l’ont condamné à six ans de prison. Avec des remises de peine pour bon comportement, Erwin pourrait rejoindre sa famille d’ici un an.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 11 Septembre 2014 à 17:42 | Lu 2023 fois