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Controverse sur l'exportation de minerai de nickel néo-calédonien


Nouméa, France | AFP | mardi 16/06/2020 - En Nouvelle-Calédonie, la volonté de deux groupes miniers en difficulté d'augmenter leurs exportations de minerai de nickel se heurte à l'hostilité des indépendantistes kanaks, prêts à se mobiliser.

"Je suis fermement opposé à ce bradage des ressources minérales de nickel du pays, sans aucune perspective de pérennisation de ces deux complexes métallurgiques", a asséné début juin dans une interview Paul Néaoutyine, président de la province Nord et leader influent des indépendantistes.       

Auparavant, son parti, le Palika (membre du FLNKS, Front de Libération Nationale Kanak Socialiste) avait appelé la population "à se mobiliser" contre ces projets de hausse des ventes de minerai tandis que, sur la même ligne, l'Union Calédonienne, autre locomotive du FLNKS, a activé "sa cellule Mobilisation Mines".         

"Nous ne pouvons pas souscrire à cette gabegie industrielle, que (les opérateurs) justifient grâce au chantage permanent à l'emploi", a mis en garde Daniel Goa, président de l'UC.

A l'origine du courroux des indépendantistes, un projet de loi local de la majorité Avenir en Confiance (AEC, proche des Républicains), qui envisage une "dérogation" au Code minier de 2009 qui permettrait à l'industrie d'exporter du minerai brut à partir de gisements classés en "Réserve métallurgique". Ce classement signifie que la ressource est "exclusivement" réservée à l'alimentation d'usines implantées en Nouvelle-Calédonie.        

Concurrencées par des pays producteurs à bas coûts (Chine, Indonésie, Philippines) et confrontées à une chute des cours du nickel, ces dernières ne sont pas compétitives et se débattent pour survivre.   

Deux des trois complexes métallurgiques de Nouvelle-Calédonie ont ainsi décidé de changer de "modèle industriel", misant sur les exportations de minerai brut vers l'Asie, "en complément de revenu indispensable à la pérennité" des usines.         

C'est le cas de la Société Le Nickel (SLN), filiale du français Eramet, qui vient d'enregistrer un huitième exercice déficitaire d'affilée, avec une perte de 80 millions d'euros en 2019.        

Modifier le Code minier

Dans le cadre d'un "plan de sauvetage", le premier employeur privé du Caillou, dont la trésorerie sera à sec d'ici 2021, avait obtenu en avril 2019, non sans réticence des indépendantistes, l'autorisation d'augmenter de 1,3 million à 4 millions de tonnes ses exportations de minerai. En parallèle, l'usine de Doniambo à Nouméa a produit l'an dernier 47.000 tonnes de métal.          

Aujourd'hui, la SLN veut pousser le curseur et demande à pouvoir exporter des minerais pauvres, inexploitables localement, à partir de son massif de Tiebaghi (nord), à hauteur de deux millions de tonnes annuelles.          

De son côté le Brésilien Vale, dont l'usine dans le sud est en vente, souhaite aussi obtenir l'autorisation d'exporter 2 millions de tonnes par an de minerai, à partir de son gisement de Goro (sud-est).         

En cours de restructuration, le site de Vale, qui pourrait être racheté par un groupe australien, est un gouffre financier qui n'a jamais atteint ses objectifs de production de nickel raffiné.          

Or, les massifs de Goro et de Tiébaghi étant classés en "Réserve métallurgique", ces projets nécessitent de modifier le Code minier. Mais à quelques mois du deuxième référendum sur l'indépendance, en principe en octobre, ce dossier ultra-sensible aura du mal à aboutir.

Pour la troisième fois, le 2 juin, le projet de loi a été retiré de l'ordre du jour du gouvernement collégial car aucune majorité n'était prête à le voter avant transmission au Congrès.

Selon une source interne à l'exécutif, il a été décidé de renvoyer cette question "au comité des signataires de l'accord de Nouméa". Ces réunions se tiennent annuellement à Paris sous l'autorité du gouvernement, mais aucune n'est pour le moment à l'agenda.

"Donc, aujourd'hui, le texte n'est nulle part et la situation parait bien bloquée", a commenté cette source.         

Antonin Beurrier, PDG de Vale-NC, a déploré que le dossier se retrouve "politiquement piégé", tandis que son homologue de la SLN, Dominique Katrawa, estime que ces autorisations "sont indispensables au plan de sauvetage".

le Mardi 16 Juin 2020 à 05:13 | Lu 796 fois