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Communiqué du No Oe E Te Nunaa au sujet du budget 2011


BUDGET 2011, un exercice d’équilibriste qui risque d’aggraver encore la situation alarmante de l’économie polynésienne.

Communiqué du No Oe E Te Nunaa  au sujet du budget 2011
A l’heure où la Polynésie subit une crise sans précédent, où l’économie est en panne, où la précarité se développe, où la pauvreté est une réalité chez plus d'un ménage sur quatre, nos gouvernants et nos élus, dans la plus totale indifférence, poursuivent leurs jeux indécents de lutte de pouvoir. Ils semblent sourds à la détresse de plus en plus pressante, audible et visible de la population.

Face à une situation alarmante, face à une situation financière et budgétaire du Pays très dégradée et un régime de protection sociale généralisée en péril, que fait le gouvernement ?

En réponse, il présente un projet de budget qui semble être un exercice purement comptable sans vision, sans mesure de l’impact que les dispositions proposées pourraient avoir sur l’économie polynésienne déjà bien mise à mal, et plus grave encore sans aucune concertation avec les acteurs économiques et sociaux.

Le projet de budget du Pays ne fait, par ailleurs, apparaître aucun programme d’investissements publics conséquents ou de grands projets structurants permettant de relancer la machine économique.
Ces programmes d’investissement auraient notamment pu être axés sur un vaste projet d’aménagement touristique à Tahiti et dans les autres îles permettant ainsi de structurer le produit et de créer des emplois.
Par ailleurs, ces programmes d’investissement auraient également pu être tournés vers la décentralisation. Elle n'est malheureusement toujours pas à l'ordre du jour, alors que ce serait un message fort pour la construction de la Polynésie de demain. Elle permettrait de réduire l'impact social de la crise en désengorgeant Papeete, et réduirait de nombreux problèmes (infrastructures, transports, développement économique, taille critique des marchés locaux) liés à la forte concentration démographique sur l’île de Tahiti et l'exode des archipels.

Le service public dont les dépenses doivent, certes, être réduites de manière drastique est également ébranlé dans les domaines vitaux de la santé, de la prévention et de l’action sociale qui subissent aussi des coupes sombres.

Face à la forte pression des acteurs économiques, à une opposition majoritaire à l’assemblée, à un Tahoeraa Huiraatira qui joue le jeu de l’opposition tout en participant à l’action gouvernementale, Gaston Tong Sang et son gouvernement sont condamnés à revoir rapidement leur copie car en l’état, ce budget n’a aucune chance d’être adopté.


Des mesures budgétaires et fiscales qui pénalisent fortement les industries locales
pour des rentrées fiscales faibles.

Des mesures fiscales qui touchent des secteurs déjà fragilisés …
Les exonérations fiscales sur les matières premières en passe d’être supprimées permettent actuellement à des entreprises de maintenir des productions locales dans des secteurs soumis à une très forte concurrence extérieure. Elles permettent à ces industries de transformations dans les secteurs du textile, de la construction navale, de l’imprimerie, de l’agro-alimentaire, … de rester compétitives et proposer sur le marché des produits fabriqués avec de la main d’œuvre locale.

La suppression des exonérations fiscales sur les alcools et les vins touchera également pleinement le secteur de l’hôtellerie et de la restauration déjà fortement atteint par la crise car ces exonérations permettent aujourd’hui de maintenir des prix acceptables au bénéfice de la clientèle touristique.

…pour des rentrées fiscales faibles…
Les recettes attendues par le gouvernement sont de l’ordre de 620 millions, mais sont certainement surestimées. Les effets de ces mesures, si elles sont adoptées, auront un impact direct sur les prix et induiront des changements de comportements des consommateurs qui privilégieront les produits importés, devenus moins chers que les produits de fabrication locale.

… et très probablement de nouvelles pertes d’emplois
Ces mesures assassines pour les industries polynésiennes concernent principalement des entreprises disposant de 10 à 100 salariés. Si elles constatent une baisse de leur chiffre d’affaire, elles se verront contraintes de procéder à une réduction de leurs effectifs en procédant à des licenciements.

Pas de concertation avec les acteurs économiques !
On peut s’étonner que le gouvernement n’ait pas pris le soin de consulter les acteurs économiques avant de boucler son projet de budget et de mesurer ses conséquences sur les entreprises, sur les prix à la consommation et sur l’emploi.


Que faire ?

L’équilibre budgétaire doit prioritairement passer par la réduction drastique des dépenses de fonctionnement tant sur les charges de personnel que sur les dépenses courantes.

Pour No Oe E Te Nunaa, il faut en premier lieu réduire de façon drastique les dépenses publiques. Rappelons que dès 2004, No Oe E Te Nunaa préconisait de réduire les dépenses de fonctionnement de 20% sur 5 ans. 6 ans après, le rapport Bolliet préconise une réduction de 30% sur 5 ans.

Cette diminution doit s’appliquer aux dépenses de personnel …
- Non-reconduction des départs à la retraite ;
- Simplification et abaissement des dispositifs de primes,
- Plafonnement des hauts salaires de l’administration ;
- Encadrement et limitation des salaires des emplois de cabinet ;
- Diminution des indemnités des représentants et des membres du gouvernement ;
- Diminution de moitié du crédit collaborateur au sein de l’APF,…

… mais aussi à celles afférentes au fonctionnement courant de l’administration et des pouvoirs publics.
- Exemplarité des pouvoirs publics : exit les véhicules avec chauffeur
- Mutualisation et rationalisation de la fonction achat
- Avec une action sur les satellites de l’administration.

Si tous les efforts de réductions des dépenses ont été faits et qu’ils ne suffisent pas, il faut prélever des recettes qui impacteraient faiblement l’économie.
Les mesures budgétaires proposées par le gouvernement touchent en premier le lieu les entreprises qui participent à la production locale et qui sont pleinement concurrencées par les produits importés.
Si No Oe E Te Nunaa n’est pas favorable au protectionnisme à outrance qui pénalise le consommateur, des exonérations fiscales totales ou partielles sont nécessaires pour permettre le développement de secteurs entiers de l’industrie locale.

Agir également sur le dispositif de défiscalisation locale.
La défiscalisation se traduit par des réductions d’impôts qui, en moyenne, ont minoré chaque année le produit de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur les transactions de l’ordre de 7.5 milliards depuis 1996.
No Oe E Te Nunaa propose de diminuer le montant global de défiscalisation en l’abaissant à 6 ou 6.5 milliards ce qui permettrait au budget général du Pays de capter 1 à 1.5 milliards de recettes supplémentaires.

Il est, par ailleurs, grand temps d’évaluer l’impact de la défiscalisation sur la demande et sur la consommation et de l’orienter vers des secteurs dont les effets sont significatifs ou nécessaires (rénovation du parc hôtelier, logement social et intermédiaire, énergies alternatives…).

A moyen et long terme, la Polynésie doit tendre vers une fiscalité qui soit directe.
Pour No Oe E Te Nunaa, la fiscalité doit être réformée pour transférer progressivement le poids de fiscalité indirecte vers la fiscalité directe qui permet de mieux prendre en compte la nécessaire solidarité. CAP No Oe préconise une évolution progressive vers une imposition de l’ensemble des revenus des ménages en prenant en compte les revenus catégoriels pour à terme faire évoluer l’assiette de la CST. Il faut amorcer la réforme.


L’autre défi à relever : sauver la PSG !

Aujourd’hui c’est acquis : si rien n’est fait, le déficit de la PSG se creusera inéluctablement accentué par la mise en service du nouvel hôpital.
No Oe E Te Nunaa dénonce de nouveau ce choix lourd de conséquence du "nouvel hôpital", monument qui enterre la politique de santé de proximité et de prévention alors que la santé dans les îles est quasiment livrée à elle-même.
Et maintenant, ces mauvais choix politiques nous contraignent de faire avec et de gérer au mieux.

La résorption du déficit de la PSG est une priorité.
Les mesures proposées par le gouvernement visant à augmenter la pression fiscale sur les boissons sucrées et alcoolisées sont une voie qui participera à résorber le déficit de l’assurance maladie et à lutter contre les maladies lourdes telles que le diabète ou les conséquences de l’obésité.
Cependant, l’augmentation proposée de 25 à 50% de la pression fiscale sur ces produits ne sera pas sans effet sur certaines industries polynésiennes.

Les réformes nécessaire qui ont tardé à être proposées et mises en œuvre
ont également accentué et creusé le déficit.

Il faut mener en urgence les réformes de l’assurance maladie.
Si aucune réforme structurelle sérieuse n’est menée, le régime de la maladie atteindra un déficit proche des 50 milliards à horizon 2014. Jouer sur la seule variable d’augmentation des cotisations n’est pas acceptable. A court terme, la restauration de l’équilibre de l’assurance maladie passe par l’intervention sur les prix de la santé et sur les taux de prise en charge.

Il faut évoluer vers un mécanisme de cotisations plus solidaire.
A l’intérieur de la catégorie des salariés comme à l’intérieur de la catégorie des non-salariés, le système de plafonnement génère une dégressivité des cotisations sociales. Un salarié dont le salaire brut est inférieur à 150 000 FCP subit un taux de prélèvement social de 35%, alors qu’un salarié dont le salaire brut est de 2 500 000 FCP supporte un taux inférieur à 24%. Cette situation ne peut plus perdurer.
Les dépenses du RSPF étant croissante, No Oe E Te Nunaa est favorable à une articulation de la CST et des cotisations CPS permettant une progressivité des cotisations sociales en fonction du niveau de revenus.

Il faut également prendre en compte le niveau de revenu et la composition familiale dans l’attribution des prestations familiales.

Il faut parallèlement pérenniser le régime de retraite qui est menacé, en conduisant le dialogue social sur les différents leviers de la réforme : augmentation de recettes, allongement de la durée de cotisation et l’âge légal de départ à la retraite, les abattements et le niveau de retraite.


Nous le savons, le défi est important, il faut retrouver le sérieux de la gestion financière et budgétaire du Pays, il faut revoir la fiscalité, et il faut affirmer et choisir des priorités économiques. Il faut faire tout cela en conservant à l'esprit où nous voulons aller, et ne pas changer de cap, semaine après semaine, collectif après collectif, pour contenter telle ou telle partie de l'électorat, tel groupe de pression, ou telles personnalités politiques pour s'assurer son vote. Il faut être en mesure d'affirmer une vision, pour 5, pour 10, pour 20 ans. Et il faut s'y tenir.

La bulle économique "factice" que nous connaissions avant 2004 a éclaté. Il faut à présent reconstruire notre Pays non pas en ayant comme référence cette période que certains qualifient de "faste", mais qui a en fait détruit nos équilibres de vie. Il nous faut rebâtir ces équilibres !
On ne peut plus partir dans tous les sens, on ne peut pas remettre à demain des choix décisifs et laisser notre dette, notre déficit se creuser d'année en année.

Nous le répétons depuis plusieurs années, nous sommes à un tournant historique. Nous avons les outils, et d'une certaine manière, nous avons les moyens de construire la société dans laquelle nous pouvons, et nos enfants, pourront vivre demain.


Il faut cesser les chamailleries indignes !

Mais pour cela il faut cesser les chamailleries indignes. Pour cela, il faut revenir aux valeurs et à l'éthique qui doivent fonder notre société.

Nous pensons qu'il existe un espace démocratique, équilibré, respectueux de chacun, de notre environnement, de notre culture, qui doit pouvoir émerger aujourd'hui dans notre Pays.
Cela dépasse toutes les questions et querelles que nous connaissons depuis si longtemps. Cela dépasse les questions d'idéologie politique. Cela dépasse le choix des hommes à tel ou tel poste de SEM ou d'EPIC.

Il s'agit d'intégrité, de moralité, de responsabilité, de vision d’avenir, de projet de société mais aussi de partage. Il s'agit de porter, de mettre en place le cadre nécessaire, pour que notre Pays se relève.


Pour cela il faut de la détermination.
Pour cela il faut de la ténacité.
Pour cela il faut du courage politique.


A notre niveau, nous continuerons de porter ce message, inlassablement, sans tenir compte des magouilles ou clivages politiciens qui empoisonnent notre Pays depuis bien trop longtemps au détriment des polynésiens.

Rédigé par communiqué NOETN le Samedi 18 Décembre 2010 à 14:03 | Lu 1377 fois