Tahiti, le 4 juillet 2025 – Le projet de réforme des établissements publics de santé doit être examiné par l’assemblée prochainement. Le ministre de la Santé, Cédric Mercadal, à l’origine de ce texte, détaille pour Tahiti Infos, un projet de loi qui entend repenser l’organisation des soins au Fenua.
Vous présentez la réforme des EPS comme une refonte globale. Quelle est sa philosophie ?
“La réforme s’inscrit dans une vision d’ensemble. Elle s’appuie sur deux jambes : la protection sociale et le financement d’un côté ; et l’attractivité du système de soins de l’autre. Les deux sont en train de s’effondrer. On n’a plus assez d’argent, plus assez de flexibilité. Résultat : des surcoûts, des retards, une désorganisation. C’est plus coûteux d’être désorganisé que de remettre le système sur de bons rails. Ce qu’on fait, ce n’est pas une réforme pour réformer. C’est une réforme qui a pour objectif de soigner mieux.”
Cette réforme est-elle aussi une réponse à la crise financière qu’a traversé le CHPF ?
“Quand je suis arrivé, on ne payait plus les draps, ni les factures d’électricité du CHPF. On n’était même plus capables d’acheter les tenues des soignants. Il a fallu remettre de l’argent là où c’était prioritaire, relancer les lignes budgétaires, donner de la souplesse. Mais maintenant qu’on a remis à flot, comment on anticipe demain ? Un hôpital, ce n’est pas juste du fonctionnement : ce sont aussi des ressources humaines. Et c’est là qu’intervient le changement de statut.”
Concrètement, qu’apporte le statut d’Établissement public de santé (EPS) ?
“Il crée le contenant. Le verre. Ensuite, on mettra le contenu dedans. Le CHPF sera le premier à devenir EPS. Aujourd’hui, il est un EPA [Établissement public à caractère administratif, NDLR], avec des lignes budgétaires figées. Résultat : on peut avoir une enveloppe pour des billets d’avion, mais pas pour augmenter les salaires. C’est aberrant. Le statut EPS permet d’utiliser les fonds là où c’est pertinent, comme on le fait dans les Épic [Établissement public à caractère industriel et commercial, NDLR], sans remettre en cause le statut de fonctionnaire. C’est de la souplesse, mais encadrée.”
Et en matière de fonctionnement ?
“Aujourd’hui, dans un EPA, on commande des médicaments jusqu’en octobre, puis on arrête car on doit clôturer les comptes. Mais les gens, eux, continuent à être malades en novembre et en décembre. Avec un EPS, tu peux passer sur du pluriannuel, donc continuer à commander. C’est juste du bon sens.”
Mais la cartographie des futurs EPS n’a pas encore été publiée…
“Parce qu’elle sera coconstruite avec les professionnels de santé. Le cadre EPS existe depuis 2009 en métropole. En 2012, on a tenté de l’adapter ici. Le Cesec [Conseil économique social, environnemental et culturel, NDLR] avait rendu un avis défavorable. On a pris toutes leurs remarques, retravaillé le projet, consulté tous les professionnels. Et aujourd’hui, c’est eux qui le réclament. On est en train de revoir le statut des praticiens hospitaliers, de faire une étude RH [Ressources humaines, NDLR], de rouvrir l’école d’infirmiers. C’est une démarche structurée.”
Quel est le calendrier pour les textes d’application ?
“Il faut déjà que la loi soit votée. Il faut que l’assemblée donne son accord. Une fois la loi votée, on aura 36 mois pour transformer chaque établissement. Ce délai, je l’ai imposé volontairement, car trop de réformes ont été lancées sans jamais être achevées. On commencera avec le CHPF – avec déjà un plan pluriannuel Hôpital 2030 – puis viendra la Direction de la santé, puis les hôpitaux périphériques. Deux délibérations seront proposées : une budgétaire, en lien avec les finances, et une RH, pour faire évoluer le statut des soignants et de la fonction publique de santé.”
Cette réforme aura également un impact sur les hôpitaux périphériques et les dispensaires ?
“Aujourd’hui, ce sont des services du Pays. Demain, s’ils deviennent EPS, on gagnera en réactivité. Il faut 17 étapes pour recruter quelqu’un ! C’est trop. Avec ce nouveau statut, on pourra raccourcir les circuits, donner de la souplesse sans tomber dans la logique commerciale. Le but, c’est aussi de recréer de l’attractivité dans les îles. Quelqu’un qui travaille dix ans aux urgences pourra aller deux ans à Uturoa ou Moorea, monter un projet, souffler un peu. Il y aura des passerelles entre la Direction de la santé, le CHPF mais aussi les cliniques. Ce qu’il n’y avait pas avant.”
La télémédecine fait-elle partie du projet ?
“Oui, mais ce n’est pas l’EPS qui la rend possible. C’est un autre texte, envoyé à la Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés, NDLR]. Mais l’EPS permet la mutualisation entre la Direction de la santé, le CHPF, les établissements périphériques, et même les privés. On va vers un système coordonné, pas concurrentiel. Public et privé, c’est la santé d’une même population.”
Ne craignez-vous pas des risques de dérives ou de concurrence déloyale avec cette collaboration public/privé ?
“Non, car les missions sont claires. Le CHPF est le recours ultime, le premier et le dernier. Il fait ce que les cliniques ne peuvent pas faire. À l’inverse, certaines interventions peuvent être réalisées ailleurs. Et les praticiens privés viennent presque tous du CHPF ! Il faut créer un cadre pour permettre les allers-retours entre public et privé. À certaines périodes de leur vie, des médecins voudront gagner plus. Il faut qu’ils puissent le faire sans quitter le public. Et inversement, certains privés veulent aussi s’impliquer dans le public. C’est gagnant-gagnant.”
Cette coordination aura-t-elle des moyens dédiés ?
“Oui. Et on fera des économies. Aujourd’hui, la Direction de la santé achète, le CHPF achète, et tout le monde achète séparément. Demain, on achètera ensemble. Même avec les privés. C’est moins cher et plus efficace. Et ça libère des ressources pour embaucher, améliorer les soins. L’objectif, c’est que chaque Polynésien ait accès au meilleur soin possible, où qu’il vive.”
Vous présentez la réforme des EPS comme une refonte globale. Quelle est sa philosophie ?
“La réforme s’inscrit dans une vision d’ensemble. Elle s’appuie sur deux jambes : la protection sociale et le financement d’un côté ; et l’attractivité du système de soins de l’autre. Les deux sont en train de s’effondrer. On n’a plus assez d’argent, plus assez de flexibilité. Résultat : des surcoûts, des retards, une désorganisation. C’est plus coûteux d’être désorganisé que de remettre le système sur de bons rails. Ce qu’on fait, ce n’est pas une réforme pour réformer. C’est une réforme qui a pour objectif de soigner mieux.”
Cette réforme est-elle aussi une réponse à la crise financière qu’a traversé le CHPF ?
“Quand je suis arrivé, on ne payait plus les draps, ni les factures d’électricité du CHPF. On n’était même plus capables d’acheter les tenues des soignants. Il a fallu remettre de l’argent là où c’était prioritaire, relancer les lignes budgétaires, donner de la souplesse. Mais maintenant qu’on a remis à flot, comment on anticipe demain ? Un hôpital, ce n’est pas juste du fonctionnement : ce sont aussi des ressources humaines. Et c’est là qu’intervient le changement de statut.”
Concrètement, qu’apporte le statut d’Établissement public de santé (EPS) ?
“Il crée le contenant. Le verre. Ensuite, on mettra le contenu dedans. Le CHPF sera le premier à devenir EPS. Aujourd’hui, il est un EPA [Établissement public à caractère administratif, NDLR], avec des lignes budgétaires figées. Résultat : on peut avoir une enveloppe pour des billets d’avion, mais pas pour augmenter les salaires. C’est aberrant. Le statut EPS permet d’utiliser les fonds là où c’est pertinent, comme on le fait dans les Épic [Établissement public à caractère industriel et commercial, NDLR], sans remettre en cause le statut de fonctionnaire. C’est de la souplesse, mais encadrée.”
Et en matière de fonctionnement ?
“Aujourd’hui, dans un EPA, on commande des médicaments jusqu’en octobre, puis on arrête car on doit clôturer les comptes. Mais les gens, eux, continuent à être malades en novembre et en décembre. Avec un EPS, tu peux passer sur du pluriannuel, donc continuer à commander. C’est juste du bon sens.”
Mais la cartographie des futurs EPS n’a pas encore été publiée…
“Parce qu’elle sera coconstruite avec les professionnels de santé. Le cadre EPS existe depuis 2009 en métropole. En 2012, on a tenté de l’adapter ici. Le Cesec [Conseil économique social, environnemental et culturel, NDLR] avait rendu un avis défavorable. On a pris toutes leurs remarques, retravaillé le projet, consulté tous les professionnels. Et aujourd’hui, c’est eux qui le réclament. On est en train de revoir le statut des praticiens hospitaliers, de faire une étude RH [Ressources humaines, NDLR], de rouvrir l’école d’infirmiers. C’est une démarche structurée.”
Quel est le calendrier pour les textes d’application ?
“Il faut déjà que la loi soit votée. Il faut que l’assemblée donne son accord. Une fois la loi votée, on aura 36 mois pour transformer chaque établissement. Ce délai, je l’ai imposé volontairement, car trop de réformes ont été lancées sans jamais être achevées. On commencera avec le CHPF – avec déjà un plan pluriannuel Hôpital 2030 – puis viendra la Direction de la santé, puis les hôpitaux périphériques. Deux délibérations seront proposées : une budgétaire, en lien avec les finances, et une RH, pour faire évoluer le statut des soignants et de la fonction publique de santé.”
Cette réforme aura également un impact sur les hôpitaux périphériques et les dispensaires ?
“Aujourd’hui, ce sont des services du Pays. Demain, s’ils deviennent EPS, on gagnera en réactivité. Il faut 17 étapes pour recruter quelqu’un ! C’est trop. Avec ce nouveau statut, on pourra raccourcir les circuits, donner de la souplesse sans tomber dans la logique commerciale. Le but, c’est aussi de recréer de l’attractivité dans les îles. Quelqu’un qui travaille dix ans aux urgences pourra aller deux ans à Uturoa ou Moorea, monter un projet, souffler un peu. Il y aura des passerelles entre la Direction de la santé, le CHPF mais aussi les cliniques. Ce qu’il n’y avait pas avant.”
La télémédecine fait-elle partie du projet ?
“Oui, mais ce n’est pas l’EPS qui la rend possible. C’est un autre texte, envoyé à la Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés, NDLR]. Mais l’EPS permet la mutualisation entre la Direction de la santé, le CHPF, les établissements périphériques, et même les privés. On va vers un système coordonné, pas concurrentiel. Public et privé, c’est la santé d’une même population.”
Ne craignez-vous pas des risques de dérives ou de concurrence déloyale avec cette collaboration public/privé ?
“Non, car les missions sont claires. Le CHPF est le recours ultime, le premier et le dernier. Il fait ce que les cliniques ne peuvent pas faire. À l’inverse, certaines interventions peuvent être réalisées ailleurs. Et les praticiens privés viennent presque tous du CHPF ! Il faut créer un cadre pour permettre les allers-retours entre public et privé. À certaines périodes de leur vie, des médecins voudront gagner plus. Il faut qu’ils puissent le faire sans quitter le public. Et inversement, certains privés veulent aussi s’impliquer dans le public. C’est gagnant-gagnant.”
Cette coordination aura-t-elle des moyens dédiés ?
“Oui. Et on fera des économies. Aujourd’hui, la Direction de la santé achète, le CHPF achète, et tout le monde achète séparément. Demain, on achètera ensemble. Même avec les privés. C’est moins cher et plus efficace. Et ça libère des ressources pour embaucher, améliorer les soins. L’objectif, c’est que chaque Polynésien ait accès au meilleur soin possible, où qu’il vive.”