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Ce qu'on sait sur la situation à Tchernobyl, privé d'électricité


Sergei Supinsky / AFP
Sergei Supinsky / AFP
Vienne, Autriche | AFP | mercredi 09/03/2022 - Après la centrale nucléaire de Zaporojie, c'est au tour de Tchernobyl de concentrer les inquiétudes en Ukraine. Selon les experts toutefois, la coupure d'électricité annoncée mercredi ne pose "pas de risque majeur sur la sécurité".

La situation serait en revanche bien plus grave si ce scénario se produisait dans l'une des quatre centrales en activité du pays.

Que s'est-il passé ?

Selon l'opérateur ukrainien Ukrenergo, l'alimentation électrique du site de Tchernobyl a été "complètement déconnectée du réseau, en raison des actions militaires de l'occupant russe".

La poursuite des hostilités rend impossible à ce stade le rétablissement de la ligne, précisait-il.

Des générateurs diesel de secours ont pris le relais et "seront en mesure d'assurer l'activité vitale du site pendant un maximum de 48 heures", a rapporté le régulateur.

"Après cela, les systèmes de refroidissement du combustible entreposé vont s'arrêter", a averti le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba.

La centrale de Tchernobyl, lieu de la pire catastrophe nucléaire civile de l'histoire en 1986, comprend des réacteurs qui ont été déclassés, dont le numéro 4 recouvert d'un sarcophage, et des dépôts de déchets radioactifs.

Les communications téléphoniques sont par ailleurs interrompues sur le site, où sont bloqués depuis le 24 février plus de 200 techniciens et gardiens. Ils opèrent désormais sous commandement russe.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le gendarme onusien du nucléaire, a demandé à Moscou de les autoriser à effectuer des rotations avec d'autres équipes, le repos et les horaires fixes étant essentiels à la sécurité du site.

Quel est le risque ?

Le réacteur accidenté lui-même ne pose pas de problème, a expliqué à l'AFP Karine Herviou, directrice générale adjointe de l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Car "le coeur fondu n'a pas besoin de système de refroidissement".

Mais qu'en est-il des 20.000 assemblages combustibles stockés dans la piscine?

Compte tenu du temps qui s'est écoulé depuis l'accident de 1986, "la charge thermique de la piscine et le volume de l'eau de refroidissement sont suffisants pour assurer une évacuation efficace de chaleur sans électricité", a estimé l'AIEA.

"L'AIEA ne voit pas d'impact majeur sur la sécurité", a-t-elle ajouté.

Ces assemblages anciens "sont relativement froids", et même si l'électricité n'est pas rétablie après 48 heures, "il n'y a pas de danger de rejets radioactifs selon ce que l'on sait des installations", confirme Mme Herviou.

Dans un tel cas, des études réalisées après l'accident de la centrale de Fukushima au Japon en mars 2011 "montrent une montée lente en température de l'ordre de jusqu'à 60°C mais pas de dénoyage des assemblages". "L'eau va se réchauffer progressivement mais ne va pas être portée à ébullition", précise-t-elle.

Quid des centrales en activité ?

Une coupure de courant "poserait plus de problèmes" dans les quatre centrales en fonctionnement du pays, "où il faut absolument assurer un refroidissement du combustible présent dans le coeur du réacteur ou en piscine", estime la responsable de l'IRSN. 

"La chaleur à évacuer y est beaucoup plus importante" qu'à Tchernobyl.

Des groupes d'électrogène pourraient "alimenter les systèmes de refroidissement "pendant 7 à 10 jours". Mais au-delà, sans électricité, "surviendrait un scénario de type Fukushima avec un risque de fusion du coeur du réacteur".

Depuis le début de l'invasion russe, le directeur général de l'AIEA, Rafael Grossi, appelle à la plus grande retenue.

Il a proposé à plusieurs reprises de se rendre en Ukraine pour établir un cadre garantissant la sécurité des sites pendant le conflit, le premier à se dérouler dans un pays doté d'un vaste programme nucléaire.

"Cette fois, si un accident survient, la cause ne sera pas un tsunami causé par Mère nature mais le résultat de l'incapacité humaine à agir au moment où nous savions que nous le pouvions et le devions", avait-il lancé en début de semaine.

le Mercredi 9 Mars 2022 à 06:31 | Lu 320 fois