L’un des rares portraits de Jean-François de Surville, sans doute très approximatif. Le navigateur est mort très stupidement sur une plage de Chilca, au Pérou, roulé par les vagues en tentant de débarquer.
PACIFIQUE, le 2 mai 2019. Jean-François-Marie de Surville : ce nom aurait pu passer à la postérité, au même titre que ceux de Cook ou de Bougainville, mais l’expédition d‘ouest en est de ce marin, à travers l’océan Indien puis tout le Pacifique, se termina par un désastre humain sans précédent et la mort, noyé à deux pas du rivage, du malheureux explorateur, rangé au placard des grands oubliés de l’Histoire. Un peu à la manière de Marion Dufresne, qui, lui, se fit dévorer par les Maoris à peu près à la même époque (le 12 juin 1772).
Tout le monde n’a pas eu la chance de Louis-Antoine de Bougainville, à savoir arriver dans une île où quelques mois auparavant, un Anglais venait de commettre un massacre. Bougainville fut en effet très bien accueilli à Tahiti parce que la population venait de subir de lourdes pertes au passage de Wallis, en essayant de s’emparer de son navire. La crainte d’un nouveau bain de sang rendit les Tahitiens bien plus aimables avec le Français. C’était en effet juste quelques mois avant, en avril 1768, que Wallis avait découvert cette terre (en juillet 1767) et l’avait ensanglantée pour sauver son bateau, sa vie et celle de ses hommes.
D’autres eurent moins de chance : probablement pour des « tabu » brisés sans le savoir, Marion Dufresne, après quelques semaines idylliques en Nouvelle-Zélande, finit au menu de ses hôtes le 12 juin 1772.
De Surville lui, ne mit jamais les pieds vivant sur le sable de Chilca, au Pérou, le 8 avril 1770 ; empêtré dans ses vêtements pas très pratiques, il vit certes la plage, mais les rouleaux du Pacifique firent chavirer sa barque ; en quelques minutes, il but la grande tasse, clap de fin achevant un périple marqué par la malchance, la poisse, et sans doute aussi une certaine incompétence…
Tout le monde n’a pas eu la chance de Louis-Antoine de Bougainville, à savoir arriver dans une île où quelques mois auparavant, un Anglais venait de commettre un massacre. Bougainville fut en effet très bien accueilli à Tahiti parce que la population venait de subir de lourdes pertes au passage de Wallis, en essayant de s’emparer de son navire. La crainte d’un nouveau bain de sang rendit les Tahitiens bien plus aimables avec le Français. C’était en effet juste quelques mois avant, en avril 1768, que Wallis avait découvert cette terre (en juillet 1767) et l’avait ensanglantée pour sauver son bateau, sa vie et celle de ses hommes.
D’autres eurent moins de chance : probablement pour des « tabu » brisés sans le savoir, Marion Dufresne, après quelques semaines idylliques en Nouvelle-Zélande, finit au menu de ses hôtes le 12 juin 1772.
De Surville lui, ne mit jamais les pieds vivant sur le sable de Chilca, au Pérou, le 8 avril 1770 ; empêtré dans ses vêtements pas très pratiques, il vit certes la plage, mais les rouleaux du Pacifique firent chavirer sa barque ; en quelques minutes, il but la grande tasse, clap de fin achevant un périple marqué par la malchance, la poisse, et sans doute aussi une certaine incompétence…
A la mer dès neuf ans !
Le 8 avril 1770, si l’on y regarde de près dans le drame de Chilca, c’est le scorbut qui, finalement, tua de Surville, un scorbut omniprésent tout au long de sa longue traversée d’ouest en est du Pacifique ; mais avant d’évoquer les ravages de cette grave affection, il nous faut revenir en arrière pour comprendre ce qui amena de Surville à la mort.
Né à Port-Louis (Morbihan) le 18 janvier 1717, Jean François Marie de Surville était donc Breton, c’est-à-dire marin ou destiné à le devenir. Et effectivement, dès l’âge de neuf ans, il était déjà au service de la Compagnie des Indes orientales. Entre 1744 et 1748, il participa à la guerre de succession d’Autriche et obtint en 1758 le brevet de capitaine de vaisseau de la Marine royale, puisqu’il avait eu la bonne idée de naviguer à la fois au commerce et comme militaire. Habitué aux longs voyages, il était au Bengale dès 1740, puis il sillonna l’océan Indien avant d’aller en Chine en 1753. En 1764, il dut conduire en Inde deux personnages qui changèrent son destin : le nouveau gouverneur du comptoir français de Pondichéry, Law de Lauriston, et le directeur du comptoir de Chandernagor, Jean-Baptiste Chevalier. Tous les trois se mirent en tête de faire traverser d’ouest en est le vaste Pacifique à un navire, à la fois dans un but de découvertes et d’ouverture de nouveaux comptoirs, mais aussi pour trouver (et prendre possession de) l’île de Davis et enfin, cerise sur le gâteau, afin de vendre des cotonnades au Pérou alors que l’Espagne interdisait tout commerce avec ses colonies d’Amérique latine.
Né à Port-Louis (Morbihan) le 18 janvier 1717, Jean François Marie de Surville était donc Breton, c’est-à-dire marin ou destiné à le devenir. Et effectivement, dès l’âge de neuf ans, il était déjà au service de la Compagnie des Indes orientales. Entre 1744 et 1748, il participa à la guerre de succession d’Autriche et obtint en 1758 le brevet de capitaine de vaisseau de la Marine royale, puisqu’il avait eu la bonne idée de naviguer à la fois au commerce et comme militaire. Habitué aux longs voyages, il était au Bengale dès 1740, puis il sillonna l’océan Indien avant d’aller en Chine en 1753. En 1764, il dut conduire en Inde deux personnages qui changèrent son destin : le nouveau gouverneur du comptoir français de Pondichéry, Law de Lauriston, et le directeur du comptoir de Chandernagor, Jean-Baptiste Chevalier. Tous les trois se mirent en tête de faire traverser d’ouest en est le vaste Pacifique à un navire, à la fois dans un but de découvertes et d’ouverture de nouveaux comptoirs, mais aussi pour trouver (et prendre possession de) l’île de Davis et enfin, cerise sur le gâteau, afin de vendre des cotonnades au Pérou alors que l’Espagne interdisait tout commerce avec ses colonies d’Amérique latine.
Un bateau très mal conçu
Le 20 juillet 1766, de Surville obtient le feu vert du ministre de la Marine, César Gabriel de Choiseul, premier duc de Praslin. Grâce au financement de ses deux associés, de Surville prend possession d’un trois mâts, le Saint-Jean-Baptiste, navire de 650 tonneaux doté de 36 canons, sorti flambant neuf des chantiers navals de Nantes (certains historiens ne lui accordent que 500 tonneaux). Un bateau bien mal conçu selon le lieutenant Pottier de l’Horme, qui écrira dans son rapport : « cela est une suite de la négligence et peut-être même de l’ignorance du constructeur, M. Bourne de Nantes ».
De Surville quitte Lorient en juin 1767 avec un équipage de cent quatorze hommes, cinq officiers, un écrivain, un chirurgien et un capitaine des dragons flanqué d’une escouade de vingt-quatre soldats armés. Pas l’ombre d’un scientifique à bord, il s’agit de faire du business et non pas d’herboriser. Pendant un an, le bateau cabotera au large du Bengale avant de finalement se préparer pour la grande aventure à Pondichery, port qui sera quitté le 5 juin 1769, date que l’on peut considérer comme le véritable départ de l’expédition.
Le détroit de Malacca passé, le bateau remonte au nord des Philippines, pour éviter les navires espagnols. Une rapide escale dans l’archipel des Bashi se solde par trois désertions, que de Surville compense en enlevant trois indigènes. Le 23 août 1769, le Saint-Jean-Baptiste met le cap au sud et atteint mi-octobre les îles Salomon. De Surville y trouve un mouillage sûr, qu’il baptise Port Praslin (Bougainville avait ainsi baptisé une anse en Nouvelle-Bretagne).
L’escale se présente mal : l’équipage souffre déjà massivement du scorbut, cette maladie liée à l’absence de vitamine dans la nourriture et l’accueil des Salomonais est si hostile que les marins n’ont que le temps de refaire le plein d’eau avant de lever l’ancre définitivement le 22 octobre seulement. Les malades n’ont pas pu aller à terre, très peu de fruits et légumes ont été amenés à bord et enfin une attaque des Salomonais se solde par des blessés chez les Français (et des morts côté salomonais) ; l’archipel est si peu accueillant qu’il est baptisé du nom d’îles Arsacides, dérivé du mot « assassin ».
De Surville quitte Lorient en juin 1767 avec un équipage de cent quatorze hommes, cinq officiers, un écrivain, un chirurgien et un capitaine des dragons flanqué d’une escouade de vingt-quatre soldats armés. Pas l’ombre d’un scientifique à bord, il s’agit de faire du business et non pas d’herboriser. Pendant un an, le bateau cabotera au large du Bengale avant de finalement se préparer pour la grande aventure à Pondichery, port qui sera quitté le 5 juin 1769, date que l’on peut considérer comme le véritable départ de l’expédition.
Le détroit de Malacca passé, le bateau remonte au nord des Philippines, pour éviter les navires espagnols. Une rapide escale dans l’archipel des Bashi se solde par trois désertions, que de Surville compense en enlevant trois indigènes. Le 23 août 1769, le Saint-Jean-Baptiste met le cap au sud et atteint mi-octobre les îles Salomon. De Surville y trouve un mouillage sûr, qu’il baptise Port Praslin (Bougainville avait ainsi baptisé une anse en Nouvelle-Bretagne).
L’escale se présente mal : l’équipage souffre déjà massivement du scorbut, cette maladie liée à l’absence de vitamine dans la nourriture et l’accueil des Salomonais est si hostile que les marins n’ont que le temps de refaire le plein d’eau avant de lever l’ancre définitivement le 22 octobre seulement. Les malades n’ont pas pu aller à terre, très peu de fruits et légumes ont été amenés à bord et enfin une attaque des Salomonais se solde par des blessés chez les Français (et des morts côté salomonais) ; l’archipel est si peu accueillant qu’il est baptisé du nom d’îles Arsacides, dérivé du mot « assassin ».
Un bateau épave chez les Maoris
Sur un arbre est gravée la mention suivante : « Anno 1769, Capitaine Surville a pris possession de ce port au nom du Roy et nommé Port Praslin ». Sur un autre arbre cet avertissement : « Prenez garde aux gens de ce lieu ». Un indigène est toutefois enlevé avant le départ pour la Nouvelle-Zélande.
De Surville sait que son équipage est à bout de force ; il ignore l’existence de la Nouvelle-Calédonie, qu’il longera par l’ouest sans la voir et descendra jusqu’à la latitude de Sydney (le 3 décembre) avant de bifurquer plein est pour parvenir en vue de la Nouvelle-Zélande le 12 décembre. L’équipage est alors dans un état de santé épouvantable (déjà cinquante et un morts depuis le départ des Salomon) alors que le bateau mal conçu faisait eau de toutes parts, obligeant l’équipage à pomper sans relâche. Le Saint-Jean-Baptiste parvient non sans mal à mouiller dans un endroit peu sûr, la baie Lauriston, à la pointe nord-ouest de l’île du nord.
Peut-on encore parler de navire d’exploration à propos de ce bateau aux allures d’épave ? Heureusement, les Maoris sont plutôt accueillants et les malades, une fois à terre, reprennent des forces et guérissent de leur scorbut grâce aux plantes qu’ils peuvent manger à satiété. Le 28 décembre, une forte tempête coûte quatre ancres à de Surville et le vol d’un canot parti à la dérive exacerbe la colère de de Surville envers les Maoris.
Les représailles sont violentes, il fait brûler le village et embarque de force le chef local, qui décèdera quelques semaines plus tard, victime lui aussi du scorbut.
Depuis l’escale malheureuse d’Abel Tasman le 19 décembre 1642 à la Baie des Assasins (aujourd’hui Golden Bay), c’est la première fois qu’une observation précise des Maoris est faite et c’est Pottier de L’Horme qui fera la description de ce peuple, de ses mœurs et usages, de Surville ne s’y intéressant apparemment pas. Décrivant une jeune femme, Pottier écrit : « Elle pouvait avoir environ 15 à 16 ans. Elle était aussi dégoûtante que les autres par la malpropreté qui leur est commune avec les hommes ». Et pan sur le mythe des créatures de rêve des Mers du Sud…
De Surville sait que son équipage est à bout de force ; il ignore l’existence de la Nouvelle-Calédonie, qu’il longera par l’ouest sans la voir et descendra jusqu’à la latitude de Sydney (le 3 décembre) avant de bifurquer plein est pour parvenir en vue de la Nouvelle-Zélande le 12 décembre. L’équipage est alors dans un état de santé épouvantable (déjà cinquante et un morts depuis le départ des Salomon) alors que le bateau mal conçu faisait eau de toutes parts, obligeant l’équipage à pomper sans relâche. Le Saint-Jean-Baptiste parvient non sans mal à mouiller dans un endroit peu sûr, la baie Lauriston, à la pointe nord-ouest de l’île du nord.
Peut-on encore parler de navire d’exploration à propos de ce bateau aux allures d’épave ? Heureusement, les Maoris sont plutôt accueillants et les malades, une fois à terre, reprennent des forces et guérissent de leur scorbut grâce aux plantes qu’ils peuvent manger à satiété. Le 28 décembre, une forte tempête coûte quatre ancres à de Surville et le vol d’un canot parti à la dérive exacerbe la colère de de Surville envers les Maoris.
Les représailles sont violentes, il fait brûler le village et embarque de force le chef local, qui décèdera quelques semaines plus tard, victime lui aussi du scorbut.
Depuis l’escale malheureuse d’Abel Tasman le 19 décembre 1642 à la Baie des Assasins (aujourd’hui Golden Bay), c’est la première fois qu’une observation précise des Maoris est faite et c’est Pottier de L’Horme qui fera la description de ce peuple, de ses mœurs et usages, de Surville ne s’y intéressant apparemment pas. Décrivant une jeune femme, Pottier écrit : « Elle pouvait avoir environ 15 à 16 ans. Elle était aussi dégoûtante que les autres par la malpropreté qui leur est commune avec les hommes ». Et pan sur le mythe des créatures de rêve des Mers du Sud…
Noyade devant la plage de Chilca
Après l’incident du canot volé, de Surville avait réuni ses officiers pour prendre conseil sur la suite à donner à ce voyage cauchemardesque ; le 31 décembre 1769, il fut décidé que la remontée vers Manille était plus incertaine encore que la traversée jusqu’au Pérou. Le 1er janvier, le Saint-Jean-Baptiste mettait les voiles vers l’est en quête de la terre de Davis, cette incertaine découverte du flibustier anglais Edward Davis lors d’une expédition en1687. Cette île basse et sablonneuse, qu’il ne fit qu’apercevoir, pourrait être l’île de Pâques, car rien dans cette région du monde ne correspond à une autre terre, sinon Rapa Nui.
Ignorant l’existence des Cook et de l’archipel de la Société, de Surville conserva une route très au sud, au milieu de nulle part. Le scorbut continua ses ravages ; jusqu’à trois hommes mouraient chaque jour. Remontant vers l’île de Pâques, de Surville passa trop au sud, puis redescendit vers l’archipel de Juan Fernandez. Il vit, au sud, le 24 mars, Mas à Fuera, puis Mas a Tierra le 26 mars où il aurait pu trouver un mouillage sûr (l’actuelle baie de Cumberland) et des vivres à volonté, mais il ne parvint pas à incliner sa route ; finalement, pris dans le courant de Humbolt, il longea la côte chilienne avec un équipage réduit à l’état de mourants jusqu’à la côte de Chilca au Pérou.
Le 7 avril 1770, le navire resta à distance de la barre, mais le 8 avril après une première tentative avortée de son second de gagner la plage en canot afin d y chercher du secours, de Surville tenta sa chance avec trois hommes. Un Indien créole de Pondichéry se jeta à l’eau et parvint, excellent nageur, jusqu’à la plage, non sans avoir vu la chaloupe de de Surville se retourner : le navigateur fut noyé, empêtré dans ses vêtements, tout comme ses deux matelots.
Ainsi finit, lamentablement, ce qui eut pu être une exploration exceptionnelle des Mers du Sud. Mais de Surville, dont le navire croisa celui de Cook en Nouvelle-Zélande dans le brouillard, sans que les deux explorateurs ne s’en doutent, rata son exploration des Salomon puis celle de la double île maorie, tout comme il ne trouva pas la terre de Davis et finalement manqua les îles de l’archipel de Juan Fernandez. Le 11 avril 1770, de Surville, mort parce qu’il voulait sauver ses derniers hommes du scorbut en trouvant des secours, fut enterré en grande pompe à Chilca.
Les ennuis n’étaient pas terminés pour les survivants puisque les Espagnols leur firent nombre de difficultés administratives. Après pratiquement trois années de saisie du bateau, le Saint-Jean-Baptiste, quitta le port du Callao le 7 avril 1773 pour achever son périple de plus de quatre années le 23 août 1773… Des années de galère !
Daniel Pardon
Ignorant l’existence des Cook et de l’archipel de la Société, de Surville conserva une route très au sud, au milieu de nulle part. Le scorbut continua ses ravages ; jusqu’à trois hommes mouraient chaque jour. Remontant vers l’île de Pâques, de Surville passa trop au sud, puis redescendit vers l’archipel de Juan Fernandez. Il vit, au sud, le 24 mars, Mas à Fuera, puis Mas a Tierra le 26 mars où il aurait pu trouver un mouillage sûr (l’actuelle baie de Cumberland) et des vivres à volonté, mais il ne parvint pas à incliner sa route ; finalement, pris dans le courant de Humbolt, il longea la côte chilienne avec un équipage réduit à l’état de mourants jusqu’à la côte de Chilca au Pérou.
Le 7 avril 1770, le navire resta à distance de la barre, mais le 8 avril après une première tentative avortée de son second de gagner la plage en canot afin d y chercher du secours, de Surville tenta sa chance avec trois hommes. Un Indien créole de Pondichéry se jeta à l’eau et parvint, excellent nageur, jusqu’à la plage, non sans avoir vu la chaloupe de de Surville se retourner : le navigateur fut noyé, empêtré dans ses vêtements, tout comme ses deux matelots.
Ainsi finit, lamentablement, ce qui eut pu être une exploration exceptionnelle des Mers du Sud. Mais de Surville, dont le navire croisa celui de Cook en Nouvelle-Zélande dans le brouillard, sans que les deux explorateurs ne s’en doutent, rata son exploration des Salomon puis celle de la double île maorie, tout comme il ne trouva pas la terre de Davis et finalement manqua les îles de l’archipel de Juan Fernandez. Le 11 avril 1770, de Surville, mort parce qu’il voulait sauver ses derniers hommes du scorbut en trouvant des secours, fut enterré en grande pompe à Chilca.
Les ennuis n’étaient pas terminés pour les survivants puisque les Espagnols leur firent nombre de difficultés administratives. Après pratiquement trois années de saisie du bateau, le Saint-Jean-Baptiste, quitta le port du Callao le 7 avril 1773 pour achever son périple de plus de quatre années le 23 août 1773… Des années de galère !
Daniel Pardon
A lire
Le dramatique tour du monde du chevalier de Surville (1769-1775), par Pottier de L’Horme (Paris, Service historique de la Marine, Editions du Gerfaut)
Trois ans au Pérou
Si l’accueil des survivants du Saint-Jean Baptiste au port d’El Callao et à Lima fut correct sur le plan humain (même si les malades du scorbut continuèrent à mourir par dizaines une fois hospitalisés), en revanche, les Espagnols se montrèrent intransigeants sur le plan diplomatique et commercial. Pas question que quelque marchandise soit débarquée du bateau, sinon pour être placée sous séquestre. Quant au bâtiment, il fut inspecté de fond en comble et l’équipage étroitement surveillé. Labbé, le second qui remplaça de Surville, dut se résoudre à envoyer, via le Panama, un messager en Europe pour demander une aide diplomatique et l’autorisation pour le Saint-Jean-Baptiste de rentrer en France. Ce qui ne se fit que le 23 août 1773, soit après une quarantaine de mois passés à attendre à Lima…
Une hécatombe
Lorsque le Saint-Jean-Baptiste quitta le Pérou le 7 avril 1773, l’équipage d’origine avait été presque entièrement décimé et le nouveau capitaine dut embarquer soixante-trois marins espagnols pour regagner la France. En effet, le scorbut avait fait des ravages durant ce voyage : cinquante et un morts entre les îles Salomon et la Nouvelle-Zélande nous dit Pottier de L’Horme, trente et un au Pérou après l’arrivée du navire au port du Callao (malgré les soins reçus), sans compter vingt-cinq désertions à Lima. Sans omettre quelques dizaines de morts entre la Nouvelle-Zélande et le Pérou…
En décembre 1769, de Surville avait croisé, sans le voir, l’Endeavour de James Cook, bateau admirablement tenu, aux antipodes du mouroir qu’était déjà le Saint-Jean-Baptiste…
En décembre 1769, de Surville avait croisé, sans le voir, l’Endeavour de James Cook, bateau admirablement tenu, aux antipodes du mouroir qu’était déjà le Saint-Jean-Baptiste…
Echec sur toute la ligne
L’expédition de de Surville fut un échec complet. Aucun scientifique n’était à bord, rien ne fut ramené en termes d’échantillons de flore, de faune ou de roches. L’espoir d’ouvrir de nouveaux comptoirs commerciaux s’avéra fortement douché, tout comme la découverte de la fameuse et nébuleuse terre de Davis (si elle a jamais existé, il ne pouvait s’agir que de l’île de Pâques ; rien à voir avec un pays de cocagne où faire des affaires). Enfin le commerce de cotonnades originaires des Indes avec les Péruviens fut impossible, l’Espagne interdisant à ses colonies tout échange commercial avec des puissances étrangères dans ce Pacifique qu’elle considérait encore comme « sa » mer.
Il est vrai qu’au départ, de Surville avait pour ordre de ne rien révéler des objectifs de sa mission, laissant ses officiers dans le doute permanent. Enfin le bateau sorti des chantiers Bourne à Nantes s’avéra très vite mal conçu et mal fini, d’où des voies d’eau permanentes. Bref, ce qui démarra mal se termina en une bien inutile tragédie.
Il est vrai qu’au départ, de Surville avait pour ordre de ne rien révéler des objectifs de sa mission, laissant ses officiers dans le doute permanent. Enfin le bateau sorti des chantiers Bourne à Nantes s’avéra très vite mal conçu et mal fini, d’où des voies d’eau permanentes. Bref, ce qui démarra mal se termina en une bien inutile tragédie.
La Nouvelle-Zélande a rendu un hommage à l’escale du Saint-Jean Baptiste dans ses eaux en 1997. Sur la vignette dentelée, l’une des deux ancres retrouvées par des plongeurs et le « pa » de Tokerau en face duquel ancra le navire.
Le voyage du navigateur français, qui ressembla, à bien des égards, à un long chemin de croix pour l’équipage et le capitaine.
Les armoiries de la Compagnie des Indes orientales, pour le compte de laquelle de Surville navigua pendant des années.
A Port Praslin, aux îles Salomon, l’escale fut brève et sanglante.
L’une des deux ancres du trois mâts de de Surville, retrouvée en 1974 par des plongeurs en Nouvelle-Zélande. Elle est exposée au Te Ahu Heritage (une autre se trouvant au musée Te Papa Tongarewa à Wellington).
A Doubtless Bay, un petit monument rappelle que le navigateur français fit ici une brève escale (site baptisé « baie Lauriston » par de Surville).